Procédures, entraînements en piscine, manipulations scientifiques : comment l'astronaute Sophie Adenot va-t-elle se préparer avant son décollage pour l'ISS en 2026 ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'astronaute française Sophie Adenot à Cologne (Allemagne), le 3 mai 2023. (INA FASSBENDER / AFP)
Après un an à Cologne pour son entraînement de base, l'astronaute française se trouve en ce moment au centre spatial de la Nasa à Houston, au Texas.

"Ça va être intense et je suis prête à soulever des montagnes !" Voilà comment Sophie Adenot aborde son prochain défi majeur, sur le réseau X, mercredi 22 mai, après l'annonce de sa mission pour la Station spatiale internationale (ISS) en 2026. Un mois seulement après avoir reçu son diplôme d'astronaute à l'issue de son "entraînement de base" au centre des astronautes de Cologne (Allemagne), la Française de 41 ans se trouve déjà au centre spatial de la Nasa, l'agence spatiale américaine, à Houston (Texas), pour poursuivre sa formation. Franceinfo résume ce qui l'attend lors de cette nouvelle phase appelée "entraînement spécifique", qui l'emmènera jusqu'à l'échéance clé de 2026.

Elle va valider de multiples qualifications

Pour pouvoir partir, "il faut acquérir toutes les qualifications, des plus basiques jusqu'aux plus élaborées", expose Sophie Adenot à franceinfo. "On va commencer par la qualification pour les sorties extravéhiculaires", les sorties dans l'espace, en dehors de la Station spatiale internationale, appelées en anglais "extravehicular activities" ou par le sigle EVA. "C'est un bloc de cinq à six mois où l'on s'entraîne en piscine", poursuit la Française.

Si elle a déjà effectué des sessions en piscine lors de son entraînement de base, les prochaines seront nettement plus poussées. Pour l'instant, elle suit des "cours théoriques". "Le premier entraînement en piscine, ce n'est pas pour maintenant, cela va venir dans quelques semaines." Les astronautes ne passent pas plusieurs mois uniquement sur les EVA. Mais il s'agit d'une qualification qui prend beaucoup d'énergie, beaucoup de temps (chaque plongée en piscine prend la journée) et qui est importante pour la maintenance de la station, remarque auprès de franceinfo Frank De Winne, directeur du centre européen des astronautes, à Cologne. "C'est l'un des entraînements les plus intenses", insiste-t-il. Il y a quelques années, Thomas Pesquet s'était exercé dans l'un des bassins du centre de la Nasa lors de sa préparation pour sa mission de 2021.

Cette section sur les sorties extravéhiculaires n'est qu'une qualification parmi de nombreuses autres. "Presque tous les systèmes de l'ISS en requièrent une", souligne auprès de franceinfo Frank De Winne. Il mentionne notamment celles relatives à la navigation ou à l'activation du bras robotique de l'ISS. Un outil technologique qui sert à différentes tâches capitales, comme capturer les cargos qui viennent ravitailler l'ISS puis vider ses déchets. C'est ce que montre cette vidéo d'une manœuvre réalisée au mois de février.

Sophie Adenot s'est déjà familiarisée avec cet outil à Cologne, comme elle l'avait alors montré sur les réseaux sociaux, équipée d'un casque de réalité virtuelle. La Française avait précisé que ce bras robotique était équipé de sept jonctions rotatives.

Elle doit se familiariser avec 15 000 procédures différentes

"On a appris qu'il y avait 15 000 procédures à maîtriser, à comprendre, pour être en mesure d'être opérationnels à bord de l'ISS", précise Sophie Adenot à franceinfo. De façon générale, lors de l'entraînement spécifique, "nous allons plus profondément dans les détails des procédures nominales [quand aucun problème n'est à signaler] et d'urgence à bord de l'ISS", a-t-elle commenté lors de l'annonce de sa mission.

"Pour les astronautes, la moindre petite tâche passe par une procédure. Il est évidemment impossible de toutes les mémoriser", remarque Frank De Winne. En revanche, ils doivent les connaître ou, autant que possible, les passer en revue au moins une fois lors de l'entraînement pour ne pas totalement les découvrir une fois dans l'espace, explique-t-il. Parmi les 15 000 à connaître, l'accent est mis sur celles qui concernent les pannes.

Dans le lot, certaines sont plus contraignantes que d'autres. La série de procédures pour charger et décharger un cargo est, par exemple, longue et peut prendre une demi-journée, voire une journée, pour être appliquée, souligne Frank De Winne. "Ce n'est pas comme ouvrir la porte d'un camion. Il faut vérifier l'étanchéité de la station, celle du véhicule, vérifier si des particules ne flottent pas dans le cargo, si rien ne s'est détaché pendant le vol", énumère-t-il, sans être exhaustif.

Elle va apprendre à travailler avec les membres de son équipage

Le spatial est une aventure collective. Le vol habité aussi. Pour l'instant, Sophie Adenot ne connaît pas les membres de son équipage, mais elle doit les rencontrer prochainement, dans les mois à venir, car il est prévu lors de l'entraînement spécifique que les équipages s'entraînent le plus possible ensemble pour faire connaissance, créer du lien, peut-être des automatismes.

"Dans le travail quotidien au sein de la station, les astronautes sont relativement seuls, sauf pour des tâches spéciales comme avec le bras robotique ou les sorties extravéhiculaires, qui se font en binôme", rappelle Frank De Winne.

"Là où il faut vraiment travailler en équipe, c'est lors des urgences. C'est une très grande partie de l'entraînement car dans ces moments-là, ce n'est pas le directeur de vol, qui est au sol, qui dirige. L'autorité est transférée au commandant à bord de l'ISS."

Frank De Winne, directeur du centre des astronautes de Cologne

à franceinfo

"Là, il faut réagir vite et vraiment travailler en équipe", insiste Frank De Winne, avec des priorités clairement établies : d'abord s'assurer que tous les membres à bord de la station vont bien et sont en sécurité, puis chercher à préserver le bon état et le bon fonctionnement de l'ISS. Enfin, regarder ce qui est peut être sauvegardé des expérimentations en cours.

Elle va se former à des manipulations scientifiques

Pendant les six mois qu'elle va passer à bord de l'ISS, Sophie Adenot mènera probablement environ 150 expériences scientifiques. Rien n'est établi pour l'instant. "Normalement, le programme scientifique est plus ou moins figé un an avant le vol, explique Frank De Winne. C'est à ce moment-là qu'elle va commencer l'entraînement" pour pouvoir réaliser au mieux les manipulations demandées.

"La Station spatiale internationale est un laboratoire scientifique. C'est simplement le lieu qui est différent", avait expliqué à franceinfo Rémi Canton, chef de projet de la mission Alpha avec Thomas Pesquet. Un astronaute à bord de l'ISS se retrouve finalement avec une casquette de laborantin, d'ingénieur d'études : il mène des expériences pour d'autres scientifiques, mais en orbite de la Terre, à 400 km du sol.

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