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Déconfinement : quatre questions sur la réouverture des plages

Christophe Castaner a expliqué dimanche que l'interdiction visait "à empêcher que certains fassent 300 km au mois de mai pour aller sur une plage", évoquant notamment ses craintes vis-à-vis des "grands week-ends" de mai et juin.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le littoral de Larmor-Plage (Morbihan) lors du confinement décidé pour lutter contre le Covid-19, le 2 mai 2020. (MAXPPP)

Sera-t-il possible de profiter du retour des beaux jours en entendant le clapotis des vagues malgré la pandémie de nouveau coronavirus ? A quelques jours de la levée du confinement, la question fait l'objet d'intenses débats. Contre l'avis du gouvernement, le Sénat a même adopté dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 mai un amendement autorisant l'accès aux plages à partir du 11 mai.

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Quels arguments ont été avancés pour rendre le bord de mer inaccessible durant le confinement ? Que souhaite faire le gouvernement à partir du 11 mai ? Comment réagissent les pouvoirs publics et professionnels de la mer ? Elements de réponse.

Pourquoi les plages ont-elles été fermées ?

Lors de l'entrée en vigueur du confinement, le 17 mars dernier, le gouvernement n'a pas formellement interdit l'accès au littoral. Ce sont en fait les préfets et maires qui, les uns après les autres, ont pris dans les jours qui ont suivi des arrêtés en ce sens

Tous pointaient du doigt le manque de civisme des habitants qui rechignaient à rester confinés chez eux. "Les sorties dérogatoires doivent être des sorties brèves, à proximité du domicile. Or on a observé que sur les plages, il y avait parfois des rassemblements, parfois des occupations pendant de longues heures", justifiait ainsi Franck Robine, le préfet de Corse.

Outre la volonté d'éviter la propagation du Covid-19, ces interdictions ont également été motivées par la volonté "de préserver les moyens de secours en mer pour les dédier plus spécifiquement à d'éventuelles interventions sanitaires liées à l'épidémie en cours", comme le précisait la préfecture maritime de la Méditerranée.

Quelle est la position du gouvernement ?

C'est non, non et non. "Par mesure de précaution, les plages resteront inaccessibles au public au moins jusqu'au 1er juin", a expliqué le Premier ministre Edouard Philippe en présentant devant les députés son plan de déconfinément, le 28 avril. Si le chef du gouvernement ne s'est alors pas attardé sur les raisons de ce choix, plusieurs ministres en ont ensuite dit davantage.

Invité du "Grand jury" sur RTL et LCI, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a ainsi expliqué que ce maintien de l'interdiction d'accès au littoral visait "à empêcher que certains fassent 300 km au mois de mai pour aller sur une plage", évoquant notamment ses craintes vis-à-vis des "grands week-ends" de l'Ascension et de la Pentecôte. Un point de vue développé mardi face aux députés par la secrétaire d'Etat Christelle Dubos, qui a confirmé que le gouvernement redoutait une ruée sur le sable une fois le confinement levé.

Invité de franceinfo, le secrétaire d'Etat en charge du Tourisme Jean-Baptiste Lemoyne a ainsi répété : "Les plages sont fermées jusqu'au 2 juin, parce que ce sont de véritables aimants. Et aujourd'hui, ce qu'on souhaite, c'est éviter les brassages de populations pour continuer à lutter et à gagner contre ce virus." Et d'effectuer une comparaison historique : "Vous savez, en 1936, les congés payés, c'était une conquête sociale. En 2020, ces vacances seront une conquête sanitaire. On doit encore, pied à pied, faire refluer l'épidémie."

Comment réagissent les acteurs locaux ?

Cette inflexibilité a le don de faire bondir élus du littoral et habitants des bords de mer. "On demande la réouverture de manière raisonnée et encadrée des plages à partir du 11 mai pour des activités physiques et sportives", explique Liliana Tanguy, députée LREM du Finistère, à l'origine d'un courrier signé d'une soixantaine de députés et adressé à Edouard Philippe.

"Les forêts sont ouvertes à partir du 11 mai, y compris en région rouge. On peut faire la même chose pour les plages sous la responsabilité des maires", a de son côté assuré le socialiste Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne.

Ces élus mettent en avant le concept de "plage dynamique", qui consisterait à n'autoriser que la pratique d'une activité physique sur la plage et en mer en respectant les consignes sanitaires. "On ne demande pas le retour des serviettes sur la plage avec tout le monde qui s'agglutine dessus. Si les surfeurs, kitesurfeurs ou les planchistes sont sur l'océan, il y a moins de risque que d'être dans le métro", explique ainsi Ronan Loas, maire de Ploemeur (Morbihan), dans Le Télégramme.

Sur les réseaux sociaux, les pétitions se multiplient. L'une d'elles, lancée par des surfeurs, avait recueilli mercredi près de 90 000 signatures. Mais quelques voix discordantes se font entendre : interrogé par Ouest-France, le triple champion de France de paddle et infirmier Gaétan Sané estime juge qu'une ouverture prématurée des plages pourrait se "payer cher". "Les loisirs sont les derniers besoins essentiels à la vie, alors forcer l'ouverture des plages pour du loisir alors qu'il y a du personnel toujours en tension dans les hôpitaux, c'est surprenant", ajoute celui qui a prêté main-forte dans un hôpital de Mulhouse lors des premières semaines de la crise sanitaire.

La situation peut-elle évoluer ?

Difficile à dire. Si les déclarations du gouvernement semblent montrer une fermeté sur le sujet, des acteurs cités par la presse locale semblent être optimistes. "J'ai senti de la part du préfet du Morbihan des signes d'ouverture. Il n'y a pas de blocage à son niveau. On est plusieurs à faire du lobbying. Il n'est pas exclu qu'il y ait un assouplissement", assure ainsi le maire de Ploemeur au Télégramme. Citant "une source qui suit de près les discussions sur le sujet", le quotidien breton indique en outre que "les plaisanciers et pratiquants de sports nautiques pourraient au final réussir à accéder à leur spot favori ou quitter leur port d'attache", sans qu'une date soit pour le moment arrêtée.

Dans l'attente d'une inflexion du gouvernement, certains ont d'ores et déjà annoncé leur intention de ne pas respecter la loi. Sur l'île charentaise d'Oléron, le maire (DVD) de Saint-Pierre a écrit au président de la République pour lui annoncer qu'il prendrait un arrêté pour rouvrir le 11 mai ses 15 km de plage, rapporte France Bleu"Des actions d'éclat se préparent pour la semaine prochaine si l'interdiction d'accéder au littoral et à la mer se maintient. Nous serons présents et en force pour exprimer notre détermination", tempête dans les colonnes du Télégramme la navigatrice Anne Quémeré, qui ne comprend pas le maintien de l'interdiction "alors que les hôpitaux se vident et que la région est classée en vert".

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