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Coronavirus : on vous explique pourquoi on peut être malade malgré un test négatif (même si les techniques sont efficaces)

La technique de test de biologie moléculaire (PCR) est fiable et maîtrisée. Une personne infectée pourra toutefois obtenir des résultats négatifs si le prélèvement naso-pharyngé n'est pas de bonne qualité ou si le virus a déjà migré dans les voies respiratoires profondes.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Un prélèvement réalisé au laboratoire CBM69 de Villeurbanne (Rhône), le 23 mars 2020. (JEFF PACHOUD / AFP)

Après des débuts poussifs, la France semble enfin décidée à augmenter la cadence dans le dépistage du coronavirus.  Alors que le nombre quotidien de tests biologiques (PCR) tournait encore autour de 5 000, il y a dix jours, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé une prochaine montée en régime, avec 25 000 à 30 000 tests quotidiens en fin de semaine et 100 000 au mois de juin.

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Pour autant, faut-il faire confiance aux résultats les yeux fermés ? La réponse tient davantage aux caractéristiques de la maladie qu'à la technique elle-même. Explications.

L'importance du geste lors du prélèvement

"La qualité du prélèvement, c'est 90% de la qualité d'un test", résume Bruno Pozzetto, chef du service de virologie au CHU de Saint-Etienne (Loire), où 300 dépistages du Covid-19 sont réalisés chaque jour. "Il faut enfoncer l'écouvillon jusque dans l'arrière-gorge, au-delà de la ligne des yeux. Il y a le risque de faire un peu pleurer le patient, de lui faire un peu mal, mais c'est presque un facteur de succès." Cette vidéo du New England Journal of Medicine montre toute la minutie requise pour effectuer ces prélèvements, fort désagréables pour le patient.

"C'est un geste technique, ajoute Nicolas Lévêque, chef du service de virologie du CHU de Poitiers. S'il est mal réalisé, il peut expliquer en bonne partie ce qu'on attribue par erreur à des "faux négatifs." La technicité de cette opération explique les réserves affichées par certains spécialistes face au développement des "drive-tests", pendant lesquels les personnes testées restent dans leur voiture. Mais Nicolas Lévêque n'est pas de cet avis. "Dans le département, ce sont nos collègues du laboratoire Bio 86 qui assurent ces prélèvements itinérants. Ces biologistes médicaux du privé ont l'habitude de ces gestes et j'ai toute confiance en eux."

Une trop faible charge virale ? Simple hypothèse

Ces prélèvements font ensuite l'objet de tests biologiques dits "PCR" (réaction en chaîne par polymérase) ou plutôt "rt-PCR ("rt" pour "transcription inverse", car une enzyme va au préalable convertir l'ARN du virus, s'il est présent, en ADN). A partir du prélèvement, ce génome du virus Sras-CoV-2 est alors amplifié pendant une quarantaine de cycles afin d'en obtenir une quantité facilement détectable. Plus le signal de l'infection apparaît tôt lors de la réaction d'amplification en chaîne, plus la charge virale initiale était forte. Et plus la charge virale était forte, plus le patient est contagieux.

Si la charge virale est trop faible chez le patient, par exemple au tout début de l'infection, est-il possible que le test soit négatif ? La question, à ce jour, n'a pas encore été tranchée.

"Les tests de biologie moléculaire PCR sont très sensibles et il faudrait vraiment que les charges virales soient très faibles, estime Nicolas Lévêque. Or, ce qu'on constate pour d'autres infections respiratoires, comme la grippe, c'est que la quantité de virus est importante dès le début. Ce n'est donc pas mon intuition même si je n'exclue pas cette hypothèse."

Des résultats négatifs quand la charge virale est trop faible ? Cela reste donc à prouver. Et même dans cette hypothèse, les tests PCR conserveraient tout leur intérêt épidémiologique. Un patient avec une charge virale infime, en effet, a moins de risque de transmettre l'infection. Le test permettrait donc toujours d'identifier les porteurs contagieux et donc de les placer à l'isolement.

De la même manière, ajoute le professeur de virologie, "il peut y avoir des différences de sensibilité entre différents kits de tests, mais je ne pense pas qu'un kit soit mauvais au point de passer à côté d'échantillons positifs".

A un stade avancé, il faut fouiller les bronchioles

A vrai dire, la principale difficulté n'est pas là. Si la qualité du prélèvement peut influencer le résultat, le timing du dépistage doit lui aussi être pris en compte. En effet, la localisation virale semble évoluer au cours de la maladie.

Dans une forme bien avancée de la maladie, c'est-à-dire après le cap du 7e ou 8e jour, l'infection entre dans les voies respiratoires basses.

Bruno Pozzetto, chef du service de virologie au CHU de Saint-Etienne

à franceinfo

A ce stade, le nasopharynx n'est plus la zone idéale pour prélever un échantillon. Il faut alors passer aux lavages broncho-alvéolaires, réalisés sous endoscopie. L'opération consiste à réaliser un écoulement de quelques dizaines de millilitres de sérum physiologique au fond des bronchioles. Les poumons sont lavés puis ce sérum est réaspiré avant d'être placé dans un pot stérile. "C'est le prélèvement le plus noble et propre pour tester une infection pulmonaire, explique Bruno Pozzetto, car on est sûr qu'il ne sera pas pollué par la flore bactérienne présente dans la nasopharynx, les trachées et le début des bronches."

La "migration du virus" explique que "des lavages bronco-alvéolaires [dans les bronchioles] peuvent donner des résultats positifs alors que les prélèvements à l'écouvillon donnent des résultats négatifs, ajoute le professeur. C'est d'ailleurs un phénomène déjà connu pour certaines grippes." Vincent Thibault, chef de service du laboratoire de virologie du CHU de Rennes, évoque également cet aspect sur France Bleu Armorique. "Nous faisons des prélèvements dans le nez mais on sait que le virus ne se trouve pas dans le nez à toutes les phases de la maladie."

Ça ne veut pas dire que le test n'est pas bon mais que nous recherchons le virus à un endroit où il ne se situe pas à toutes les phases de la maladie.

Vincent Thibault, du laboratoire de virologie du CHU de Rennes

à France Bleu Armorique

Un test négatif peut donc être lié à un dépistage trop tardif. Virologue au CHU de Lille, Anne Goffard livre même quelques estimations dans le quotidien La Croix. "Quand on prélève dans le nez, on trouve 40% de cas positifs" chez les patients suspects mais ce nombre atteint, selon elle, 80% chez les mêmes personnes "lorsqu'on prélève plus en profondeur". Ces patients, toutefois, sont déjà dans un état nécessitant une hospitalisation, voire une réanimation. La PCR réalisée à partir d'un échantillon broncho-alvéolaire officialise alors une infection qui ne faisait plus guère de doute.

"Le prélèvement nasopharyngé suffit dans 99% des cas"

"La détection des ARN viraux à partir de lavage broncho-alvéolaire est nécessaire pour le diagnostic et la surveillance des virus dans les cas graves"souligne une étude chinoise, encore en attente de relecture. L'endoscopie, toutefois, est une méthode difficile à généraliser et réservée aux patients les plus gravement atteints. Les auteurs de l'étude évaluent également la qualité d'autres prélèvements moins intrusifs, et soulignent la meilleure qualité des échantillons d'expectorations (entre 74,5% et 89% de résultats positifs) par rapport aux échantillons nasopharyngés (entre 53,5% et 73%) pour des tests PCR.

Il n'est toutefois pas si simple de recueillir ces expectorations. "Si on ne veut pas de crachat salivaire, il faut faire appel à un kinésithérapeute ou à un réanimateur quand le patient est intubé", souligne Nicolas Lévêque, qui estime que le "prélèvement nasopharyngé suffit dans 99% des cas pour les formes banales de la maladie, d'autant qu'il est plus simple à manipuler en laboratoire". En revanche, et "si le test est négatif malgré une forte suspicion d'infection, il faut peut-être aller plus loin". Au-delà du lavage broncho-alvéolaire, les radios et scanners des poumons peuvent accompagner le diagnostic.

Plus étonnant encore, enfin, un test peut être négatif même chez un patient placé en réanimation avec un syndrome de détresse respiratoire. La maladie semble en effet emprunter deux chemins : une saturation des poumons en virus ou, au contraire, leur inflammation en raison d'une trop vive réaction du système immunitaire. Dans ce dernier cas, et c'est tout le paradoxe, il n'y aura plus trace de virus, souligne Nicolas Lévêque. "La technique PCR est très bonne pour détecter, à condition qu'il y ait quelque chose à détecter."

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