Procès de Monique Olivier : "Je ne dis pas que je ne mérite pas la prison", assure la complice de Michel Fourniret au premier jour d'audience
"Juger, c'est s'intéresser au parcours de vie (...). J'estime que c'est d'abord à vous qu'il appartient de vous expliquer sur ce parcours de vie." Le président de la cour d'assises des Hauts-de-Seine s'apprête, mardi 28 novembre, à débuter l'interrogatoire de personnalité de Monique Olivier, jugée pour complicité dans les enlèvements et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin. "Ça me fait peur d'être toute seule, devant tout le monde qui me regarde", explique la femme de 75 ans d'une petite voix. Elle comparaît seule, son ex-mari, le tueur en série Michel Fourniret, étant mort en 2021.
Cheveux courts blancs, pull clair, voûtée : Monique Olivier n'a pas tellement changé depuis ses deux précédents procès, en 2008 et 2018. En ce premier jour d'audience, ses propos sont souvent confus, elle marmonne. A tel point qu'il faut la faire souvent répéter.
En fin de matinée, lorsque le président Didier Safar termine de rappeler les insoutenables sévices infligés aux jeunes victimes de Michel Fourniret, auxquels Monique Olivier a, pour une partie, activement participé, elle perd ses moyens, et ses premiers mots se révèlent pour le moins inconsistants. En guise de première déclaration, l'accusée lance mollement : "Non, je regrette...". "Pardon ?", rétorque le président bien fort. "Je regrette tout ce qui s'est passé, mais écouter ça, ça me…", déclare-t-elle, sans finir sa phrase.
Elle se montrera plus prolixe ensuite, affichant parfois même un ton assuré. "Je la vois différente, je pense qu'elle a acquis une certaine liberté d'expression, elle parle plus, elle répond davantage aux questions", observe Didier Seban, avocat des familles de victimes, face à la presse.
Un "pacte criminel" passé en revue
Cette native de Tours est volontiers revenue sur son enfance, aux côtés d'une mère alcoolique et d'un père absent, qui a refusé de l'accueillir lorsqu'elle a tenté d'échapper à son premier mari, André Michaux, avec qui elle a eu deux enfants, en 1980 et 1981. Elle l'accuse d'avoir été violent et raconte en détails cette soirée où, après avoir couché les petits, il l'a giflée, a tenté de l'étrangler avant de l'emmener dans la salle de bain. "Il m'a obligée à m'allonger dans la baignoire remplie d'eau et m'a appuyé la tête dans l'eau, de plus en plus longtemps. C'est ce qui m'a décidée à partir."
Monique Olivier le quitte et épouse un Américain, pour qu'il obtienne la nationalité française. Ils divorcent un an plus tard, en 1987. C'est cette même année qu'elle entame sa correspondance avec Michel Fourniret, alors incarcéré pour plusieurs agressions sexuelles sur des jeunes femmes, ce dont il ne se cachera pas. Dès lors, dans un échange de plus de 200 lettres enflammées, se noue un "pacte criminel" : lui promet qu'il tuera son ex-mari et, en échange, elle devra l'aider à trouver des victimes.
"Quelle était l'obsession de Fourniret ?", interroge le président. Elle reste muette, puis, après plusieurs secondes, manifestement gênée : "C'était de rencontrer une jeune personne." Quand il lui demande ce qu'elle pense de sa fascination pour les jeunes filles vierges, elle répond, après un silence : "C'était un peu choquant mais disons que… C'était plutôt ridicule, vraiment, d'être à la recherche sans arrêt…" C'est souvent à cela que ressemblent les réponses de Monique Olivier : des phrases alambiquées, à côté de la plaque. "Donc vous y avez adhéré, à cette recherche de virginité ?", insiste-t-il. "Ben oui", lâche-t-elle.
"Je ne suis pas innocente"
Elle savait, mais elle a continué, l'a suivi et l'a assisté tout au long de son périple meurtrier. "Il me disait : 'Tu obéis, tu cherches pas à comprendre. Obéis et c'est tout'", assure celle qui affirme avoir toujours eu peur de lui. "Mais il ne s'est jamais montré violent, Fourniret ?", lui demande Didier Safar. "Non, non, mais il avait des paroles très méchantes. Il aimait bien nous... lorsqu'il y avait du monde à la maison, il aimait bien nous rabaisser."
C'est la ligne de défense de Monique Olivier, qui n'a de cesse d'affirmer qu'elle était soumise aux volontés de son "ogre" de mari. Et pourquoi, après seize ans de vie de couple avec lui, a-t-elle décidé, dans un revirement spectaculaire en juin 2004, d'avouer aux autorités belges une série de crimes commis par son mari d'alors ? "Parce que j'en avais assez, il fallait que ça s'arrête tout ça", explique-t-elle, avant de poursuivre, dans une forme de mea culpa un peu tarabiscoté : "Je ne suis pas innocente, je ne dis pas que je ne mérite pas la prison."
Corinne Herrmann, défenseure de la famille Domèce, a une autre interprétation. "Vous êtes bien maligne, quand vous passez aux aveux, vous parlez de deux cas : Céline Saison et Mananya Thumpong, où vous n'étiez pas avec Fourniret sur les routes", lui lance l'avocate spécialiste des "cold cases". "Vous dénoncez deux faits pour lesquels, en principe, vous ne risquez rien." "Je ne réponds plus aux questions", réplique Monique Olivier, vexée.
"Vous n'allez pas me mettre tous les crimes non résolus sur le dos ?"
L'accusation espère qu'elle continuera de se montrer coopérative tout au long du procès, car parler "devant des victimes" n’est pas la même chose que "devant un juge d’instruction", souligne l'avocat de Monique Olivier, Richard Delgenès, devant les journalistes. Les parties civiles attendent des réponses, et Didier Seban espère même la faire parler de plusieurs affaires non élucidées, persuadé qu'elle garde encore beaucoup de secrets.
Face à l'accusée, il fait par exemple référence à une baby-sitter, mentionnée par Monique Olivier lors de divers interrogatoires et dont l'existence a été confirmée par le voisinage du couple. Son identité n'a jamais été établie par les enquêteurs. Il parle également de l'affaire Lydie Logé, une jeune femme de 29 ans portée disparue dans l’Orne depuis 1993. Sa trace ADN a été retrouvée dans la camionnette de Michel Fourniret, ce qui a conduit, fin 2020, à une nouvelle mise en examen du tueur en série puis à celle de Monique Olivier.
"Vous n'allez pas me mettre tous les crimes non résolus sur le dos quand même ?", s'agace l'accusée. "On attend toujours vos explications. Pourquoi vous ne les donnez pas aujourd'hui ?", demande calmement Didier Seban. "Parce que je n'ai rien à dire", rétorque Monique Olivier. L'avocat compte bien y revenir dans les prochaines semaines : le procès doit durer jusqu'au 15 décembre. Mais le président a d'ores et déjà annoncé qu'il pourrait se prolonger.
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