Projet de loi immigration : "On ouvre une séquence extrêmement nauséabonde", s'inquiète le président de SOS Racisme

Le chef de l'État a affirmé vouloir saisir le Conseil constitutionnel après l'adoption mardi de la loi immigration. "Je suis extrêmement étonné que des parlementaires votent des dispositions qu'ils savent contraires à la Constitution française", affirme le président de SOS Racisme.
Article rédigé par franceinfo
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Dominique Sopo, président de SOS Racisme, le 17 novembre 2013. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"En votant des textes contraires à la Constitution, on ouvre une séquence extrêmement nauséabonde", s'inquiète Dominique Sopo, président de SOS Racisme sur franceinfo mercredi 20 décembre, alors qu'Emmanuel Macron a indiqué qu'il allait saisir le Conseil constitutionnel concernant la loi immigration, rédigée mardi 19 décembre par la commission mixte paritaire (CMP) puis adoptée dans la foulée par le Parlement.

Le président de la République, la Première ministre et le ministre de l'Intérieur ont tous les trois affirmé mardi 19 et mercredi 20 décembre qu'ils voyaient dans le texte de loi immigration des mesures inconstitutionnelles et qu'il fallait que le Conseil constitutionnel soit saisi.

"Je suis extrêmement étonné que des parlementaires votent des dispositions qu'ils savent contraires à la Constitution française", affirme Dominique Sopo. Le président de l'association SOS Racisme y voit "un affaiblissement de nos principes puisque finalement, on met le Conseil constitutionnel en position de devoir retoquer des dispositions qu'on a estimées comme étant admissibles"

En raisonnant ainsi, "on ouvre une séquence extrêmement nauséabonde", prévient Dominique Sopo, puisqu'on soumet l'idée "qu'il faudrait peut-être réformer la Constitution pour remettre en cause les garanties apportées par le principe d'égalité. C'est exactement ce que demandait Marine Le Pen lors de l'élection présidentielle 2022. C'est exactement les raisons qui ont fait que beaucoup de Français ont voté pour Emmanuel Macron pour faire obstacle à ce projet de remise en cause du principe d'égalité".

Le droit du sol "écorné" par la droite en 1993

La mesure qui choque le plus le président de SOS Racisme dans cette loi immigration, c'est le durcissement des conditions d'accès à la nationalité française : un enfant né en France de deux parents étrangers ne se verra plus attribuer la nationalité française de manière automatique, il devra en faire la demande à la préfecture entre ses 16 et 18 ans. "C'est un changement tellement fondamental que cette disposition nous fait revenir à un niveau de législation qu'on n'a pas connu depuis le début du XIXᵉ siècle, sous Napoléon Bonaparte", déplore Dominique Sopo.

La droite "avait écorné" cette tradition du droit du sol en France, avec la loi d'août 1993 qui obligeait les enfants nés de parents étrangers à demander la nationalité française entre 16 et 21 ans. Une loi révoquée par celle de mars 1998, qui a réinstauré le principe d'automaticité. Mais dans ce laps de temps, Dominique Sopo rappelle "qu"on avait déjà constaté que les filles demandaient moins l'accès à la nationalité", à cause "de pressions familiales". Ce phénomène va de nouveau exister "chez des personnes éloignées des institutions", prévient Dominique Sopo.

"Et par ailleurs, ajoute le président de SOS Racisme, ça envoie évidemment un signal de différenciation entre des jeunes qui ont tous grandi en France selon qu'ils sont de parents français ou de parents étrangers. C'est une rupture fondamentale avec la tradition républicaine qui s'est instaurée en 1889 et qui, aujourd'hui, est remise en cause sous les coups de boutoir de l'extrême droite avec la complicité de la majorité présidentielle et du groupe LR (Les Républicains)"

Ainsi, Dominique Sopo estime qu'il ne peut pas croire Élisabeth Borne, quand celle-ci s'auto-qualifie "d'humaniste" dans la matinée mercredi 20 décembre sur France Inter, alors "qu'une partie de ce qui a été voté hier par le Sénat et l'Assemblée nationale est une reprise des obsessions de l'extrême droite"

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