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50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Marta Szymczyk milite pour le droit à l’avortement en Pologne

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France

Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Marta Szymczyk, militante féministe polonaise, est engagée pour le droit à l'avortement, de plus en plus menacé dans son pays.

En 2016, le gouvernement polonais envisage de contraindre chaque femme victime d’une fausse couche à s’en expliquer devant un tribunal. Jusque alors, Marta Szymczyk n'avait jamais manifesté, jamais écrit de tract, jamais organisé de groupes de parole. Le projet de loi la pousse vers le militantisme : "J'ai trouvé que c'était vraiment ignoble cette ingérence dans la vie intime des femmes, de les soupçonner d'avoir avorter alors qu'elles viennent de vivre un drame."

Il faut dire que quelques années plus tôt, la jeune à la silhouette frêle a perdu son bébé en cours de grossesse. "Je me suis imaginée dans cette situation : avoir fait une fausse couche et devoir aller me justifier devant un procureur. J'ai trouvé ça absolument humiliant. Ca brisait ma dignité de femme. J'ai dit non. C'était vraiment dépasser les limites de l'acceptable." 

Alors pour la première fois de sa vie, Marta, institutrice de formation, descend dans la rue. Elle fait des pancartes, elle crie des slogans, elle raconte son histoire devant la foule des manifestants.

Le gouvernement recule, le combat continue

Face à la pression d'une partie de la population, le 6 octobre 2016, les députés polonais rejettent le projet de loi défendu par le gouvernement. Quant à Marta, désormais mère d’une petite fille, elle rejoint une association de sa ville, les "Filles de Łódź". Soutenue par son mari qui la couve d'un regard plein de fierté, elle organise des ateliers et des débats. "Sur le plan politique, dans ce pays on fait marche arrière, analyse Marta Szymczyk. Mais paradoxalement, le solidarité entre les gens progresse, et la société, elle, fait un pas en avant". Aujourd'hui, les conservateurs reviennent à la charge et veulent interdire l’avortement en cas de malformation du fœtus. "On veut nous forcer à mettre au monde des enfants qui mourront en quelques jours ? C’est un crime" s'insurge Marta, d’une voix douce avant de lancer : "On doit nous laisser choisir".

Confiante, la jeune femme sait que le combat qu’elle mène aujourd’hui n’aboutira pas avant plusieurs années. "Moi, je ne verrai pas les changements, reconnaît-elle, alors je le fais pour ma fille. Mais les femmes ont ouvert les yeux sur ce qui se passe, et nous allons réussir à changer ce pays. Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera !"

Le combat de Marta Szymczyk se poursuit aujourd'hui. Après avoir échoué en 2016, les conservateurs au pouvoir en Pologne veulent faire passer une nouvelle loi sur l’avortement. La loi, déjà l’une des plus restrictives d’Europe, prévoit de n’autoriser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) que dans deux cas : viol ou danger pour la vie de la mère. 

La Polonaise Marta Szymczyk milite pour le droit à l'avortement : un portrait signé Isabelle Labeyrie

Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats" sur franceinfo et franceinfo.fr

Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.

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