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Coronavirus : quatre questions sur les militaires français qui pensent avoir été contaminés dès le mois d'octobre

Si la contamination de militaires était établie, cela signifierait que la circulation du virus a débuté bien plus tôt que ce qui était admis jusqu'à présent.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La Française Elodie Clouvel franchit la ligne d'arrivée lors de l'épreuve de pentathlon moderne, le 24 octobre 2019 lors des Jeux mondiaux militaires d'été de Wuhan (Chine). (MAXPPP)

Mais quand la circulation du Covid-19 a-t-elle vraiment débuté en France ? Alors qu'un cas de contamination en décembre a été découvert a posteriori début mai, la question se pose plus que jamais. En cause : les témoignages de plusieurs sportifs tricolores, qui se demandent s'ils n'ont pas été infectés en octobre dernier après leur participation aux Jeux mondiaux militaires de Wuhan (Chine), où la pandémie a démarré.

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Que disent ces sportifs ? Leur témoignage est-il crédible ? Comment réagissent les autorités françaises ? Éléments de réponse.

Que disent ces sportifs ?

Tout commence le 25 mars dernier. Invitée de la chaîne locale Télévision Loire 7 pour évoquer le report des Jeux olympiques de Tokyo, la gendarme et championne du monde de pentathlon moderne Elodie Clouvel évoque son passage à Wuhan lors des Jeux mondiaux militaires, où elle concourait avec son compagnon Valentin Belaud et 279 autres sportifs français.

Je pense qu'avec Valentin, on a déjà eu le coronavirus. On a été à Wuhan pour les Jeux mondiaux militaires fin octobre-début novembre, et on est tous tombés malades.

Elodie Clouvel

sur Télévision Loire 7

"Il y a beaucoup d'athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades", poursuit la sous-lieutenante. "On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : 'Je pense que vous l'avez eu parce qu'il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades.'" L'entretien a depuis été supprimé par la télévision locale pour "préserver l'athlète stéphanoise", indique Télévision Loire 7.

Un membre de la délégation française joint mardi par BFMTV va dans son sens. Sous couvert d'anonymat, ce sportif dit avoir été fiévreux et avoir ressenti des courbatures qui l'ont "cloué au lit pendant trois jours sans pouvoir s'entraîner". Des symptômes qu'il avait interprété à l'époque comme un coup de froid. 

Pourquoi ces témoignages interpellent-ils ?

Parce qu'il est encore très difficile de retracer avec certitude la manière dont le virus a émergé en Chine, comme le rappelle Le Figaro (article payant). Le premier cas de Covid-19 avéré est daté du 1er décembre, selon une publication parue dans la revue scientifique britannique The Lancet. Mais d'après un rapport gouvernemental chinois cité mi-mars par le quotidien hongkongais South China Morning Post, un homme de 55 ans aurait été infecté dès le 17 novembre 2019.

Si la contamination de militaires ayant participé aux Jeux organisés à Wuhan entre le 18 et le 27 octobre était établie, cela signifierait que la circulation du virus a débuté bien plus tôt que ce qui était admis jusqu'à présent. 

Ce n'est toutefois pas la première fois que les Jeux militaires de Wuhan sont liés à l'émergence de l'épidémie, relève Le Parisien. Dans un tweet publié le 12 mars, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois avait laissé entendre que le nouveau coronavirus aurait pu avoir été introduit à Wuhan par la délégation américaine. Une manière d'induire que le Sars-CoV-2 n'était pas originaire de Chine mais des Etats-Unis, et de répondre à Donald Trump qui ne manque jamais de désigner le nouveau coronavirus comme le "virus chinois".

Ces possibles contaminations sont-elles crédibles ?

Interrogé par franceinfo, Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, estime que la piste d'une contamination dès le mois d'octobre est "tout à fait plausible". "Il est tout à fait possible que le virus circulait déjà à bas bruit, et que des cas soient en réalité apparus dans les quatre à six semaines, voire huit semaines, qui ont précédé", estime ce spécialiste.

D'autant que, même si la majorité des sportifs présents sur place n'ont pas eu de problèmes de santé, d'autres témoignages d'athlètes contribuent à semer le doute. Le site L'essentiel.lu rapportait ainsi fin avril les propos de membres de la délégation luxembourgeoise, qui, outre le cas d'un malade, se souviennent d'un "contrôle infrarouge de température corporelle à la descente de l'avion" ou encore du nettoyage quotidien et intensif des rues du village où ils résidaient. Cela laisse entendre que les autorités locales étaient au courant de la circulation du virus.

Un souvenir du tennisman français Harold Mayot pourrait également étayer les témoignages des militaires. Présent au Masters juniors de Chengdu en octobre, le joueur a raconté être tombé "malade comme [il] l'a très peu été dans [sa] vie" trois jours après son retour de cette ville distante de 1 000 kilomètres de Wuhan, et devenue également l'un des grands foyers de l'épidémie. "J'ai eu l'impression que c'était une énorme grippe. Je me réveillais en pleine nuit, j'avais des frissons, je transpirais beaucoup, j'avais un mal de crâne insupportable... J'avais comme l'impression d'avoir les poumons pris. Et puis, je l'ai refilé à pas mal de monde, mon père, ma belle-mère..." continue le jeune homme de 18 ans.

Que répond l'armée française ? 

Le ministère des Armées a d'abord intimé aux athlètes français concernés de ne plus répondre à la presse, indique Le Parisien. "Contractuellement, les athlètes doivent demander l'autorisation de s'exprimer au nom de l'armée sous peine que leur contrat soit cassé", indique un agent cité par le quotidien. "Après le témoignage d'Elodie Clouvel, ils ont reçu un mail leur demandant de renvoyer les journalistes vers le service communication".

Celui-ci dément en bloc toute contamination. Dans un communiqué reçu mercredi par franceinfo, le ministère des Armées indique qu'"il n'y a pas eu, au sein de la délégation française des Jeux mondiaux militaires d'été (JMME), de cas déclarés auprès du Service de santé des armées (SSA) de grippes ou d'hospitalisation pendant et au retour des JMME, pouvant s'apparenter, a posteriori, à des cas de Covid-19".

"Le premier cas de Covid-19 n'a été rapporté par la Chine à l'OMS, que le 31 décembre 2019, soit 2 mois après la fin des JMME", précise le ministère des Armées. "La délégation française a bénéficié d'un suivi médical, avant et pendant les Jeux, avec une équipe médicale dédiée composée de près d'une vingtaine de personnels" et "à ce jour et à notre connaissance, aucun autre pays représenté au JMME de Wuhan n'a par ailleurs rapporté de tels cas", conclut le texte.

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