Coronavirus : la piste d’une contamination pour des participants aux Jeux militaires de Wuhan en octobre "tout à fait plausible" estime un infectiologue
Le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris envisage comme "tout à fait plausible" la piste d’une contamination au Covid-19 pour des participants aux Jeux militaires de Wuhan (Chine) en octobre.
Plusieurs athlètes français ont révélé ces derniers jours avoir souffert des symptômes du nouveau coronavirus pendant ou après la tenue des Jeux militaires de Wuhan (Chine) en octobre dernier, auxquels ont pris part plus de 400 sportifs tricolores. Le ministère des Armées a démenti mercredi l’existence de "grippes ou d’hospitalisation" parmi les athlètes français pendant et au retour des Jeux militaires "pouvant s’apparenter, a posteriori, à des cas de Covid-19". Mais pour Éric Caumes, cela ne fait que très peu de doutes : "Les caractères de la maladie et des symptômes qui sont décrits" par les sportifs "font penser qu’il s’agit du Covid-19".
franceinfo : Des sportifs contaminés au Covid-19 en octobre dernier après avoir participé aux Jeux militaire en Chine, est-ce crédible ?
Éric Caumes : Ça me paraît tout à fait plausible. Vous avez bien vu qu'en France, on a eu notre premier cas officiel fin janvier. Ensuite, on s'est rendu compte il y a quelques jours que, finalement, le premier cas français est apparu fin décembre à l'hôpital de Bondy (Seine-Saint-Denis). Et si ça se trouve, on va trouver d’autres cas courant décembre. Donc, je ne suis pas très surpris qu'il se soit passé exactement la même chose à Wuhan. Le premier cas officiel a été recensé fin décembre en Chine. Mais en fait, il est tout à fait possible que le virus circulait déjà à bas bruit, et que des cas soient en réalité apparus dans les quatre à six semaines, voire huit semaines, qui ont précédé. Ce que décrivent les athlètes qui ont participé à ces Jeux militaires, il faut évidemment le confirmer scientifiquement. Mais ce sera assez facile à réaliser puisqu’il existe désormais un test sérologique qui permet d’obtenir un diagnostic rétrospectif de la maladie. Si ces sportifs sont testés positifs, il est très probable qu’ils aient attrapé le nouveau coronavirus à Wuhan.
Même plus de six mois après la tenue des Jeux militaires en Chine, peut-on avoir la preuve de cette contamination ?
Oui, il est très probable que les sérologies seront encore positives. Si on teste un ensemble d'individus qui, apparemment, ont été très nombreux à être tombés malades, beaucoup d'entre eux ont de grandes chances d’être testés positifs. En plus, les caractères de la maladie et ses symptômes qui sont décrits, font penser qu’il s’agit du Covid-19. Les athlètes évoquent une grosse grippe, parlent de transmission facile au sein du foyer familial. Sans compter le fait que plusieurs sportifs sont contaminés en même temps. Tout cela évoque autre chose qu'une banale grippe. En plus, j'imagine que ces athlètes ne sont pas partis en Chine au mois d’octobre sans s’être vaccinés contre la grippe, surtout à une période de transmission du virus grippal, puisque c'était la fin de l'automne et le début de l'hiver. Donc, tous ces facteurs mis bout à mis bout à bout expliquent qu'il s'agissait très probablement d'une circulation du nouveau coronavirus.
En quoi est-ce important pour les chercheurs de savoir que les premiers cas de contamination ont eu lieu en octobre et pas quelques mois plus tard ?
C'est important d'un point de vue scientifique, évidemment. Mais d'un point de vue médical, par rapport à ce qui se passe actuellement, ça ne changera rien. En étant volontairement provocateur, j’ai même envie de dire que ça n'a aucun intérêt. Ce qui nous intéresse, c'est de réussir le déconfinement avec un minimum de risque pour la population. Savoir si le virus a commencé à circuler en Chine en octobre ou novembre plutôt qu'en décembre, pour l'instant, ce n’est pas un point majeur de la discussion.
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