Rejet du projet de loi immigration : pourquoi neuf députés de la majorité n'étaient pas présents lors du vote

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors du vote de la motion de rejet sur le projet de loi immigration, le 11 décembre 2023, à l'Assemblée nationale. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)
La motion de rejet des écologistes, visant à ne pas examiner le texte du gouvernement, a été adoptée lundi par 270 voix contre 265. Dans la majorité, quelques voix ont manqué pour diverses raisons.

Il a tenu à mettre les points sur les i. "Depuis six ans et demi que nous sommes en responsabilité, il n'y a jamais eu autant de députés présents à un moment précis pour faire un vote", a martelé, mardi 12 décembre, Sylvain Maillard, le patron des députés Renaissance, sur France Inter, refusant toute "chasse aux sorcières". Et d'insister : "97% de mon groupe était présent."

Sauf que cela n'a pas suffi. Lundi, le camp présidentiel a essuyé un revers politique historique à l'Assemblée nationale. Les députés ont adopté à 270 voix contre 265 la motion de rejet des écologistes, visant à ne pas examiner le projet de loi immigration, porté par Gérald Darmanin. Dans le camp présidentiel, la sidération est totale. "Je crois qu'on ne réalise pas l'ampleur de la crise politique qu'il y a devant nous", souffle un influent député Renaissance. 

"Cela va se jouer à cinq voix près", prédisaient, quelques instants avant le vote, plusieurs sources dans la majorité. C'est exactement ce qu'il s'est passé. Chez Renaissance, cinq voix ont manqué l'appel, soit l'écart exact entre les suffrages pour et les contre. Les alliés des macronistes n'étaient également pas tous au complet : trois députés MoDem n'ont pas pris part au vote, tandis qu'une députée du groupe Horizons était absente. Les oppositions n'étaient pas non plus présentes à 100%, puisque 10 députés de gauche n'ont pas voté.

Deux délégations de vote refusées

Chez Renaissance, selon des sources concordantes, deux délégations de vote – qui permettent aux députés de transmettre leur voix à un de leur collègue dans un cadre strict – n'ont pu être enregistrées à 16 heures, faisant perdre de précieuses voix à la majorité. D'abord, celle d'Anne Genetet, députée des Français de l'étranger, qui était en déplacement en Chine au moment du scrutin. Sa délégation a été "refusée au motif qu'elle a écrit 'à compter du lundi soir'", souligne une source dans la majorité, alors que le vote a eu lieu vers 17h40. 

L'autre député concerné par cette délégation de vote refusée est Michel Lauzzana. L'élu du Lot-et-Garonne assure avoir envoyé dès vendredi un certificat médical à son groupe parlementaire ainsi qu'aux services de l'Assemblée afin d'obtenir une autorisation de voter malgré son absence. Problème : le groupe Renaissance s'est aperçu lundi que la pièce jointe contenant le certificat médical n'avait pas été correctement transmise aux services du Palais-Bourbon. Trop tard pour rectifier le tir. "J'avais la conscience tranquille et pensais avoir fait ce qu'il fallait. Je soutenais le texte du gouvernement et j'aurais voté contre la motion de rejet", soupire-t-il, évoquant une situation "très désagréable." 

"C'est très pénible pour moi d'avoir à me justifier."

Michel Lauzzana, député Renaissance

à franceinfo

Jean-Philippe Ardouin, député de Charente-Maritime, justifie de son côté son absence par "un déplacement à l'étranger prévu de longue date" et assure avoir prévenu le groupe Renaissance "une semaine auparavant". "J'aurais voté évidemment dans le sens de mon groupe contre cette motion de rejet", commente-t-il. Contactée, Amélia Lakrafi, députée Renaissance des Français de l'étranger, n'a pas répondu à nos sollicitations, comme Philippe Bolo, député du MoDem lui aussi absent lors du scrutin. 

A dix minutes près…

Il y a également ceux qui ont subi des retards dans les transports, leur faisant manquer le moment fatidique. Philippe Berta, député MoDem du Gard, est de ceux-là. "J'avais un soupçon de Covid, et donc j'attendais les résultats de mon test PCR pour monter à Paris. Puis mon train a eu une heure trente de retard, je n'ai pas eu le temps d'arriver", raconte-t-il. "C'est la première fois que cela m'arrive en sept ans", se désole ce généticien de formation, qui aurait voté comme son groupe. "On a vu le pire du pire de la basse manœuvre politicienne", souffle-t-il à propos du vote commun des oppositions.

Anne-Cécile Violland, députée Horizons, se trouvait aussi dans un train en compagnie d'une autre collègue, la députée LR Virginie Duby-Muller. Là encore, leur trajet depuis la Haute-Savoie a accusé une heure de retard. Arrivées à Paris, les deux élues se ruent toutes deux sur un moto-taxi pour espérer arriver à temps dans l'hémicycle. "J'écoutais les débats dans une oreillette et quand j'ai compris qu'il ne restait qu'un orateur, j'ai su que ça n'allait pas le faire", relate la première, profondément dépitée. Les deux parlementaires arriveront finalement dix minutes après le scrutin public. 

"C'est une frustration énorme d'avoir manqué le vote, c'est extrêmement rageant."

Anne-Cécile Violland, députée Horizons

à franceinfo

"Ça s'est joué à pas grand-chose", poursuit Anne-Cécile Violland, qui a immédiatement transmis un message au cabinet du ministre de l'Intérieur. Les proches de Gérald Darmanin l'ont rassurée, lui rappelant que sa seule voix n'aurait pas suffi à faire pencher la balance. L'élue n'en finit pas de pester contre les députés LR qui ont voté la motion de rejet : "Ils refusent le débat, c'est aberrant, ils auront des comptes à rendre à leurs électeurs."

Une opposition de fond pour un député MoDem

Monique Iborra, députée Renaissance de Haute-Garonne, n'était pour sa part pas à l'Assemblée car elle accompagnait le président de la République à Toulouse, pour un déplacement consacré à un bilan d'étape de France 2030. "J'étais le seul représentant de Renaissance [sur place]. Je devais y être, a-t-elle justifié, auprès de La Dépêche. Bien évidemment, j'aurais voté contre cette motion de rejet parce que cette loi sur l'immigration, elle est essentielle, beaucoup de gens l'attendaient."

Un point de vue diamétralement opposé à celui de Mohamed Laqhila. Ce député MoDem est le seul membre de la majorité à ne pas avoir pris part au vote pour signifier son refus du texte du gouvernement. "Ce débat, depuis des années, je le vis très mal", a-t-il expliqué sur BFMTV, assurant que "le fond" du projet de loi ne lui convenait pas. "Le texte du Sénat, c'est le programme du RN", a-t-il fustigé.

Ces députés devraient avoir une nouvelle chance de s'exprimer sur le projet de loi immigration, puisque le gouvernement a fait le choix de renvoyer le texte en commission mixte paritaire

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