Covid-19 : pourquoi le gouvernement hésite-t-il autant à reconfiner les départements d'Ile-de-France ?
La situation sanitaire se dégrade dans la région capitale, mais ses départements ne sont toujours pas concernés par les mêmes mesures sanitaires que d'autres, comme les Alpes-Maritimes. Une hésitation qui peut s'expliquer par des facteurs économiques et sociaux.
Confinera, confinera pas ? A mesure que la situation sanitaire se dégrade en Ile-de-France, de nombreuses voix s'élèvent pour s'étonner de l'absence de mesures supplémentaires pour juguler l'épidémie de Covid-19 dans la région. Le président de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Renaud Muselier (Les Républicains) a dénoncé, samedi 13 mars, une "injustice" de traitement entre les Alpes-Maritimes, confinées le week-end, et la Seine-Saint-Denis, non concernée par cette mesure. "Quand je vois la situation en Ile-de-France et en Seine-Saint-Denis, pas concernées par un confinement alors que les courbes flambent, j'ai l'impression que nous sommes l'arbre niçois qui cache la forêt parisienne", s'était déjà insurgé la veille le maire LR de Nice, Christian Estrosi.
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En effet, parmi les 10 départements où le virus circule le plus activement, six se trouvent en Ile-de-France. Pourquoi le gouvernement hésite-t-il à agir ? Franceinfo vous propose quelques éléments de réponse.
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Parce que reconfiner un seul département n'aurait pas beaucoup de sens
C'est l'un des principaux arguments du gouvernement. Si la Seine-Saint-Denis, où le taux d'incidence est particulièrement élevé, n'est pas reconfinée, c'est en raison de ses liens étroits avec le reste de la région, matérialisés par un réseau dense de transports en commun et une continuité urbaine. Des Dionysiens travaillent à Paris ou dans la petite couronne, des Franciliens se rendent chaque jour en Seine-Saint-Denis pour des raisons professionnelles. "On est obligé de considérer l'Ile-de-France globalement", a argumenté le Premier ministre lors de son interview sur Twitch, dimanche 14 mars.
Parce que le poids économique et démographique de la région est très important
Avec 12 174 880 habitants, la région pèse 18,3% de la population française, pour seulement 1,9% du territoire selon les derniers chiffres de l'Insee (2017). Un poids démographique écrasant qui se traduit économiquement : la région concentre 21,7% des emplois salariés et non salariés en France. Confiner la région, même partiellement, aurait donc des conséquences économiques et sociales plus importantes qu'ailleurs.
C'est l'argument utilisé le 9 mars par une députée de la majorité, Anne Genetet, sur BFMTV. "L'Ile-de-France est une plaque tournante, on n'est pas tout à fait comme à Dunkerque", évoquant un "poumon économique". "La région doit tenir dans son ensemble, il n'y a pas que le sanitaire, il y a aussi l'économie, les écoles, tout un ensemble de secteurs qui doivent tenir ensemble, a-t-elle argumenté. Il faut voir le problème dans son ensemble."
Parce que des élus locaux y sont opposés
La région présente également une particularité politique. Avec Anne Hidalgo à la mairie de Paris et Valérie Pécresse à la présidence de la région, elle concentre deux adversaires potentielles d'Emmanuel Macron pour la présidentielle 2022. Une situation politique qui pourrait contribuer à expliquer les réticences du gouvernement, comme l'expliquait notre éditorialiste Daïc Audouit il y a quelques jours.
Pourquoi l'executif hésite à confiner l'Ile-de-France ? Des raisons politiques et sociologiques.
— Daïc Audouit (@daicaudouit) March 10, 2021
Mon edito du jour dans la matinale de @franceinfo pic.twitter.com/SuM6aOMamW
Ces dernières semaines, ces deux élues de poids ont d'ailleurs exprimé leurs réticences face à un confinement le week-end de l'Ile-de-France, comme celui imposé dans les Alpes-Maritimes ou le Pas-de-Calais. Le ton semble cependant avoir changé ces dernières heures. "En responsabilité, si les mesures sont justifiées, si elles sont proportionnées et accompagnées, je ne m'y opposerai pas", a déclaré lundi 15 mars sur France 2 Valérie Pécresse.
Parce que des habitants risqueraient de fuir la région
Un autre argument qui pourrait expliquer la frilosité du gouvernement à reconfiner l'Ile-de-France renvoie au comportement des Parisiens pendant le premier confinement. Selon une étude menée par l'Insee à partir des données anonymisées de l'opérateur Orange, Paris intra-muros s'est vidé de 11% à 12% de ses habitants lors du confinement de mars 2020, et même de 22% à 23% si l'on prend en compte ceux qui y séjournent sans y résider. Un phénomène similaire pourrait se produire en cas de nouvelles mesures.
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