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Tracking contre le coronavirus : l'application sera "plus efficace" si les gens ont "confiance dans la protection de leurs données"

"'Il faut veiller à concilier la recherche de l'efficacité sanitaire dont une application de suivi individualisé des personnes peut être une des mesures d'une réponse sanitaire plus globale, et en même temps, il faut protéger la vie privée des Français ce qui est le rôle de la Cnil", rappelle sa présidente.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Alors que le gouvernement envisage le traçage numérique des malades du Covid-19 parmi les pistes pour sortir du confinement sans relancer l'épidémie de coronavirus, la présidente de la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés] Marie-Laure Denis estime mardi 7 avril sur franceinfo que l'application smartphone "sera d'autant plus téléchargée et donc d'autant plus efficace" que "les gens auront confiance dans la protection qui sera faite de leurs données". 

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franceinfo : À Singapour, une application enregistre les téléphones que les habitants ont croisés, mais sans enregistrer leurs données ni leurs déplacements. Une telle application peut-elle être utilisée en France ? 

En tout cas, ce qui est certain c'est qu'il faut veiller à concilier la recherche de l'efficacité sanitaire et dont une application de suivi individualisé des personnes peut être une des mesures d'une réponse sanitaire plus globale, et en même temps, il faut protéger la vie privée des Français ce qui est le rôle de la Cnil. Les solutions qui peuvent reposer sur le bluetooth [qui permet les connexions entre les appareils électroniques en supprimant des liaisons filaires] avec peu de collecte de données personnelles, des identifiants au lieu d'informations nominatives, du chiffrement, un stockage sur le téléphone... sont plus protectrices de la vie privée que d'autres solutions ou d'autres dispositifs qui ont été mis en œuvre à l'étranger, en Asie notamment, pour lesquels il y a un potentiel d'intrusion dans la vie privée qui est beaucoup plus fort. 

Si le gouvernement décide d'adopter une telle application, la Cnil sera d'accord ? Aurez-vous des réserves ? 

La Cnil est très consciente du drame sanitaire que traversent les Français et les victimes qui souffrent de ce contexte et donc, elle cherche à concilier l'efficacité sanitaire et la protection de la vie privée. La Cnil et l'ensemble des membres du collège de la Cnil ont néanmoins une très grande vigilance parce qu'on a vu dans des pays étrangers que, par exemple, si vous ne téléchargiez pas une application de ce type, la police pouvait vous demander d'envoyer un selfie depuis votre domicile pour prouver que vous êtes bien confinés. Ou tout le monde savait si, dans un immeuble, il y avait quelqu'un d'infecté ou pas.

Et donc, il y a deux lignes rouges, en tout cas pour les membres du collège Cnil, auxquelles nous serons très attentifs si une telle solution devait voir le jour.

Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil

à franceinfo

C'est d'abord que celle-ci, en tout cas s'il n'y a pas de modification du cadre juridique, repose sur le volontariat, et donc, cela suppose que les gens consentent librement à télécharger cette application.   

Mais si seulement les volontaires téléchargent l'application, est-ce que cela ne va pas fausser le suivi de l'épidémie ? 

Je pense que la solution sera d'autant plus téléchargée et donc d'autant plus efficace si elle voit le jour, que les gens auront confiance dans la protection qui sera faite de leurs données, puisque ce sont quand même des données sensibles, des données de santé notamment. Il est important pour eux de savoir si peu de données seront collectées, comment elles seront sécurisées, quelle est la finalité. Est-ce qu'il s'agit d'informer pour que vous puissiez vous faire dépister et, le cas échéant, vous confiner ? Ou s'agit-il de contrôler le respect du confinement ? Ça n'est pas pareil. Je constate qu'à ce jour, les pouvoirs publics français excluent un recours à un dispositif qui soit obligatoire et misent sur le volontariat. Donc, la première garantie très forte, c'est, en tout cas en l'état du droit, un consentement libre et éclairé. Et la deuxième garantie, très importante, c'est naturellement celle de la durée de vie de l'application qui doit être tout à fait provisoire, qui ne doit pas excéder la durée qui est nécessaire pour lutter contre la pandémie. Et il reviendrait dans ces cas-là à la Cnil naturellement, de contrôler ce dispositif et de s'assurer in fine que l'ensemble des données qui aient été collectées soient supprimées.

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