"Aux assises, on prend le temps d’entendre les victimes, les témoins, les experts, les enquêteurs" : pourquoi l'idée d'un tribunal criminel fâche les avocats
Des magistrats et des avocats sont mobilisés vendredi contre la réforme de la justice. Leurs principaux syndicats redoutent, en particulier, l'expérimentation d'un tribunal criminel dans certains départements.
Moins de deux semaines après la présentation par le gouvernement des grandes lignes de la réforme de la justice, les principaux syndicats de magistrats et d'avocats appellent vendredi 30 mars à "une journée justice morte". Un projet les contrarie particulièrement, c'est l'expérimentation d'un tribunal criminel dans certains départements.
Des faits triés selon leur gravité
Pour Aline Lebret, avocate pénaliste au barreau de Caen, la cour d'assises est la seule garantie pour que la justice soit bien rendue. "Les jurés qui vont juger vont se retirer après plusieurs jours d’audience, sans le dossier qu'il n'ont jamais eu, mais avec ce qu’ils auront entendu", explique l'avocate, interrogée par France Bleu Normandie. C’est pourquoi il est très important en cour d’assises que tout soit dit. On prend le temps d’entendre les victimes, les témoins, les experts, les enquêteurs."
Avec la réforme, l’oralité des débats risque de disparaître pour certaines affaires, comme les viols, les actes de torture et de barbarie. "Les cours d'assises demeurent et resteront compétentes pour les crimes les plus graves, ceux punis de plus de vingt ans de prison, comme les meurtres et assassinats, ou ceux commis en récidive", avait déclaré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, dans un entretien au journal Le Monde le 9 mars dernier. Ce dosage dans la gravité des crimes agace particulièrement Me Lebret.
La fin d'un procès qui "coûte cher"
La disparition des jurés dans certaines affaires est aussi redoutée par Aline Lebret. "Il y aura des magistrats professionnels qui auront entre les mains un dossier", affirme l'avocate. "Il ne sera plus nécessaire d’entendre les gens que j’ai cités, parce que ça coûte cher", redoute-t-elle. L'argument d'une justice rendue avec plus de rapidité ne tient pas non plus, dit-elle. "Ce qui est long dans la justice criminelle, c’est l’enquête, l'instruction, certainement pas le délai entre la fin de l'instruction et l'audiencement devant la cour d’assises", soutient-elle.
Comme ses consœurs et confrères de Caen, l'avocate a prévu de rejoindre le rassemblement devant le tribunal, vendredi, pour refuser une réforme, disent-ils, qui n'obéit qu’à un seul souci, celui de faire des économies.
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