Marche contre l'antisémitisme : pourquoi l'absence d'Emmanuel Macron est critiquée

Le président de la République a expliqué qu'il serait présent "par la pensée" à la marche contre l'antisémitisme organisée dimanche à Paris. Plusieurs voix de la communauté juive ont regretté ce choix, tout comme des responsables politiques à droite et à l'extrême droite.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Emmanuel Macron lors des commémorations du 11-Novembre, le 11 novembre 2023, à Paris. (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU / AFP)

Emmanuel Macron ne marchera pas, mais sera présent "par le cœur et par la pensée". Après avoir longuement hésité, le président de la République ne se rendra pas à la "grande marche civique" contre l'antisémitisme, organisée dimanche 12 novembre à Paris. Interpellé lors des commémorations de l'armistice de 1918 par Yaël Perl Ruiz, une arrière-petite-fille du capitaine Dreyfus, le chef de l'Etat a rappelé que son rôle était de "bâtir l'unité du pays" face à la recrudescence des actes antisémites, avant de dénoncer "beaucoup de confusion" et de "récupération" politiques autour de l'organisation de l'événement. "Mon rôle est de prendre des décisions, de dire des mots quand il faut les dire et d'agir, sinon je peux manifester toutes les semaines", a-t-il ajouté.

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"Je n'ai jamais été à une manifestation quelle qu'elle soit", a également justifié Emmanuel Macron. Il est effectivement rare qu'un président en exercice batte le pavé avec d'autres manifestants, mais cela est déjà arrivé à deux reprises. En mai 1990, François Mitterrand a participé à un rassemblement contre le racisme et l'antisémitisme après les profanations de tombes juives à Carpentras (Vaucluse). Et en 2015, François Hollande a défilé à son tour en compagnie de nombreux chefs d'Etat, après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et contre le magasin Hyper Cacher.

Le président François Mitterrand arrive place de la Bastille pour participer à une manifestation contre le racisme et l'antisémitisme, le 14 mai 1990, à Paris. (PATRICK HERTZOG / AFP)

De son côté, Yaël Perl Ruiz est revenue, sur BFMTV, sur son échange avec le président de la République. Elle a expliqué être "très déçue" par l'absence d'Emmanuel Macron à la manifestation, précisant qu'elle s'exprimait en son nom propre et pas au nom de la famille Dreyfus. "J'aurais aimé que ce soit le président qui mène la France à cette manifestation, qu'il soit au premier rang et que ce soit un mot fort de sa part, a-t-elle confié. Maintenant, c'est vrai qu'il envoie tout le gouvernement et qu'il sera de tout cœur avec nous, je le crois." Elisabeth Borne sera présente à la marche parisienne, en compagnie d'environ 25 ministres, selon Matignon. Une dizaine de membres du gouvernement sont attendus dans les rassemblements organisés dans d'autres régions.

"Dépasser le 'en même temps' permanent"

Mais la mobilisation du gouvernement ne suffit pas à faire taire les critiques d'une partie de la classe politique. Le président des Républicains, Eric Ciotti, a dénoncé sur le réseau social X "une faute" du chef de l'Etat, en estimant que le combat contre l'antisémitisme "doit dépasser le 'en même temps' permanent". Dans un communiqué, le responsable LR a également demandé à Emmanuel Macron de "clarifier les motifs" qui l'ont conduit à ne pas venir à la marche. "Dans un symbole d’unité constitutionnelle, Emmanuel Macron, chef de l’exécutif, aurait dû s’associer" à l'initiative lancée par les présidents des deux Assemblées, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. 

"[Emmanuel Macron] souhaite-t-il, à l’image d’une certaine gauche, ménager les susceptibilités de certaines clientèles ?"

Eric Ciotti, président de LR

dans un communiqué

"Souhaite-t-il approuver ceux qui, parmi ses ministres, estiment que le RN n’aurait pas sa place dans le cortège ?", s'est également interrogé Eric Ciotti. L'élu LR fait référence à plusieurs prises de position au sein du gouvernement, notamment celle de son porte-parole, Olivier Véran, dans Le Parisien, qui a évoqué "l'indécence" de la participation du RN, "un parti politique créé par les héritiers de Vichy". D'autres élus LR, comme Michèle Tabarot, ont critiqué l'absence du président. Ce refus de participer à la marche "laisse sous-entendre qu'Israël viserait délibérément des civils palestiniens… alors que le Hamas s’en sert de boucliers humains. Une faute politique félicitée par Jean-Luc Mélenchon", tacle sur le réseau X la députée LR. 

A l'extrême droite, Eric Zemmour non plus n'a pas manqué l'occasion de critiquer la décision du président de la République. "'Son rôle est plutôt de bâtir l’unité du pays'. Tout est dit. L’unité avec la partie antisémite de la France qu’il ne faut donc pas contrarier", a écrit le fondateur de Reconquête sur X.

"Il aurait dû être présent"

Les associations de lutte contre l'antisémitisme ont également réagi. Dans sa justification, Emmanuel Macron a défendu une approche "universaliste" contre ce fléau. "C'est un combat universaliste", a martelé, samedi sur BFMTV, Mario Stasi, le président de la Licra. "A ce titre-là, il aurait dû être présent. Si c'est un combat universaliste, on dépasse les combats politiciens. On dépasse la petite manœuvre mélenchoniste qui consiste à dire que ceux qui y vont cautionnent la politique d'Israël, alors que ce n'est pas du tout l'objet de cette manifestation." 

"C'est un combat de tous les citoyens, pas simplement de la communauté juive."

Mario Stasi, président de la Licra

Sur BFMTV

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) avait aussi lancé dans la semaine un appel à Emmanuel Macron pour qu'il se joigne aux cortèges. "Ce serait bien que le président de la République soit là, je le dis avec force, cela donnerait une dimension historique à l’événement", avait déclaré, jeudi sur LCI, Yonathan Arfi, le président du Crif. "Cela mettrait cet événement en résonance avec un autre grand temps de la mobilisation contre l'antisémitisme dans notre pays, après la profanation du cimetière de Carpentras", avait-il ajouté en rappelant la présence de François Mitterrand, à l'époque, au sein de la marche.

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