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Vrai ou faux Les vaccins contre le Covid-19 n'ont-ils aucun effet sur la transmission du virus, comme le soutient Eric Zemmour ?

La circulation du variant Delta et la baisse de la production des anticorps plusieurs mois après un schéma vaccinal à deux doses ont affaibli la protection contre l'infection, mais celle-ci existe tout de même, et est fortement renforcée après une dose de rappel.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une boîte de flacons du vaccin contre le Covid-19 de Moderna, le 9 décembre 2021 à Mérignac (Gironde). (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Eric Zemmour est-il favorable au principe du pass sanitaire ? Invité de l'émission "Elysée 2022", jeudi 9 décembre sur France 2, le candidat d'extrême droite à l'élection présidentielle a déclaré s'être forgé une conviction : "J'ai compris qu'en fait, cela ne servait à rien." Pourquoi ? "Pour une raison simple : le vaccin [n'empêche] pas la transmission et la contagion, et [n'empêche] en vérité que les cas graves… A partir de ce moment-là, on peut être avec quelqu'un qui est vacciné ou non, ça ne change rien, on peut l'attraper quand même, donc le pass sanitaire ne sert à rien."

Covid-19 : Eric Zemmour affirme que le vaccin n'empêche pas la transmission du virus
Covid-19 : Eric Zemmour affirme que le vaccin n'empêche pas la transmission du virus Covid-19 : Eric Zemmour affirme que le vaccin n'empêche pas la transmission du virus

A l'heure où la France généralise la campagne de rappel de la vaccination contre le Covid-19 à tous les majeurs, l'ancien journaliste n'est pas le seul à faire ce type d'affirmation. Avant lui, le député de La France insoumise François Ruffin assurait fin octobre, à l'Assemblée nationale, que "malgré la vaccination, [le virus] continuait à se transmettre". Cet argument est-il recevable ? Franceinfo récapitule.

Une bonne protection initiale contre l'infection...

Commençons par un rappel : les vaccins actuellement administrés partout dans le monde ont été conçus pour neutraliser la souche originelle du Covid-19, identifiée à Wuhan, en Chine, fin 2019. Après une injection, le système immunitaire se met à produire des anticorps qui ciblent la spicule (ou protéine spike en anglais), qui joue un rôle de clé d'entrée pour le Sars-CoV-2. Si celle-ci est correctement neutralisée, le virus n'est pas en capacité d'infecter l'organisme. Conséquence logique : une personne qui n'a pas contracté le Covid-19 ne peut pas le transmettre.

S'ils n'ont jamais garanti une efficacité à 100% contre l'infection, les vaccins affichaient des résultats très encourageants en la matière au début de la campagne vaccinale. "Les vaccins à ARN messager, qui sont aujourd'hui les plus efficaces, apportent après la deuxième dose une protection de 90% contre les formes symptomatiques de la maladie, et de 80% contre les formes asymptomatiques", expliquait ainsi à franceinfo en avril dernier Anne-Claude Crémieux, professeure en maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Louis, à Paris.

Malgré un risque moindre une fois le premier schéma vaccinal à deux doses terminé, il reste donc possible de contracter la maladie. Mais il est pour autant inexact d'affirmer, comme le fait Eric Zemmour, que côtoyer une personne vaccinée ou non "ne change rien" à la probabilité d'être infecté à son tour. "Nous estimons que la contagiosité d'une personne infectée mais vaccinée est diminuée de 40% par rapport à une personne non vaccinée", soutenait fin octobre au Parisien Samuel Alizon, biologiste de l'évolution au CNRS à Montpellier. L'Institut Pasteur, de son côté, estime que les vaccinés infectés ont 50% moins de risques de transmettre le virus que les non-vaccinés.

... mais qui s'érode face au variant Delta, surtout quelques mois après la deuxième dose

Au fil des mois, la situation a toutefois évolué. Quasi inexistant jusqu'au mois de juin, le variant Delta a depuis déferlé sur la France, au point de représenter 99,4% des cas de Sars-CoV-2 séquencés par les laboratoires lors de la semaine du 22 novembre. Or, la protection conférée par les vaccins face à ce variant est moindre que face à la souche "historique" identifiée à Wuhan, comme l'a annoncé l'Organisation mondiale de la santé.

Dans une étude publiée le 25 novembre dans The Lancet (article en anglais), l'Institut Pasteur notait ainsi qu'une personne vaccinée avec deux doses de vaccin Pfizer-BioNTech ou Moderna n'ayant jamais contracté le Covid auparavant était protégée à 67% contre une infection symptomatique liée au variant Delta, même si la protection contre les formes graves de la maladie reste importante. D'autres travaux publiés dans cette revue médicale de référence vont dans le même sens.

En parallèle, le taux d'anticorps neutralisants générés par une vaccination à deux doses a tendance à baisser progressivement au fil des mois. Cette chute devient même "significative" entre cinq et huit mois après l'administration de la deuxième dose, explique à franceinfo Sandrine Sarrazin, chargée de recherche Inserm au centre d'immunologie de Marseille-Luminy.

La dose de rappel devrait permettre de reprendre l'avantage

C'est face à la menace conjuguée d'une moindre efficacité vaccinale liée au variant Delta et d'un lent déclin de ce taux d'anticorps neutralisants que les autorités françaises ont décidé de généraliser l'injection d'une troisième dose à l'ensemble des adultes. L'intérêt est établi : en présentant une nouvelle fois au système immunitaire un agent pathogène auquel il a déjà été confronté, la dose de rappel permet de faire bondir le taux d'anticorps à un niveau "dix à douze fois supérieur" à celui qui suit la deuxième injection, selon cette chercheuse.

Les conséquences en matière de transmission du virus s'en ressentent. Une étude israélienne menée sur plus de 300 000 patients et publiée le 30 novembre (article en anglais) a ainsi montré que la proportion de tests PCR positifs présentés par les personnes ayant bénéficié d'un rappel était inférieure de 86% à celle des simples "double vaccinés". "Une personne vaccinée à l'aide d'un rappel va moins souvent acquérir le virus, et lorsqu'elle sera infectée, sa charge virale sera moindre : statistiquement, elle sera moins transmetteuse", résume pour franceinfo Olivier Schwartz, responsable de l'unité virus et immunité à l'Institut Pasteur.

"Avec la troisième dose, on va pouvoir à nouveau affirmer que les vaccins protègent contre la transmission du virus. Le variant Delta et la baisse progressive de l'immunité après la seconde dose nous avaient fait perdre cet avantage, mais on devrait le retrouver grâce au rappel", conclut Sandrine Sarrazin.

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