: Témoignages "Des prédateurs qui s'emparent de proies" : le projet de loi contre les dérives sectaires arrive à l'Assemblée nationale
C'est l'aboutissement de nombreuses années de travail et de sensibilisation pour les organisations, comme l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (UNAFDI). Elles défendent les familles de personnes malades sous l'emprise de gourous. Le projet de loi du gouvernement sur les dérives sectaires arrive, mardi 13 février, à l’Assemblée nationale. Le texte a déjà été approuvé par le Sénat fin décembre, mais avec plusieurs modifications sur lesquelles les députés pourraient revenir lors de cette première lecture.
Les députés doivent notamment choisir s’ils votent ou non le délit de "provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques" exposant à un "risque grave pour la santé". Cette mesure a été réintroduite en commission à l'Assemblée nationale, après avoir été supprimée par le Sénat.
La flambée conspirationniste durant la pandémie du Covid a été un formidable moteur pour les escrocs du bien-être, principalement grâce à internet. Ils sont une petite minorité de pseudo-spécialistes, de faux naturopathes et d'apôtres du manger cru, mais leur discours fait mouche auprès des déçus de la médecine conventionnelle. Des personnes souvent fragiles, en situation de faiblesse mais prêtes à tout pour guérir, ont été incitées à abandonner leurs soins au profit de procédés douteux.
L'emprise des médecines alternatives
Dans certains cas documentés par franceinfo, des praticiens prétendent même guérir du cancer. Plusieurs affaires sont même entre les mains de la justice. La sœur de Sabine est morte des suites d'un cancer. Jusqu'à ses derniers mois de vie, elle était suivie par la naturopathe française Irène Grosjean. "La rupture avec Irène Grosjean pour ma sœur, ça a été quand ma sœur a métastasé", raconte Sabine.
"Après avoir fait tout ce qu'il fallait, quand ça se corse", Irène Grosjean "culpabilise les victimes en disant : 'si tu es malade, c'est que tu n'as pas voulu guérir assez, ou tu n'as pas fait les choses comme je t'ai dit'", explique Sabine. "On t'envoie au casse-pipe et c'est de ta faute, résume-t-elle. Ce qui est à l'œuvre, ce n'est pas un manque d'intelligence, ce sont des prédateurs qui s'emparent de proies, qui sont affaiblies, désespérées et qui veulent s'en sortir, qui veulent vivre."
Culpabilité et interdiction du doute
Dans une lettre, une autre victime présumée écrivait directement à la thérapeute Irène Grosjean, plusieurs années après avoir été sauvée in extremis par ses enfants : "Le traitement que vous m'avez conseillé m'a fait perdre de nombreux kilos, je n'arrivais même plus à monter les escaliers." Cette femme assure même avoir refusé d'aller en dialyse contre l'avis des néphrologues, parce qu'elle avait "toute confiance" en sa naturopathe.
"Je me suis mise à perdre du sang par le nez, par la bouche et dans les urines. Vous m'avez répondu que c'était tout à fait normal, car c'était le processus d'élimination de la maladie."
Une victime présumée d'Irène Grosjeandans une lettre à la naturopathe
Ce sont des associations comme l'UNADFI, qui portent la parole de ces familles de malades, qui veulent faire entrer "la provocation à l'abandon de soins" dans la loi. "Dans le processus d'emprise, la culpabilité est l'avant-dernière étape et la dernière étape, c'est l'interdiction du doute", détaille la porte-parole de l'UNADFI, Pascale Duval. "C'est là que vous voyez le pouvoir que les praticiens réussissent à avoir sur leurs clients malades, parce qu'ils arrivent à les faire culpabiliser à ce point. Donc le problème ne sera pas reconnu par la société", explique-t-elle, précisant que certaines "personnes penseront avoir été victimes de leur naïveté".
Dans le projet de loi qui passe à l'Assemblée nationale, la provocation à l'abstention ou à l'abandon de soins serait punie d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Le texte érige aussi en circonstance aggravante l'abus de faiblesse commis au moyen d'un support numérique ou électronique. Les peines passeraient de trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende.
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