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Covid-19 : qu'est-ce qu'un vaccin à base d'ARN messager ?

Les deux premiers vaccins à proclamer leur efficacité, mis au point respectivement par les laboratoires américains Pfizer et Moderna, sont basés sur cette technologie.

Article rédigé par franceinfo
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Une soignante administre à un patient une dose du vaccin développé par Pfizer et BioNTech, en phase d'essai, à Ankara (Turquie), le 27 octobre 2020. (DOGUKAN KESKINKILIC / ANADOLU AGENCY.AFP)

"Victoire !", clament de concert les laboratoires américains Pfizer et Moderna. Tous deux affirment, par communiqués, avoir trouvé la martingale pour lutter contre le Covid-19, avec des vaccins qui seraient efficaces respectivement à 95% et 94,5%. Encore faut-il que ces résultats soient publiés dans des revues scientifiques, vérifiés par d'autres chercheurs et, enfin, agréés par les autorités sanitaires d'éventuels pays acheteurs, à commencer, outre-Atlantique, par la Food and Drug Administration (FDA, qui délivre l'autorisation de commercialiser les vaccins et médicaments aux Etats-Unis). 

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Totale nouveauté, les deux vaccins en question sont basés sur l'ARN messager, une séquence codée qui envoie des instructions contre le virus. De quoi s'agit-il ? Quelles sont les différences avec les vaccins créés contre d'autres virus plus "classiques" ? Retour sur cette technologie qui n'avait encore jamais été autorisée pour un usage en santé humaine. 

De quoi s'agit-il ?

"Alors que la technique traditionnelle des vaccins consiste à injecter un virus inactivé (ou atténué) pour que le corps apprenne à s'en défendre, la technique de l'ARN messager consiste, elle, à envoyer un message à l'organisme sous la forme d'un morceau d'ARN. Son but est d'inciter l'organisme à fabriquer lui-même une fraction inactive du virus, puis les anticorps pour lutter contre ce virus", résume le magazine "Complément d'enquête".

Plus précisément, l'ARN est un stockage d'informations, l'équivalent d'une recette, qui permet ensuite de générer une protéine. "L'ARN (acide ribonucléique) retranscrit l'information génétique d'une partie du virus", explique Etienne Simon-Lorière, responsable de l'unité de génomique évolutive des virus à ARN à l'Institut Pasteur, contacté par franceinfo. Cet ARN forme ainsi un code donnant des instructions qui permettent aux cellules vivantes de générer une protéine".

Le vaccin ARN contre le Covid-19, poursuit ce spécialiste, "est donc un fragment d'ARN qui génère la protéine placée sur la surface du virus. Si le vaccin est efficace, l'organisme va apprendre à reconnaître cette protéine externe, qui s'appelle le spicule du Sars-CoV-2, et il va générer des réponses immunitaires, sous la forme d'anticorps et de réponse cellulaire". 

Quelle différence avec un vaccin classique ?

Cette technologie ultra-innovante rompt radicalement avec les vaccins classiques. Ceux-ci consistent à injecter le virus dans l'organisme, soit sous une forme atténuée, soit sous une forme inactivée, pour provoquer une réponse immunitaire"On peut citer comme vaccins à virus atténué ceux contre la fièvre jaune ou la rougeole", explique Etienne Simon-Lorière. "Le virus infecte alors nos cellules sans nous rendre malade, ce qui le fait repérer par le système immunitaire, qui produit ses défenses".

"Quant aux virus inactivés, poursuit-il, ils consistent à faire pousser le virus, puis à le rendre inactif avec la chaleur, par exemple, ou avec un traitement chimique. Une entreprise chinoise (Sinovac Life Sciences) a ainsi développé un candidat vaccin contre le Covid-19 sous cette forme inactivée".

Quel est l'avantage de cette technologie ?

Par rapport aux vaccins classiques, l'avantage tient notamment au mode de développement. "Cela peut aller très vite dès que l'on connaît la séquence d'un nouveau virus qui émerge", explique Etienne Simon-Lorière. 

"On peut synthétiser en quelques semaines un fragment d'ADN qui sert de matrice pour le vaccin ARN. Ensuite, c'est comme la fabrication d'un journal : une fois qu'on a produit le modèle, on peut facilement le photocopier à des milliards d'exemplaires."

Etienne Simon-Lorière (Institut Pasteur)

à franceinfo

"Il n'y a pas besoin, comme c'est le cas pour les vaccins inactivés, de fabriquer de grandes quantités de virus en labo, ce qui ne se fait pas facilement à grande échelle", développe-t-il. La conservation de ce vaccin, elle, reste sujette à caution : celui de Pfizer, par exemple, requiert une température de - 70 degrés, ce qui est hors de portée des pharmacies classiques. Celui de Moderna, lui, peut se conserver jusqu'à 30 jours à une température de deux à huit degrés, selon le communiqué du laboratoire.

Faut-il craindre les vaccins à ARN ?

Des craintes apparaissent déjà au sujet de cette technologie à base d"information génétique, jusque-là non autorisée sur l'être humain. Dans une interview à la Radio et Télévision suisse (RTS, la chaîne publique romande), le patron de Moderna, Stéphane Bancel, a tenu à rassurer les inquiets. "La technologie de l'ARN messager est très intéressante (...). Elle ne touche pas le noyau de la cellule, ce qui est très important pour ne pas prendre de risque avec votre ADN".

Etienne Simon-Lorière confirme : "Le matériel génétique de la personne vaccinée, qui se trouve dans le noyau de la cellule, ne va pas interagir avec l'ARN du vaccin. Cette technologie est d'ailleurs étudiée depuis des années. Avant la pandémie, il y avait déjà plusieurs candidats vaccins à ARN messager en développement par plusieurs groupes. Mais il reste d'autres interrogations et notamment celle-ci : on ne connaît pas la durée d'efficacité des vaccins à ARN. L'immunité pourrait disparaître plus rapidement qu'avec d'autres vaccins, nous n'avons pas de recul sur cette technologie".

[Edit] Suite à la remarque avisée d'un lecteur, un passage de cet article a été modifié. Il fallait bien lire : "La technique de l'ARN messager consiste, elle, à envoyer un message à l'organisme sous la forme d'un morceau d'ARN" et non "morceau d'ADN". Nous présentons nos excuses pour cette erreur qui portait à confusion.

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