Bourses, aides ponctuelles, logements : que propose aujourd'hui le Crous aux étudiants précaires ?
Le jeune homme qui a tenté de se suicider vendredi dénonçait la précarité étudiante. Il avait récemment perdu son logement étudiant et sa bourse de 450 euros mensuels.
Près d'une semaine après son immolation par le feu, Anas K., 22 ans, était toujours entre la vie et la mort, mercredi 13 novembre. Dans un message mis en ligne avant sa tentative de suicide, l'étudiant de l'université Lyon-2 présentait son geste comme un moyen de dénoncer son statut précaire (et celui de ses camarades) et de pointer le rôle du Crous, l'organisation chargée de distribuer les aides et les logements destinés aux étudiants. Des mots d'ordre repris, depuis, dans de nombreux rassemblements de jeunes partout en France.
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Dans son texte, Anas K. explique qu'il bénéficiait jusqu'à l'année scolaire dernière d'une bourse de 450 euros mensuels – "Est-ce suffisant pour vivre ?" s'interroge-t-il. Depuis la rentrée, il n'y avait plus droit, en raison de son deuxième redoublement consécutif. Plusieurs de ses proches ont expliqué qu'il avait aussi dû quitter son logement étudiant et qu'il partageait son temps entre le domicile de sa compagne et celui de ses parents. Il avait demandé une aide ponctuelle, qui lui avait été refusée.
Alors que les manifestants réclament un soutien plus important pour les étudiants pauvres, retour sur les aides dont ils peuvent bénéficier aujourd'hui.
Une bourse
Le dispositif dont profitent le plus d'étudiants (712 000 l'an dernier) est celui des bourses sur critères sociaux. Les modalités de calcul et d'attribution, complexes, sont détaillées dans une circulaire. Si des cas particuliers existent, l'essentiel des étudiants peuvent en bénéficier à condition qu'ils aient moins de 28 ans (ou qu'ils soient dans le prolongement de leurs études) et, surtout, que leurs parents ne dépassent pas un certain niveau de revenus.
Il existe huit échelons – de 0 bis à 7 – correspondant aux différents montants croissants que l'étudiant peut toucher chaque mois, pendant les dix mois de l'année scolaire. Fixés par le ministère, ils sont publiés chaque année au Journal officiel. Cette année, ils ont été revalorisés de 1,1% en moyenne, après trois ans de gel. Un boursier échelon 0 bis touche 1 020 euros étalés sur 10 mois, soit 102 euros mensuels. Un boursier échelon 7, le plus élevé, a droit à 561,20 euros mensuels.
Les étudiants boursiers sont, par ailleurs, dans l'enseignement supérieur public, dispensés du paiement des frais d'inscription et de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).
Le ministère fixe aussi les barèmes de revenus correspondant à chaque échelon. Ils sont détaillés dans un tableau publié au Journal officiel. Les revenus pris en compte sont ceux de l'année fiscale datant de deux ans avant la rentrée, c'est-à-dire celle de 2017 pour l'année scolaire en cours, même si une dérogation est possible en cas de chute de revenus.
S'y ajoute un système de "points de charge" : si les parents de l'étudiant ont d'autres enfants à charge, ces derniers rapportent des points ; de même si le logement familial est situé à plus de 30 km de son lieu d'études, et encore plus si la distance dépasse 250 km. A chaque point de charge, le barème change et peut permettre à l'étudiant d'obtenir, à revenu parental égal, un montant plus important.
La circulaire concernant les bourses est très claire : celles-ci constituent "une aide complémentaire à celle de la famille", le Code civil imposant "aux parents d'assurer l'entretien de leurs enfants, même majeurs, tant que ces derniers ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins". Les montants attribués ne sont donc pas, en théorie, pensés pour suffire à ces étudiants au quotidien. En 2014, selon une étude de l'Insee, 8% des parents d'étudiants disaient ne pas du tout aider financièrement leurs enfants. Les étudiants qui ne reçoivent aucune aide parentale, ou qui sont en situation de rupture familiale, peuvent toucher une aide spécifique annuelle, mais elle remplace la bourse et son montant est équivalent.
Le Crous peut suspendre, voire demander le remboursement de la bourse si l'élève n'est pas assez assidu, même si des dispenses sont en théorie possibles : problème de santé, situation familiale compliquée, poursuite d'un deuxième cursus en parallèle… Le statut d'étudiant salarié, qui nécessite de travailler au moins 120 heures par trimestre (environ 10 heures par semaine), autorise également à échapper à cette obligation d'assiduité. Il est, quoi qu'il arrive, possible de cumuler une bourse et un travail rémunéré, et même de percevoir la prime d'activité.
Enfin, des étudiants remplissant les critères de revenus peuvent perdre leur droit à une bourse. Celle-ci ne peut en théorie être versée que sept ans sur l'ensemble de leur scolarité, et elle est refusée aux élèves ayant redoublé deux fois sur les trois premières années d'étude, trois fois sur leurs quatre ou cinq premières années, ou quatre fois sur leurs six premières années. C'est la situation dans laquelle se trouvait Anas K., qui avait triplé sa deuxième année. Il dit avoir touché auparavant 450 euros mensuels, ce qui correspond à une bourse échelon 5.
Des aides spécifiques ponctuelles
Les étudiants en difficulté sont éligibles à un autre dispositif de soutien financier : l'aide spécifique ponctuelle, dont les modalités sont détaillées sur le site du ministère. Elle permet, explique le Crous, de faire face à une "situation grave", et peut être cumulée avec une bourse. Son montant, versé en une fois, est plafonné : elle peut atteindre au maximum l'équivalent de dix mois de bourse échelon 1, soit, cette année, 1 687 euros. Il est possible de toucher plusieurs aides ponctuelles dans la même année scolaire, mais, là encore, dans une certaine limite : leur montant cumulé ne peut pas dépasser deux fois dix mois de bourse échelon 1, soit 3 374 euros.
Mais ces aides n'ont rien d'automatique. Elles sont attribuées par une commission, présidée par le directeur du Crous, qui doit décider si la situation de l'étudiant justifie ou non ce versement supplémentaire, et fixer son montant. Outre "les difficultés qu'il rencontre", la commission prend aussi en compte "son parcours universitaire", explique le ministère sans plus de précisions. L'étudiant peut, au préalable, appuyer sa demande lors d'un entretien avec un agent du Crous. En revanche, une fois l'aide accordée ou refusée, il ne dispose d'aucun recours pour contester cette décision. Une des camarades d'Anas K. affirme à Libération qu'il avait demandé une telle aide après la perte de sa bourse, et qu'elle lui avait été refusée.
Des logements étudiants
Outre une aide financière, le Crous met à la disposition des étudiants un certain nombre de logements. Destinés aux étudiants de milieu modeste, ils sont attribués selon les mêmes critères que les bourses : le revenu des parents, le nombre d'autres enfants à charge, et la distance entre le lieu d'études et le domicile familial. Mais avec une distinction de taille : le nombre de logements disponibles n'est bien sûr pas infini. En France, l'an dernier, si on comptait 712 000 étudiants boursiers, le nombre de places en cité universitaire était bien plus faible – environ 170 000 selon le syndicat Solidaires étudiant-e-s.
Il faut donc trancher entre les étudiants éligibles. Une tâche qui incombe au directeur du Crous, même si une commission paritaire composée pour moitié de membres de l'administration et pour moitié d'étudiants rend un avis. Les demandeurs déboutés doivent se tourner vers les résidences étudiantes privées ou les logements du parc locatif classique.
Et pour ceux qui obtiennent une place, ces logements ne sont pas gratuits. Les loyers varient entre 200 et 500 euros par mois pour une chambre ou un studio dans une cité U. Qu'ils vivent en résidence universitaire ou ailleurs, les étudiants sont aussi éligibles aux aides au logement, distribuées par la CAF, dont la plus célèbre est l'APL.
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