Cinq questions sur la réintégration des soignants non vaccinés contre le Covid-19, autorisée à partir de lundi
Ils vont pouvoir reprendre le chemin de leur hôpital ou de leur établissement de soins. Près de deux ans après avoir été suspendus de leurs fonctions pour avoir refusé le vaccin contre le Covid-19, quelques milliers de soignants vont pouvoir être réintégrés. Un décret du ministère de la Santé, publié dimanche 14 mai au Journal officiel, est venu suspendre "l'obligation de vaccination contre le Covid-19". Cette disposition est effective à compter du lendemain de sa publication, soit lundi.
Le 30 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) avait préconisé de lever cette contrainte. Un changement auquel les Français sont par ailleurs favorables : selon un récent sondage Ifop (PDF), "près de quatre Français sur cinq (79%) se déclarent personnellement favorables à la réintégration dans leur emploi des soignants non vaccinés". Une réintégration qui soulève cependant quelques questions auxquelles franceinfo apporte des réponses.
1 A partir de quand les soignants non vaccinés vont-ils pouvoir être réintégrés ?
L'obligation vaccinale étant levée, les employeurs sont tenus de proposer à leurs soignants suspendus une réintégration, "au plus tôt et si possible dans les deux semaines" après la date de publication du décret pour ce qui concerne les établissements publics, selon une instruction ministérielle consultée par l'AFP. Dans les faits, un certain nombre d'établissements de santé ont déjà recontacté les soignants suspendus pour préparer leur retour.
2 Combien de personnes sont concernées ?
Fin 2021, la France avait imposé une obligation vaccinale à près de 2,7 millions de personnes, soignants, mais aussi agents des hôpitaux et des maisons de retraite, ambulanciers, aides à domicile ou encore pompiers. Selon les indications parcellaires fournies par le ministère de la Santé, une proportion très faible de soignants a refusé le vaccin et a été suspendue, et seuls quelques milliers de personnes seraient concernées. Quelque "99% de soignants se sont vaccinés", a encore affirmé début mai la ministre déléguée en charge des Personnels soignants, Agnès Firmin-Le Bodo.
En mars, le ministère de la Santé estimait ainsi qu'"autour de 0,3%" des agents hospitaliers avaient été suspendus pour avoir refusé l'obligation vaccinale. Elsa Ruillère, soignante suspendue et élue de la CGT Santé, chiffre de son côté le nombre de personnes suspendues à "entre 20 000 et 40 000". "Le ministère oublie le privé et les associatifs", estime cette assistante de gestion en hôpital, citée par l'AFP. Autant de personnes qui veulent en grande partie reprendre le travail : selon Elsa Ruillère, seul "1/5e environ" des soignants suspendus a définitivement fait une croix sur son métier d'origine. Sur les soignants réintégrés, un peu plus de la moitié devraient retrouver leur poste, estime-t-elle.
3 Les soignants suspendus vont-ils retrouver le poste qu'ils occupaient avant ?
Par principe, l'agent suspendu a le droit de reprendre ses fonctions sur le poste qu'il occupait. Un "poste équivalent" peut lui être proposé, pourvu qu'il se situe sur la même implantation géographique. L'affectation à un "poste équivalent" doit être motivée par une contrainte de fonctionnement des services (par exemple si l'ancien poste de la personne est désormais occupé) et ne doit présenter aucun "caractère discriminatoire". Les périodes de suspension n'ouvrent aucun droit en matière de congés, de pension ou d'avancement.
Certains médecins comme Rémi Salomon, président de la Conférence des présidents de Commissions médicales d'établissement des CHU, ont évoqué l'idée "que ces soignants ne soient pas dans des services où il y a des patients à risques", cite Le Parisien.
Si, toutefois, l'agent refuse le poste proposé, dans le public, il peut être radié des cadres pour abandon de poste, après une simple mise en demeure. Avant d'en venir à cette extrémité, les responsables peuvent recourir à une procédure de médiation nationale. La rupture conventionnelle est également possible, à l'exception des praticiens hospitaliers (médecins de l'hôpital public). Dans le privé, l'instruction ministérielle indique que la "rupture conventionnelle" peut être une solution, sans s'étendre sur les détails.
4 Dans quelles conditions vont-ils regagner leur service ?
Alors que le ministre de la Santé, François Braun, avait déclaré fin avril que "les non-vaccinés ne [seraient] pas forcément attendus avec des fleurs dans tous les services et partout", les conditions d'accueil posent question. Le médecin urgentiste Mathias Wargon a ainsi critiqué dans une tribune publiée par Le Monde le retour des soignants non vaccinés. "Les moins militants vont revenir dans un hôpital en grande souffrance, qui sera heureux, probablement, de les accueillir", mais "plus difficile va être la réintégration de ceux qui ont milité contre les vaccins et les mesures barrières", a-t-il écrit. "Pourquoi revenir quand on pense que la médecine est un vaste complot et que les collègues sont des moutons ?", demande-t-il. Fin mars, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) a également fustigé la préconisation de la HAS de lever l'obligation vaccinale, dénonçant une "dérive".
"Il y aura toujours quelques regards de travers, mais nombre de personnes" accueilleront sans problème les non-vaccinés, estime de son côté Elsa Ruillère, qui dit n'avoir pas eu de problème lorsqu'elle est revenue à son poste après avoir été malade du Covid (les personnes non vaccinées ayant contracté la maladie pouvaient en effet être réintégrées temporairement).
5 Le retour des soignants non vaccinés est-il définitif ?
Non. Si la pandémie repart, le gouvernement a la possibilité de suspendre à nouveau les soignants concernés. "Le décret ne fera que suspendre les suspensions, laissant la possibilité au gouvernement" d'y recourir à nouveau, a ainsi critiqué le député guyanais membre de la Nupes Jean-Victor Castor. Une proposition de loi votée par l'Assemblée nationale à l'initiative de son groupe propose ainsi d'abroger définitivement cette possibilité de suspension, mais le gouvernement s'y oppose et elle n'a pas encore été discutée au Sénat.
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