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Info franceinfo L'après-confinement, une période particulièrement favorable au risque suicidaire, selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès

D'après cette étude que s'est procurée en exclusivité franceinfo, le confinement et le déconfinement ont des conséquences psychologiques fortes sur les Français, se traduisant par une augmentation des idées suicidaires.

Article rédigé par franceinfo - David Pauget
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un masque chirurgical sur une voie du bois de Vincennes, à Paris, le 1er novembre 2020.  (Davide Weber / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Après la seconde vague du virus, une vague de suicides ? Alors que la France vit au rythme d'un nouveau confinement pour lutter contre le Covid-19, l'enquête* de la Fondation Jean-Jaurès "Les Français et le suicide", réalisée par l'Ifop et que s'est procurée en exclusivité franceinfo, met en lumière les conséquences psychologiques du confinement et du déconfinement sur les Français. 

À la question "Avez-vous déjà envisagé sérieusement de vous suicider ?", 20% des personnes interrogées répondent "oui". Parmi ces personnes qui ont pensé à mettre fin à leurs jours, 11% disent l'avoir envisagé pendant la période du premier confinement, et 17% depuis la fin de ce confinement. Soit respectivement 2,2% et 3,4% de la totalité des personnes interrogées.

Un 2e confinement "plus à risque" que le 1er

L'étude montre une augmentation des idées suicidaires dès la fin du premier confinement. "Le risque suicidaire est élevé et on n'en parle pas", alerte auprès de franceinfo Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l'Observatoire national du suicide. Le titre de sa note d'analyse pour la Fondation Jean-Jaurès est pour le moins alarmant : "Suicide : l'autre vague à venir ".

Le risque suicidaire a augmenté à la fin du premier confinement, selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès menée par l'Ifop. (FONDATION JEAN-JAURES)

Selon lui, le premier confinement a pu être facteur de protection contre le suicide pour différentes raisons : une "volonté de survie" face à la menace du virus, l'élan de solidarité observé à cette période, ou encore la difficulté de s'isoler pour passer à l'acte (selon l'étude, seuls 22% des sondés déclarent être restés seuls lors du premier confinement). Le déconfinement marque en revanche un risque accru. "La crise est devant nous", alerte par conséquent Michel Debout.

Pour Michel Debout, le second confinement pourrait s'avérer plus risqué encore que le premier, en raison du changement de logique entre ces deux périodes. "Nous sommes passés de 'tous à domicile, sauf exception', à 'tous au travail, sauf exception'", résume-t-il, estimant que cela suscite l'incompréhension du côté des secteurs économiques qui doivent s'arrêter. De plus, la bulle de protection que représentait le premier confinement n'existe plus.

"Certains le vivent très mal, les artisans-commerçants ne comprennent pas pourquoi eux doivent fermer, alors qu'on laisse d'autres lieux de contamination plus évidents comme les grandes surfaces. On risque de créer des animosités entre des groupes de Français, en utilisant également des mots blessants comme lorsqu'on parle de métiers non essentiels", estime-t-il.

Trois catégories plus vulnérables

Les artisans-commerçants font justement partie des populations les plus à risque de suicide identifiées dans l'étude. Sur les 20 % de Français qui déclarent avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider, trois catégories ont en effet des taux d'intention largement supérieurs : les dirigeants d'entreprises (27%), les chômeurs (27%) et les artisans-commerçants (25%). Autre indicateur : leur consommation de médicaments au cours des 12 derniers mois est plus importante que la moyenne des Français.

Les populations les plus à risque de suicide ont consommé davantage de médicaments au cours des 12 derniers mois. (FONDATION JEAN-JAURES)

Exposés au risque économique, les artisans-commerçants et les dirigeants d'entreprises traversent une période d'incertitude au temps du Covid-19, avec le difficile redémarrage de l'activité économique. "La santé des chômeurs, c'est aussi l'angle mort de la santé publique en France. On n'en parle presque jamais", explique Michel Debout.

"Parmi les nouveaux chômeurs, certains risquent de passer à l'acte, souligne-t-il. Ils perdent un emploi et un projet de vie. Il y a un effet de dévalorisation, d'échec... Ce doit être considéré comme un problème de santé, pas seulement économique."

La France en retard sur la prévention ?

Face à cette situation, il y a urgence à intervenir, selon Michel Debout. "Le suicide n'est pas une fatalité, insiste-t-il. La prévention doit se faire pour éviter le risque, pas en attendant le risque. C'est maintenant qu'il faut prendre des mesures, alerter les groupes les plus à risque."

Le sujet est d'autant plus important que "la France n'a pas la culture de la prévention". Dans sa note, la Fondation Jean-Jaurès estime que la Direction générale de la santé "a constamment tourné le dos aux politiques de prévention, notamment de la prévention du suicide – elle s'est ainsi opposée pendant près de deux décennies à la constitution de l'Observatoire national du suicide [créé en 2013] – de la prévention des risques psychosociaux au travail ou encore à la prévention des pathologies liées à la perte d'emploi."

"Le suicide n'est pas une fatalité (...). La prévention doit se faire pour éviter le risque, pas en attendant le risque. C'est maintenant qu'il faut prendre des mesures."

Michel Debout

à franceinfo

Michel Debout prône ainsi la création d'un nouveau comité, qui serait "le pendant" du Conseil scientifique, et qui serait composé, entre autres, de psychiatres, psychologues, médecins généralistes et cancérologues. "Ce comité ferait la balance, questionnerait les effets des mesures sur la santé", explique-t-il. Et de s'interroger : "Pourquoi n'a-t-on pas déjà mis en place ce deuxième comité ?"

*L'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 2 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne du 21 au 28 septembre 2020.


Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

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