Cet article date de plus de quatre ans.

Déconfinement : quelle responsabilité juridique pour les employeurs en cas de contamination au sein de l’entreprise ?

L'employeur doit pouvoir prouver qu’il a bien mis en œuvre toutes les mesures de sécurité pour protéger ses salariés du coronavirus.

Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une salariée avec un masque dans un supermarché. Photo d'illustration. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Des millions de salariés sont donc physiquement de retour au travail depuis lundi 11 mai, même si beaucoup d’autres restent en télétravail. En toile de fond, cette question qui angoisse beaucoup d’employeurs : peuvent-ils être poursuivis devant la justice, par un salarié qui serait contaminé par le Covid-19, au travail ?
 
On s’attendrait en effet à de nombreux contentieux, selon les avocats spécialisés en droit du travail qu’a interrogé le site spécialisé dans les ressources humaines Actuel RH. Mais quels sont les risques réels pour un employeur d’être condamné ? Pour le savoir, il faut rappeler que, depuis un arrêt de la cour de cassation de 2015, l'arrêt Air France bien connu des spécialistes, l’employeur a une obligation de moyen renforcée vis-à-vis des risques au travail. En bon français, ça signifie qu’il doit pouvoir prouver qu’il a bien mis en œuvre toutes les mesures de sécurité possibles pour protéger ses salariés. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, l’a rappelé à plusieurs reprises ces derniers jours, l’employeur n’a pas d’obligation de résultat. C’est-à-dire qu’il ne peut pas être condamné a priori parce qu’un accident survient ou qu’un salarié tombe malade. Mais il peut l’être s’il n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires et l’organisation du travail adéquate.
 
S’il veut se protéger, l’employeur doit commencer à s’intéresser à un document qui est souvent négligé dans les petites entreprises. Il s’agit du document unique d’évaluation des risques. Il est pourtant obligatoire. Il faut mettre à jour ce document, avec les représentants du personnels et les services de santé au travail. S’il ne le fait pas, l'employeur pourra être sanctionné.

Il faut ensuite prouver que les mesures contenues dans le protocole de déconfinement, mis au point par le ministère du Travail, et dans celui des soixante guides métiers qui s’appliquent, ont bien été mises en œuvre. Au centre de ces mesures, la distanciation, la règle des quatre mètres carrés, la fourniture de masques et de gel, dans certains cas. Pour être "béton", l’employeur devra pouvoir documenter les commandes de matériel, montrer les procédures mises en places. Il peut aussi prendre des photos ou, mieux, demander un constat d’huissier.

Des preuves pas évidentes à fournir

Pour pouvoir poursuivre en justice un employeur, il va falloir prouver que la contamination a bien eu lieu sur le lieu de travail. Ce qui ne sera pas évident. D’autant que l’employeur pourra aussi rappeler qu’il n’est pas le seul à avoir des obligations. Le code du Travail dit très clairement que tout salarié doit prendre soin de sa santé et de celle de ses collègues. Si un employeur a pris toutes ses précautions, qu’il a mis en place les bonnes procédures, et qu’un salarié ne les respecte pas, il sera dédouané. Mais dans tous les cas, les situations seront examinées individuellement par les juges.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.