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Le second tour des élections municipales peut-il être reporté à cause de l'épidémie de coronavirus ?

Plusieurs experts en droit constitutionnel jugent qu'un report du second tour du scrutin pourrait entraîner l'invalidation du premier.

Article rédigé par franceinfo
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Des électeurs votent à Mulhouse (Haut-Rhin), le 15 mars 2020, lors du premier tour des élections municipales en pleine épidémie de coronavirus. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Les Français sont appelés aux urnes en pleine épidémie de coronavirus. Après avoir tergiversé, Emmanuel Macron a finalement annoncé, jeudi 12 mars, lors de son allocution que les élections municipales étaient maintenues. Son Premier ministre, Edouard Philippe, a confirmé cette décision samedi soir, tout en annonçant le passage au stade 3 du plan de lutte contre la maladie et une batterie de mesures drastiques destinées à freiner la propagation du virus. Le premier tour du scrutin a donc lieu, dimanche 15 mars. Mais le second tour, qui doit se tenir dans une semaine, peut-il être reporté ?

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"C'est un cas inédit", observe sur Twitter Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille. Selon ce constitutionnaliste, il est tout à fait possible de repousser le second tour des municipales à une date ultérieure. Mais au regard du droit, "un tel report annulerait le premier tour", assure-t-il. "Il n'est pas possible de déconnecter les deux tours d'un même scrutin sans altérer sa sincérité", juge l'expert.

Autrement dit : le scrutin ne respecterait plus les règles fixées par le droit électoral. "L'article L-56 du Code électoral prévoit que le deuxième tour d'un scrutin doit se tenir une semaine après le premier", relève Guillaume Tusseau, professeur de droit public à Sciences Po, joint par franceinfo. Et les dates des deux tours des municipales ont donc été fixées par décret au 15 et 22 mars.

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Guillaume Tusseau estime qu'"il est toutefois possible de déroger à ce principe, mais il faut une loi pour le faire et celle-ci doit être votée et adoptée dans la semaine", avant la date arrêtée pour le second tour, souligne le constitutionnaliste. Le problème n'est, selon lui, pas tant juridique que politique. "Il faut que des forces politiques qui étaient opposées au report des municipales jusqu'à présent se mettent d'accord en ce sens", pointe l'expert.

"Si on fait le premier, il faut faire le deuxième"

Son collègue Gilles Toulemonde, maître de conférences en droit public à l'université de Lille, interrogé par La Voix du Nord, n'est pas de cet avis. "C'est inenvisageable de faire un tour et pas le deuxième quand il y a deux tours parce qu'une élection se déroule en deux tours et que les deux tours font un", argumente-t-il. Si on fait le premier, il faut faire le deuxième."

Si on maintenait le premier tour et qu'on ne pouvait finalement pas maintenir le second, il faudrait recommencer à zéro.

Gilles Toulemonde, professeur de droit constitutionnel à l'université de Lille

à "La Voix du Nord"

Un report pour "circonstances exceptionnelles"

"Le second tour peut être reporté en cas de circonstances exceptionnelles", juge pour sa part Armel Le Divellec, professeur de droit public à l'université de Paris II Panthéon-Assas, sollicité par franceinfo. Il faut alors un décret, pris en Conseil des ministres. Ces "circonstances exceptionnelles" avaient été invoquées en 1973 pour justifier le report du deuxième tour des élections législatives à La Réunion, alors que l’île avait été frappée par un cyclone dans l’entre-deux-tours. 

Mais, ajoute Armel Le Divellec, cet éventuel report du second tour n'invaliderait pas forcément le premier à l'échelle nationale. Un candidat peut en effet être élu dès le premier tour, s'il obtient la majorité absolue des suffrages exprimés dans sa commune, soit 50% des suffrages plus une voix. Par conséquent, "il n'est pas certain que cela invalide le premier tour dans les communes où un deuxième tour est nécessaire", argue l'expert.

Une "théorie très spéculative"

En cas de report, des recours, déposés par exemple par des candidats s'estimant lésées, seraient possibles et probables. Il reviendra alors au juge - au tribunal administratif dans un premier temps et au Conseil d'Etat en cas d'appel - d'apprécier, en fonction des circonstances locales, précise l'universitaire.

Si un report devait être décidé, il paraît logique de penser que le second tour serait organisé une fois le pic épidémique passé. Or rien ne permet de dire aujourd'hui quand l'épidémie prendra fin. Seule certitude : il faudra plusieurs semaines. Et, prévient Armel Le Divellec, "plus le retour à la normale est lointain, plus le juge serait incité à trancher pour l'invalidation". Une éventualité qui rend le report du second tour des élections municipales très hypothétique.

Cette "théorie des circonstances exceptionnelles" est, d'après Guillaume Tusseau, "très spéculative". "Une fois l'élection commencée, le second tour doit se tenir, sauf évolution notable de la situation sanitaire en l'occurrence", argumente l'expert. De plus, "il faudra l'assumer politiquement" et des contestations sont à craindre.

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