Pôle dédié aux "cold cases" : "Une grande avancée" pour répondre "à une urgence", estime l'avocate Corinne Herrmann
"En France, on a toujours nié le fait qu'on a des tueurs en série. Aujourd'hui, je crois qu'on a compris qu'on en avait beaucoup plus qu'on ne le pense", espère l'avocate, qui représente notamment le père d'Estelle Mouzin.
"C'est une grande avancée, nous avons enfin été entendus", s'est félicitée mercredi 12 janvier sur franceinfo Maître Corinne Herrmann, avocate avec Didier Seban d’Éric Mouzin, le père d'Estelle Mouzin, enlevée à l’âge de 9 ans par Michel Fourniret, le 9 janvier 2003. Elle réagissait à la création d'un pôle judiciaire dédié aux "cold cases", une juridiction spécialisée centrée sur les crimes en série et les affaires non résolues, confirmé par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. "Ça fait vingt ans que nous sollicitons ce pôle (…) c'était une urgence", a poursuivi Corinne Herrmann, estimant qu'il y a "un vrai déficit" concernant les tueurs en série. "Il était temps qu'on apporte une réponse aux familles". Ce pôle sera opérationnel à partir du 1er mars, basé à Nanterre, en région parisienne, et piloté par trois juges d'instruction.
franceinfo : Éric Mouzin réclamait la semaine dernière la création d'un pôle "cold cases". Ça s'accélère, donc. J'imagine que pour vous, ce matin, c'est une grande avancée ?
Corinne Herrmann : Oui, c'est une grande avancée. Nous avons enfin été entendus avec Didier Seban.
"Ça fait vingt ans que nous sollicitons ce pôle parce que nous considérons qu'en ce qui concerne les tueurs en série, les dossiers qui doivent être rapprochés sur tout le territoire et les dossiers anciens, il y avait un vrai déficit."
Corinne Herrmann, avocateà franceinfo
On parle quand même d'homicides, donc c'était une urgence d'avoir ce pôle et nous sommes évidemment satisfaits de sa création.
Qu'est-ce que ça va changer concrètement pour ces affaires ?
Ça va nous permettre d'avoir des juges qui se spécialiseront, à l'instar des juges antiterroristes ou des juges financiers. Ce seront des magistrats qui ne traiteront que ces affaires et qui, évidemment, développeront des techniques spécifiques, mais surtout les comprendront beaucoup mieux. Ils auront le temps, le temps nécessaire à consacrer à ces dossiers, alors que les magistrats aujourd'hui gèrent toute une série de dossiers différents, avec des détenus à gérer, en plus de ces "cold cases" qui sont lourds parce qu'ils sont en échec. Il faut développer de nouvelles techniques et leur accorder une attention particulière ce que vont enfin pouvoir faire les magistrats de ce pôle.
Trois juges d'instruction dans ce pôle, est-ce que c'est assez ?
C'est un commencement, je suis très optimiste. C'est un départ et le ministre de la Justice a indiqué que cela pouvait évoluer et que cela va évoluer en fonction des dossiers parce qu'on n'a pas de réelle connaissance du nombre de dossiers en souffrance et du nombre de dossiers en attente. Le ministre de la Justice a parlé de 241 dossiers. Au cabinet, on en a 80 donc je pense que ce nombre va exploser. On estime qu'il y a 200 dossiers non-résolus tous les ans donc si on fait le calcul, sur plusieurs années, il y a vraiment beaucoup de dossiers qui se sont accumulés. Évidemment, s'il faut d'autres magistrats, d'autres moyens, on surveillera ça avec Didier Seban et les familles de victimes que l'on représente, mais je pense qu'il est appelé à évoluer.
Pourquoi la France n'a pas fait ça plus tôt ?
On ne comprend pas, puisque ça fait vingt ans qu'on en parle. J'ai sorti un livre en 2008 qui parlait de la nécessité de ce pôle. On a sorti un livre avec Didier Seban, il y a quelques mois, avec cette proposition parmi d'autres. Il nous paraît assez clairement qu'en matière de tueurs en série, on est en retard. Mais, en France, on a toujours nié le fait qu'on a des tueurs en série, qu'il faut travailler spécifiquement sur ces tueurs. Aujourd'hui, je crois qu'on a compris qu'on en avait beaucoup plus qu'on ne le pense et que la sérialité est quelque chose sur laquelle on n'a pas su travailler en France. Il était temps qu'on apporte une réponse aux familles. Et puis, les "cold cases" sont traités dans le monde entier. Il y a des services spécifiques dans le monde entier. Il était temps qu'on rejoigne les autres et qu'on développe des techniques.
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