Covid-19 : la fin de la gratuité des tests risque-t-elle de fausser les statistiques sur l'évolution de l'épidémie ?
Certains épidémiologistes s'inquiètent, au moment où de premières données semblent déjà traduire l'effet de ce déremboursement. Mais l'exécutif assure que l'effet sera ponctuel et limité.
Dérembourser les tests de dépistage du Covid-19 pour pousser les récalcitrants vers la vaccination. C'est le pari du gouvernement avec cette mesure entrée en vigueur vendredi 15 octobre. L'objectif de l'exécutif est aussi d'alléger la facture pour les finances publiques. Le coût des tests va en effet s'envoler à 6,2 milliards d'euros cette année, après 2,2 milliards en 2020.
Même si des exceptions resteront possibles (prescription médicale, cas contact, test positif récent, contre-indication au vaccin), près de 7 millions d'adultes partiellement ou non vaccinés devront ainsi débourser entre 22 et 44 euros pour chaque dépistage leur permettant d'obtenir un pass sanitaire.
Une chute du nombre de tests vendredi
Cette décision n'a pas tardé à se répercuter sur le nombre de tests réalisés. Après un pic jeudi 14 octobre, veille du déremboursement (806 782 tests réalisés contre 472 026 la semaine précédente), ce chiffre s'est effondré le jour de l'entrée en vigueur de la mesure. Il est tombé à 371 174, contre 675 075 le vendredi précédent, soit une diminution de 45%.
Cette tendance va-t-elle se poursuivre, au risque de casser le thermomètre de l'épidémie, comme le redoutent certains professionnels de santé ? Alors que le nombre de tests effectués s'élevait à près de 3,2 millions la semaine du 10 au 14 octobre, le ministre de la Santé a dit s'attendre à ce qu'environ 2 millions de tests soient toujours réalisés chaque semaine malgré la fin de la gratuité. "Ce qui fera encore de la France un des pays qui testent le plus au monde", a assuré Olivier Véran sur franceinfo, mercredi.
Cette diminution du nombre de tests se mesure-t-elle déjà dans le nombre de cas positifs recensés ? Après un léger rebond, de l'ordre de 11% en une semaine, un plateau semble se dessiner ces derniers jours. Quant au taux d'incidence national, dont la moyenne se rapproche du seuil d'alerte fixé à 50 cas positifs pour 100 000 habitants, il stagnait à 48,4 au 15 octobre (contre 48,5 la veille).
S'il est trop tôt pour interpréter cette stabilisation, le professeur de santé publique Mahmoud Zureik s'inquiète auprès de l'AFP : "On n'arrivera plus à suivre correctement l'évolution de l'épidémie car le taux d'incidence sera affecté", prédit-il. Le ministère de la Santé anticipe au contraire "une rupture modeste" et "ponctuelle" sur cet indicateur clé, faisant valoir que les "tests de confort" sont le fait de "personnes souvent asymptomatiques qui ont des taux de positivité très faible".
Cette population va-t-elle franchir le pas de la vaccination ? Rien n'est moins sûr si l'on se fie aux résultats du 28e baromètre CoviPrev, l'outil de Santé publique France pour mesurer depuis mars 2020, via le sondeur BVA, la réaction des Français face à l'épidémie et aux mesures sanitaires prises par les autorités. Selon le sondage réalisé entre le 28 septembre et le 5 octobre, dont les résultats ont été dévoilés jeudi, seules 8% des personnes non vaccinées interrogées se déclarent prêtent à changer d'avis.
Le nombre d'hospitalisations, un autre indicateur clé
Le risque est que les personnes non vaccinées et asymptomatiques ne se fassent plus tester, mettant à mal la politique de traçage des cas positifs et des chaînes de contamination, comme l'a signalé sur franceinfo, mardi, l'épidémiologiste Pascal Crépey, enseignant-chercheur à l'Ecole des hautes études en santé publique, à Rennes.
"On ne verra pas qu'elles sont positives et donc on n'évitera pas un certain nombre de chaînes de transmission qui auraient pu être évitées si l'accès aux tests était plus facile."
L'épidémiologiste Pascal Crépeyà franceinfo
Pour anticiper l'évolution de l'épidémie, deux autres indicateurs sont surveillés : le nombre d'hospitalisations et celui des admissions en service de réanimation. "La remontée des incidences" observée ces derniers temps et redoutée avec la fin des tests gratuits "ne va pas signifier forcément une remontée du même type des hospitalisations parce que la France est massivement vaccinée", nuance le spécialiste. Actuellement, 74% de la population est totalement vaccinée. "Les hospitalisations ne vont pas remonter dans les mêmes proportions qu'elles ont pu le faire sur la vague hivernale de l'année dernière. Il y a, a priori, peu de risques que cette vague éventuelle ne submerge notre tissu hospitalier", poursuit Pascal Crépey.
C'est d'ailleurs parce que les signaux étaient au vert que l'exécutif a maintenu son tour de vis sur le remboursement des tests. Il concède désormais que "l'épidémie recommence à gagner du terrain", à l'approche de l'hiver. Vingt et un départements dépassent un taux d'incidence de 50 cas pour 100 000 habitants, les Bouches-du-Rhône en tête, avec un taux de 109 au 15 octobre. Si la stratégie du gouvernement sur les tests se révélait infructueuse pour endiguer une éventuelle cinquième vague, un autre scénario est à l'étude : rendre la dose de rappel du vaccin obligatoire pour continuer à bénéficier du pass sanitaire.
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