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Coronavirus : quelles étapes doit franchir un vaccin pour pouvoir être commercialisé ?

La Russie a annoncé mardi être le premier pays à "enregistrer" un vaccin contre le Covid-19. Sceptiques, des spécialistes laissent entendre que le processus scientifique habituel n'aurait pas été respecté. Franceinfo vous explique comment un tel produit est généralement mis au point et quelle est la procédure à suivre pour qu'il soit homologué. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
A Moscou, un homme tient dans ses mains le vaccin contre le coronavirus que la Russie a annoncé avoir mis au point, le 11 août 2020. (SERVICE DE PRESSE DU MINISTERE DE LA SANTE RUSSE)

Sur les plus de 165 substances en lice dans la course au vaccin contre le Covid-19, seules 28 sont entrées dans la phase d’essais cliniques. Un projet américain (Moderna), un autre britannico-suédois (AstraZeneca), ou encore une initiative chinoise (Sinopharm) : il ne se passe pourtant pas une semaine sans qu’un pays ou une entreprise se prévale d'avoir trouvé le produit miracle contre le coronavirus.

La Russie a annoncé mardi 11 août être le premier pays à enregistrer un vaccin, le Spoutnik V. "Je sais qu'il est assez efficace", s'est félicité Vladimir Poutine. Le président russe espère que la population y aura accès dès le 1er janvier 2021.

A partir de quand estime-t-on qu’un vaccin est au point ? A quels contrôles est-il soumis avant d'être mis sur le marché ? Franceinfo revient sur les différentes étapes, de l'élaboration à la commercialisation.

1Les scientifiques recherchent un principe actif

Pour trouver un vaccin, il faut d’abord identifier le génome du virus. La première étape de la recherche consiste à prélever des échantillons du virus et à les mettre en culture pour pouvoir déterminer son ADN. "On partage tous le même langage ADN, que ce soit les plantes, les humains, les virus. (...) L’enjeu, c’est de connaître exactement le livre codant de ce virus", détaillait au mois de mai Nicolas Manel, directeur de recherche à l’Inserm, pour Brut

Les scientifiques essaient ensuite de trouver, à partir du virus, un antigène, soit une substance étrangère à l’organisme qui suscitera une réaction immunitaire chez l’homme. "On va chercher à produire [des morceaux du virus] de différentes formes, on va les modifier un petit peu avec les connaissances qu’on a pour optimiser la réaction immunitaire, parce qu’on sait que de telle ou telle manière il y aura une meilleure réponse immunitaire", explique Nicolas Manel. 

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Cet antigène provient soit d’un virus activé mais atténué, soit d’un virus inactivé. En ce qui concerne le coronavirus, l’Institut Pasteur travaille par exemple sur un "vaccin vivant atténué, basé sur le vaccin contre la rougeole", comme l'a expliqué à RFI Frédéric Tangy, responsable du laboratoire d’innovation vaccinale de l'institut.

Quelques substances sont ensuite parfois combinées à l'antigène : des adjuvants, qui "servent à améliorer l’efficacité et augmenter la réponse immunitaire" et des "conservateurs et [d]es stabilisants", selon le site Vaccination info service, mis en ligne par Santé publique France.

2Le vaccin est testé lors d'essais cliniques

Avant d’être testé sur l’homme, le vaccin est évalué lors d’une phase de "développement préclinique". Cette phase permet, selon le site Vaccination info service, de déterminer l’innocuité du produit, c’est-à-dire la dose optimale que le corps peut recevoir sans entraîner de toxicité. On vérifie également l'absence de danger, ainsi que l'efficacité concernant la stimulation des défenses immunitaires. Cette phase préclinique est étudiée en laboratoire, puis sur des animaux par "la même voie d’administration que celle qui sera utilisée chez l’homme".

Les tests cliniques peuvent ensuite commencer. Ils doivent passer par quatre phases, détaillées par le New York Times (article en anglais). En phase 1, le vaccin est administré à un petit groupe de volontaires : on vérifie son efficacité, la tolérance au produit, et la posologie. La phase 2 concerne, elle, des centaines de personnes testées, réparties en sous-groupes (des enfants et des personnes âgées par exemple). Outre l'efficacité du vaccin et sa non-dangerosité, le but est de vérifier si chacune des catégories réagit de la même façon au traitement.

En phase 3, le vaccin est testé à grande échelle, sur des milliers de personnes. Une partie reçoit en réalité un placebo. On observe dans quelle mesure les personnes vaccinées ont été plus protégées que le groupe placebo face à l'exposition naturelle au virus. Les effets secondaires les plus rares sont également relevés.

Dans certains cas, les phases sont combinées pour gagner du temps. Les laboratoires procèdent simultanément à la phase 1 et 2 de l’essai clinique en testant directement le vaccin sur quelques centaines de personnes.

Un autre moyen d’accélérer le processus est d’injecter directement le virus aux personnes vaccinées, plutôt que d’attendre qu’elles le contractent naturellement : on appelle ce processus le "challenge infectieux". La technique est controversée : en France, le Conseil scientifique y est défavorable, évoquant des "raisons à la fois scientifiques et éthiques". Au contraire, l’OMS a émis le 6 mai une note dans laquelle elle expose les "critères pour [la] rendre acceptable"

Dans sa liste des 28 candidats-vaccins soumis à des tests cliniques, l'OMS ne place d'ailleurs le vaccin russe Spoutnik V qu'en phase 1 (page en anglais), tandis que six programmes de recherche ont déjà atteint la phase 3. Le processus d’essais cliniques dure en moyenne plusieurs années. Le vaccin mis au point par l’entreprise de biotech américaine Moderna, entré dans la phase 3 le 27 juillet, prévoit de la poursuivre jusqu’en octobre 2022.

3Le vaccin doit être certifié par une autorité

Une fois ces phases d’essais cliniques terminées, des articles scientifiques sont publiés. Pour bénéficier d’une autorisation de commercialisation, le vaccin doit ensuite se faire enregistrer auprès d’une instance nationale (ce qu'a fait la Russie) ou internationale. Celle-ci "se prononce sur la balance bénéfice-risque du produit. On compare le risque d’effets indésirables associé à un vaccin et les bénéfices attendus pour la santé des personnes vaccinées", explique le site belge Vaccination-Info.

En France, il s’agit de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Elle procède à une "revue complète du dossier de fabrication des lots" et à un contrôle (concernant l'identité, l'activité et la sécurité du vaccin). L’ANSM peut ensuite délivrer une autorisation de commercialisation. Néanmoins, les produits continuent à être testés, rappelle l'agence, qui évoque "plus de 200 contrôles par lot de vaccins" délivrés sur le marché. 

Il existe également une certification européenne. Délivrée par la Commission européenne après avis de l’Agence européenne des médicaments, elle permet au vaccin d’être vendu dans l’ensemble de l'Union.

Par ailleurs, l’OMS a mis au point une procédure dite de "préqualification" pour les vaccins achetés par les Nations unies. Elle fait partie du Plan mondial pour la sécurité des vaccins (PDF) qui doit "aider les pays à revenu faible ou intermédiaire à disposer au moins de capacités minimales pour leurs activités en rapport avec la sécurité des vaccins", et de promouvoir "un cadre juridique, réglementaire et administratif pour la sécurité vaccinale aux niveaux national, régional et international." "Les fabricants demandent la préqualification de l’OMS, car c’est une sorte de gage de qualité" a déclaré Tarik Jasarevic, porte-parole de l’organisation, rappelant que le processus passait par des procédures rigoureuses.

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