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Mort à la maternité d'Orthez : l'addiction, le mal des anesthésistes ?

Après la mort d'une femme des suites de son accouchement, une anesthésiste a été mise en examen pour homicide involontaire aggravé et placée en détention provisoire. Elle a reconnu souffrir de dépendance à l'alcool, un problème qui n’est pas rare dans cette profession.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La maternité d'Orthez (Pyrénées-Atlantiques) où une patiente est morte dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, lors de l'accouchement par césarienne. (GAIZKA IROZ / AFP)

Elle souffre d'un "problème pathologique d'alcool". Une anesthésiste belge de 45 ans a été mise en détention provisoire jeudi 2 octobre après la mort, mardi, d'une de ses patientes, victime d'un accident d'anesthésie lors de son accouchement à la maternité d'Orthez (Pyrénées-Atlantique).

Convoquée devant les gendarmes mardi, la médecin s'est présentée avec un taux d'alcool de 2,40 g/l de sang, la quantité maximale d'alcool que peut éliminer le foie et l'équivalent de quatre bouteilles de vin ingérés dans les heures précédentes. Etait-elle sous l'emprise de l'alcool lors de l'accouchement par césarienne ? A ce stade de l'enquête, le procureur peut simplement affirmer qu'elle "n'était pas dans son état normal durant l'intervention". Elle aurait intubé l'œsophage de la patiente au lieu de ses voies respiratoires pour tenter de la réanimer.

Le cas de cette anesthésiste n'est pas isolé : une "proportion non négligeable" d'anesthésistes souffre de problèmes d'addictions. Dans quelles proportions et pour quelles raisons ? Francetv info liste les symptômes de la profession.

Qui est concerné ?

Même s'il ne faut pas stigmatiser l'ensemble des anesthésistes, Yves Rébufat, président du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs, reconnaît que "la profession est un peu particulière". "Des alcooliques dans notre profession il y en a, des toxicomanes il y en a, c'est publié, c'est avéré", affirme-t-il à l'Agence France-Presse. "Des anesthésistes qui boivent un whisky le soir en rentrant chez eux, cela doit être assez fréquent. Ceux qui arrivent bourrés au travail c'est rarissime, mais ça arrive de temps en temps", ajoute-t-il.

"1 à 2% des anesthésistes ont des problèmes d'addiction, dont 1% avec l'alcool", explique au Parisien Francis Bonnet, vice-président de la Société française d'anesthésie-réanimation. "Sur les 9 000 anesthésistes en France, 90 auraient donc un souci avec l'alcool. Mais une partie d'entre eux seraient non pas au bloc mais en arrêt maladie. Ils seraient d'autant plus sujets à une addiction qu'ils ont aussi, quasiment à disposition, des médicaments anesthésiants", précise le quotidien.

Pourquoi cette profession est-elle plus touchée ?

"Ce sont des gens remarquables, mais très exposés au stress et ils sont plus nombreux que la moyenne à avoir une dépendance à l'alcool", résume dans Le Parisien le professeur Philippe Batel, addictologue.

"C'est un métier très stressant, du fait de l'activité en elle-même. Faire de l'anesthésie c'est plonger des patients en bonne santé dans le coma, cela a des conséquences sur la façon dont on voit la vie, la mort. Et cet exercice est souvent réalisé dans des conditions difficiles, du fait d'une certaine désorganisation de nos conditions de travail (...). Le fait de travailler la nuit aussi. On a parfois des épisodes dépressifs à cause de ça", explique Yves Rébufat.

Comment une addiction peut-elle être détectée ?

"Il y a des tas d'hôpitaux en France où il n'y a aucun suivi médical en médecine du travail pour les médecins, parce qu'ils ne sont pas considérés comme du personnel. Ils sont au-dessus de ça et donc ils ne sont pas contrôlés alors qu'ils en auraient besoin", dénonce Yves Rébufat.

C'est aussi une spécialité dans laquelle de nombreux patriciens exercent en intérim. A Orthez, par exemple, l'anesthésiste avait été récemment recrutée et exerçait, à titre libéral, depuis le 12 septembre dans la clinique privée, voisine de la maternité publique. "La tournure dramatique de l'événement" tient au fait qu'"il n'y avait pas d'anesthésiste de remplacement et qu'il fallait que ce soit elle qui fasse le boulot, et qu'elle était la seule à pouvoir le faire" au moment des faits, a expliqué Yves Darrigrand, maire d'Orthez et président du conseil de surveillance de l'hôpital. Anesthésiste depuis 1999, elle avait déjà exercé lors de contrats courts en France, en Belgique et lors de missions de coopération, a indiqué le parquet.

Yves Rébufat pointe un tout autre problème : "le milieu médical est un milieu bavard." "Quand l'un d'entre nous va consulter pour une pathologie X ou Y, en général tout le monde le sait. Quand vous allez consulter pour une addiction, une toxicomanie, un alcoolisme, vous n'avez pas forcément envie que tout le monde, et vos confrères en particulier, le sachent. C'est une véritable difficulté", indique-t-il.

Pour éviter cet écueil et proposer des soins adaptés aux personnes addictives, un numéro vert a été mis en place : 08 00 00 69 62. Ainsi, les anesthésistes qui le souhaitent peuvent parler de leur addiction avec un psychologue de façon plus discrète.

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