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L'article à lire pour comprendre la réforme du collège

Si vous êtes perdu dans les détails de ce projet et les polémiques qui l'entourent, francetv info vous propose cet article pour y voir un peu plus clair.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Des élèves d'un collège de Tinténiac (Ille-et-Vilaine), le 23 septembre 2011. (DAMIEN MEYER / AFP)

Après celle des rythmes scolaires, nouvelle réforme dans la douleur pour l'Education nationale. Depuis plusieurs semaines, Najat Vallaud-Belkacem est sous le feu des critiques pour sa réforme du collège, prévue pour entrer en application à la rentrée 2016, ainsi que celle des programmes du CP à la 3e.

Si vous êtes perdu dans les détails de ce projet et les polémiques qui l'entourent, francetv info vous propose cet article pour y voir un peu plus clair.

Encore une réforme du collège ? Elle est censée changer quoi, celle-là ? 

Pour la ministre de l'Education nationale, l'objectif est de lutter contre l'ennui supposé des collégiens. Pour y parvenir, elle mise principalement sur les EPI, les Enseignements pratiques interdisciplinaires. Les professeurs de différentes matières travailleront ensemble dès la 5e dans huit domaines comme le "développement durable", "sciences et société", "corps, santé et sécurité", "langues et cultures de l’Antiquité". Concrètement, il s'agira d'ateliers qui permettront de mettre en pratique les notions enseignées. L'Obs prend l'exemple de la création, par une classe de 4e, d'un magazine consacré à la machine à vapeur. Un thème qui fait appel à la physique, aux mathématiques et à l'histoire. Chaque collège pourra consacrer 20% de son emploi du temps à ces EPI suivant les besoins des élèves, et 4 000 postes seront créés pour leur mise en place.

La réforme prévoit également la suppression des classes bilangues ainsi que des sections européennes, accusées de favoriser l'élitisme et de creuser les inégalités au collège. En revanche, une deuxième langue sera étudiée en 5e, soit un an plus tôt qu’aujourd’hui.

On parle beaucoup du latin et du grec : ils disparaissent, oui ou non ? 

La réponse est non, mais... Dans la première mouture de la réforme, ces options, accusées de favoriser l'élitisme, devaient disparaître au profit d'un EPI intitulé "langues et culture de l’Antiquité". Les enseignants étant libres de décider du contenu pédagogique de ces ateliers, rien, dans les faits, note Libération, ne garantissait que l'enseignement du latin ou du grec y soit instauré.

Face à la bronca des professeurs de langues anciennes, le ministère a décidé de maintenir, en plus de ce qui est prévu par la réforme, une option, comme ce qui se fait aujourd'hui, mais avec un volume horaire réduit d’une heure à chaque niveau. Or, note Le Monde, ces cours seront absents de la grille horaire et sans financements spécifiques. Ce sera donc aux établissements de choisir s'ils les conservent ou les suppriment.

Faut-il aussi s'inquiéter pour l'allemand ? 

Les collégiens pourront toujours étudier la langue de Goethe, et même plus tôt, car la réforme prévoit le début de la deuxième langue vivante dès la 5e, contre la 4e aujourd'hui. En revanche, ce sont les classes bilangues et européennes, accessibles dès la 6e, qui disparaissent, elles aussi jugées trop élitistes par la ministre. Cette décision a provoqué l'inquiétude chez nos voisins, ainsi que de la part de Jean-Marc Ayrault (l'ancien Premier ministre est professeur d'allemand de formation). Ce parcours permettait, selon eux, d’enrayer la chute des effectifs dans cette discipline, pour stabiliser l’allemand au rang de troisième langue enseignée en France.

Vous ne parlez pas des programmes ?

C'est l'autre volet de la polémique. Il ne concerne pas la réforme du collège en elle-même, mais le nouveau programme d'histoire, censé entrer en vigueur à la rentrée 2016 et qui s'inspire des propositions du Conseil supérieur des programmes. "Pour la première fois, certains sujets seront obligatoires et d'autres facultatifs", explique Europe 1. Ce qui fait craindre des impasses. Ainsi, en 5e, l'histoire de l'islam est présentée comme un "module obligatoire" (tout comme le christianisme et le judaïsme en 6e) tandis que l'histoire de la chrétienté au Moyen Age, ou encore la période des Lumières, sont qualifiées de "module facultatif".

Mais il s'agit d'une première mouture, a précisé le président du Conseil supérieur des programmes, jeudi 7 mai. Reconnaissant des erreurs, Michel Lussault a rappelé que les textes présentés en mars étaient destinés à être amendés après des discussions avec les enseignants.

Que reprochent les opposants à ces nouveautés ? 

L'opposition à ces projets est hétéroclite. Pour les professeurs et leurs syndicats, c'est une petite révolution, qui passe mal. Les EPI impliquent, pour eux, "une nouvelle manière d'enseigner, plus collaborative, plus interdisciplinaire, davantage tournée vers 'les projets'", explique Le Figaro. Le Snes dénonce l'esprit libéral de cette réforme, qui donne plus d'autonomie aux établissements. 

Certains intellectuels ne sont pas en reste, comme le professeur au collège de France Marc Fumaroli, qui dénonce "un coup de grâce" pour le latin et le grec. Le philosophe de gauche Michel Onfray a, quant à lui, chargé les futurs programmes d'histoire.

L'essayiste et universitaire Régis Debray a, lui, annoncé la fin programmée du latin, le tout-anglais, et plus généralement une école qui "reproduirait tous les vices du monde extérieur : le zapping, le surfing, le cocooning, le packaging, le marketing", avec cette formule choc : "La civilisation, ce n'est pas le Nutella, c'est l'effort."

Le philosophe Jean-Pierre Le Goff a, pour sa part, fustigé les "petits idéologues qui gravitent autour de Najat Vallaud-Belkacem, et profitent de l'école pour installer un meilleur des mondes à leur mesure", rapporte Le Figaro

Comment la ministre défend-elle sa réforme ? 

Pas question de reculer. La ministre de l'Education soutiendra "jusqu'au bout" la réforme du collège, a-t-elle répété jeudi 7 mai, sur Radio Classique. Très offensive lors de son interview du 30 avril sur RTL, elle avait qualifié de "pseudo-intellectuels" ceux qui critiquent son projet, "car, pour moi, quand un intellectuel s'exprime sur un sujet, il a la rigueur intellectuelle d'aller vérifier de quoi il parle"

Et jusqu'à présent, elle a pu compter sur le soutien de Manuel Valls et François Hollande. "J'entends le concert des immobiles, a ainsi lancé le président. Ce sont souvent les plus bruyants, ceux qui, au nom de l'intérêt général supposé, défendent leurs intérêts particuliers", a-t-il lancé mercredi, enchaînant : "Eh bien non, c'est terminé."

François Hollande et Najat Vallaud-Belkacem, le 17 mars 2015, à Paris. (CHARLES PLATIAU / AFP)

L'opposition a lancé une pétition, mais pourquoi seulement maintenant ? 

Le député UMP Bruno Le Maire, appuyé par 152 autres parlementaires de droite et du centre, a en effet réclamé, dans une lettre ouverte adressée au président de la République, mercredi 6 mai, le retrait de la réforme du collège. Tous dénoncent le fait "de couper la langue française de ses racines en réduisant l'enseignement du latin à de simples notions de civilisation""de rendre facultatif l'enseignement des Lumières au collège" et "de fragiliser l'apprentissage de l'allemand en France en supprimant les classes bilangues".

Un réveil de l'opposition calculé, selon certains. Comme le note Le Figaro, l'UMP (en passe de devenir Les Républicains) a enfin trouvé "un cheval de bataille" idéal pour se rassembler. Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, tous sont sur la même longueur d'ondes pour dénoncer cette réforme qui va "renier les fondements de notre nation". Preuve de cette union sacrée qui prend forme : on retrouve dans la liste des signataires de la lettre des centristes comme Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin, ou encore des souverainistes, tel Jacques Myard.

Ok, mais peuvent-ils empêcher la réforme de passer ? 

De manière institutionnelle, ce n'est plus possible, car la réforme du collège ainsi que celle des programmes ne sont pas des textes de loi. Elles ont déjà été adoptées par le Conseil supérieur de l'éducation, le 10 avril

Mais pour des syndicats d'enseignants, le combat n'est pas terminé. Il appellent à une journée de grève et de manifestation, le 19 mai prochain, pour tenter de faire plier le gouvernement.

J'ai eu la flemme de lire l'article en entier, vous pouvez me faire un résumé ? 

Najat Vallaud-Belkacem défend sa réforme du collège, dont l'objectif est de casser les barrières entre les différentes matières étudiées avec l'instauration des Enseignements pratiques interdisciplinaires dès la 5e. La deuxième langue vivante sera enseignée à partir de cette année-là, au lieu de la 4e, comme c'est le cas aujourd'hui. En revanche, les classes européennes sont amenées à disparaître, comme certaines classes bilangues, jugées trop élitistes. Les options latin et grec, accusées elles aussi de favoriser l'élitisme, seront toujours enseignées, mais à raison d'une heure de moins par rapport aux horaires actuels, en plus d'un éventuel enseignement en EPI.

Cette transformation s'accompagne d'une réforme des programmes, et notamment ceux d'histoire. Certains thèmes abordés sont censés être obligatoires et d'autres non. L'islam est ainsi présenté comme un "module obligatoire" (tout comme le christianisme et le judaïsme) tandis que l'histoire de la chrétienté au Moyen Age, ou encore la période des Lumières sont qualifiées de "module facultatif".

Ces bouleversements sont non seulement contestés par des enseignants et certains intellectuels, mais aussi par l'opposition, qui a trouvé là un cheval de bataille pour se rassembler. Une journée de grève et de manifestation est prévue le 19 mai pour tenter de faire reculer le gouvernement.

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