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Pourquoi les délais entre la prise de rendez-vous et les résultats des tests PCR sont un frein dans la lutte contre le Covid-19

En France, plusieurs jours sont souvent nécessaires pour obtenir un rendez-vous afin de faire un test virologique de dépistage du Covid-19, puis autant pour en obtenir les résultats. Un engorgement dommageable à la lutte contre l'épidémie. 

Article rédigé par franceinfo, franceinfo avec AFP
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Lors d'un test de dépistage du Covid-19, à Quiberon (Morbihan). (FRED TANNEAU / AFP)

Toux, fébrilité ou simple envie d'être rassuré : chacun peut se faire dépister pour savoir s'il est infecté par le coronavirus, gratuitement et sans ordonnance, depuis un arrêté gouvernemental du 25 juillet. Dans les "Covid-drive", les candidats au test affluent. Parmi eux, des vacanciers qui ont besoin d'un résultat négatif pour partir dans certains pays, ou des patients qui doivent se faire opérer prochainement. La France se rapproche de son objectif de 700 000 personnes testées par semaine, avec près de 500 000 tests de dépistage du Covid-19 hebdomadaires réalisés début août dans certaines régions. 

De longues files d'attente se sont formées dans de nombreuses villes, où il faut patienter plusieurs heures. Certains laboratoires priorisent les patients avec ou sans ordonnance, au risque de rallonger les délais de rendez-vous. En Ile-de-France, il faut souvent attendre jusqu'à quatre jours pour pouvoir passer le test.

L'allongement des délais entrave la lutte contre l'épidémie et peut s'avérer contre-productif. Franceinfo vous explique pourquoi.

Parce que des cas suspects renoncent à se faire tester

C'est le scénario redouté par les professionnels de santé : des malades, découragés par les longues files d'attente devant les centres de dépistage du Covid-19, font demi-tour et rentrent chez eux. "On ne peut pas demander à une personne âgée d'attendre debout pendant plusieurs heures", explique Jean-Christophe Calmes, médecin généraliste et vice-président du syndicat MG France. Il appelle à un dispositif particulier de test pour les personnes fragiles : "Dans ma ville de Frontignan [Hérault], une équipe de prélèvement à domicile prend en charge les personnes âgées ou malades pour leur éviter les files d'attente."

C'est encore plus vrai pour les vacanciers ou les cas contacts qui, en l'absence de symptômes, peuvent abandonner l'idée de réaliser un test devant la difficulté de prendre rendez-vous dans un laboratoire. Laurent, en vacances fin juillet chez des amis à Narbonne (Aude), a attendu une semaine pour avoir enfin son diagnostic : "Au Covid-drive, on m'a demandé une prescription. N'étant pas originaire de la région, j'ai dû attendre trois jours pour avoir rendez-vous chez un médecin généraliste", regrette-t-il auprès de franceinfo. "Comptez ensuite deux jours d'attente pour le test PCR, puis encore deux jours pour obtenir les résultats." Face à ces délais, il avoue avoir un instant songé à ne pas se faire dépister : "Je devais partir de Narbonne pour continuer mon périple touristique avant la date à laquelle j'ai finalement obtenu un rendez-vous pour le test nasal. Si je n'avais pas pu modifier mes dates de location, j'aurais laissé tomber." 

Or, il est important que mêmes les personnes ne présentant pas de symptômes procèdent à un test : "On se rend compte que la plupart des gens infectés sont totalement asymptomatiques, affirme François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes, au Parisien. En plus des malades et des cas contacts, certains viennent chaque semaine vérifier qu'ils n'ont pas le virus..." 

Parce que s'ils ne sont pas testés, beaucoup de malades ne s'isolent pas

Sans Covid-19 avéré, les cas contacts ou les patients peu symptomatiques sont réticents à appliquer des mesures d'isolement suffisantes. "Je conseille à mes patients qui présentent des symptômes, mêmes légers, de s’isoler, ainsi que leur entourage proche. Mais c’est dur à entendre, surtout pour les jeunes, note Jean-Christophe Calmes, vice-président du syndicat des médecins généralistes, interrogé par franceinfo. Ils sont réticents à retourner à une sorte de confinement en plein été, alors qu’ils ne se sentent pas particulièrement malades. Quand le résultat positif tombe, la prise de conscience se fait d'un seul coup." 

Pendant ce temps, les patients qui présentent peu ou pas de symptômes poursuivent leurs activités habituelles... et répandent le virus.

Parce que pour être efficace, la recherche des cas contacts doit être rapide

Le "contact tracing" – qui permet aux autorités de remonter le fil des personnes susceptibles d'avoir été en contact avec la personne infectée – est une course contre la montre. D'après une étude publiée dans la revue médicale The Lancet (article en anglais), des chercheurs néerlandais de l'université d'Utrecht ont déduit par modélisation mathématique que le délai entre l'apparition des symptômes et le dévoilement des résultats doit être inférieur à un jour pour endiguer l'épidémie.

"Si le test est retardé de deux jours, le R0 peut être maintenu en dessous de 1 à la seule condition qu'au moins 80% des cas contacts soient identifiés et tracés dans la journée. La stratégie de recherche des cas contacts devient donc inefficace si elle est déclenchée trois jours après l'apparition des symptômes", détaille la revue. Autrement dit, le nombre de contaminations pour un cas avéré sera au minimum d'une personne si la liste de ses contacts n'est pas établie sous trois jours.

Or, ce "contact-tracing" ne commence qu'à partir du moment où une personne est officiellement testée positive. "Il faudrait, sinon, tester tout le monde. Les symptômes du coronavirus sont très généraux et correspondent à toutes les maladies virales", explique l'épidémiologiste Eric d'Ortenzio à franceinfo. Problème : la charge virale atteint son pic dans les premiers jours suivant l'apparition des symptômes. C'est donc à ce moment-là que le patient est le plus contaminant. "Plus le délai de dépistage se rapproche de l'apparition des symptômes, plus vite on peut limiter la propagation de l'épidémie", résume l'épidémiologiste.

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