Covid-19 : la France fait-elle déjà face à une pénurie de vaccins ?
Alors que plus de 800 centres sont prêts partout en France pour le début de la campagne de vaccination grand public, les doses de vaccin se font parfois attendre sur le terrain.
Le mois de janvier avait débuté avec une polémique sur la lenteur de la campagne de vaccination contre le Covid-19. Deux semaines plus tard, c'est le risque de pénurie qui guette les quelque 800 centres mis en place partout en France. L'ouverture de la vaccination, lundi 18 janvier, aux personnes âgées de 75 ans et plus a provoqué une ruée sur les plateformes de prise de rendez-vous. Sur le terrain, les doses de vaccin ne sont pas toujours suffisantes et les élus locaux, qui se sont mis en quatre pour ouvrir des centres de vaccination, observent, déçus, cette arrivée au compte-gouttes.
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A Clamart (Hauts-de-Seine), la municipalité a ainsi ouvert un centre pouvant accueillir "1 000 personnes par jour", assure le maire, Jean-Didier Berger, joint par franceinfo. "On nous a annoncé en fin de semaine dernière que nous n'aurions que 420 doses hebdomadaires. Maintenant, ce ne sont plus 420, mais 170 doses !" s'étrangle-t-il. Quelque 250 rendez-vous ont dû être annulés. "On nous a dit ce matin que, sauf aléa, le reste nous serait livré mercredi", assure Jean-Didier Berger. Faute de visibilité, la ville n'a pour le moment pas reprogrammé les rendez-vous annulés.
"Nous n'avons pas de visibilité"
La ville de Clamart est loin d'être un cas isolé en France. Dans la Marne, le centre de vaccination de Cernay-lès-Reims n'ouvrira que trois jours par semaine, car "l'Etat n'a pas été capable de nous envoyer les doses en quantité nécessaire", justifie le maire, Patrick Bedek, à France 3 Grand Est. Même constat à Fismes, dans le même département, où le centre n'ouvrira que deux jours en début de semaine au lieu de sept. "Les gens qui avaient pris rendez-vous du mercredi au dimanche vont donc être rappelés et décalés", précise la municipalité.
A Dijon, où le maire de la ville, François Rebsamen a dénoncé "la carence de l'Etat" dans un communiqué commun avec la maire de Besançon, Anne Vignot, seulement 190 injections par jour pourront être pratiquées. "On nous avait demandé de nous préparer pour vacciner entre 800 et 1 000 personnes par jour", explique la mairie. Pourquoi une telle baisse des objectifs ? "On ne sait pas ce qu'il s'est passé entre le début et la fin de la semaine dernière. La préfecture nous dit que la situation va s'améliorer dans les jours à venir, mais nous n'avons pas de visibilité pour savoir quand et comment."
Une stratégie "en flux tendu"
"Nous avons donné dans chaque territoire le nombre précis de doses livrées cette semaine, la semaine prochaine, celle d'après et celle encore d'après, pour donner de la lisibilité et de la visibilité à toutes les équipes des centres de vaccination", a pourtant affirmé Olivier Véran, en déplacement lundi au CHU de Grenoble. "Si la question c'est 'plus je programme de gens, plus on me donnera de vaccins au détriment des territoires voisins, la réponse est non'", a-t-il prévenu. "C'est inacceptable de rejeter ainsi la faute sur les maires", proteste Jean-Didier Berger.
"Ils nous donnent la météo de la veille avec le nombre de vaccinés depuis le début. Nous, on veut savoir combien de vaccins seront mis à notre disposition d'ici au 31 janvier."
Jean-Didier Berger, maire de Clamartà franceinfo
Dans de nombreux départements, il n'est plus possible de s'inscrire pour recevoir la première injection tant attendue. "Tous les rendez-vous de vaccination ont déjà été réservés", répond invariablement le site de Doctolib, l'une des plateformes choisies par le gouvernement pour gérer les prises de rendez-vous. Dans le Doubs, les centres de trois des quatre plus grandes villes (Besançon, Pontarlier et Audincourt) affichent déjà complet pour les quatre prochaines semaines, selon la préfecture. Celle-ci invite la population à "patienter sereinement" et promet l'ouverture de "nouveaux rendez-vous, au fur et à mesure de l'approvisionnement progressif en doses de vaccins".
"A chaque fois que des doses arrivent, on les met immédiatement à disposition, on ouvre des créneaux de rendez-vous pour les Français. Nous sommes en flux tendu, c'est notre stratégie", s'est défendu Olivier Véran face aux critiques. "Tout le monde ne peut pas être vacciné en un jour ou une semaine, non pas parce que la logistique ne suivrait pas, mais parce que l'enjeu, c'est d'avoir suffisamment de doses pour vacciner tous les Français", a-t-il encore avancé.
12 millions de doses nécessaires, 1,6 million reçues
Alors que la France a reçu 1,6 million de doses (1,545 million du vaccin Pfizer-BioNTech et 55 000 de celui de Moderna), seules 422 000 personnes ont reçu leur première injection, selon les chiffres de la direction générale de la santé. "Cela veut dire qu'il en reste 1,2 million dans les frigos !" calcule Jean-Didier Berger. Pas vraiment le "flux tendu" vanté par le gouvernement.
En réalité, une bonne partie du stock reste fléchée vers les Ehpad, où un peu plus de 100 000 personnes – prioritaires, selon la stratégie initiale du gouvernement – ont été vaccinées, mais où le processus prend plus de temps. Par ailleurs, toutes les doses en stock à un instant T ne peuvent être utilisées immédiatement sans s'assurer que celles nécessaires à la seconde injection seront disponibles trois à six semaines plus tard. Une prudence d'autant plus assumée, après l'annonce par le laboratoire Pfizer d'une réduction temporaire de ses livraisons en Europe : la France ne recevra que 315 000 doses mercredi, avant un retour au rythme de 520 000 livraisons hebdomadaires la semaine prochaine.
Entre accélération de la campagne et gestion des stocks, le gouvernement marche sur un fil. Résidents des Ehpad, soignants de plus de 50 ans, personnes de plus de 75 ans et patients à risque représentent au total six millions de personnes, soit un besoin de 12 millions de doses. Un niveau de livraison qui ne sera pas atteint avant fin février-début mars, selon le calendrier prévisionnel des commandes de vaccin présenté début janvier par l'exécutif. Les Français vont encore devoir patienter.
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