Coronavirus : le monde de la culture interpelle l'exécutif pour qu'il aide le secteur à se relever après la crise
Alors que le monde de la culture estime être un grand oublié du plan de déconfinement du gouvernement, les professionels du secteur appellent à une aide pérenne afin de survivre à la crise sanitaire.
À la veille des annonces d'Emmanuel Macron en faveur du monde de la culture, durement touché pendant la crise du coronavirus, les artistes et les directeurs des établissements interpellent l'exécutif sur la nécessité de leur venir en aide afin qu'ils puissent se relever. "Si le président Emmanuel Macron n'a pas un geste vraiment fort" pour la culture "comme il l'a pour certaines catégories de sa politique, ce n'est pas la peine, ça ne sert à rien de parler", a affirmé Jean-Michel Ribes, metteur en scène et directeur du théâtre du Rond-Point à Paris, sur France Inter mardi 5 mai.
Au-delà d'une aide financière "substantielle" pour traverser cette période, Jean-Michel Ribes en appelle "une bonne fois pour toutes" à "une vraie politique culturelle, un axe". "Est-ce que c’est important ? Est-ce que cela fait partie des organes essentiels de ce pays ou pas ?", a lancé le directeur du théâtre du Rond-Point.
"Un risque de fermeture"
Le théâtre du Rond-Point possède trois salles de spectacle de 800, 180 et 90 places. Il est financé à 18% par l'État et 18% par la Ville de Paris. "L'aide des tutelles ne couvre pas le fonctionnement du théâtre", indique Jean-Michel Ribes. "Ce sont donc les recettes propres, la billetterie évidemment, et quelques aides qu’on a par-ci et par-là" qui permettent de couvrir les frais fixes, a-t-il expliqué.
C’est bien de dire que le dernier bateau de sauvetage aujourd'hui, c'est la culture. C’est vrai mais maintenant, il faut passer aux actes.
Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Pointà France Inter
La situation du théâtre des Bouffes du Nord à Paris inquiète aussi son co-directeur. Olivier Mantei a affirmé, mardi sur France Inter, que l'établissement était dans une "mauvaise situation", car "les frais fixes du théâtre sont couverts essentiellement par les tournées". Selon lui, "il y a un risque de fermeture" des Bouffes du Nord. "Comme il n'y a plus de tournée, plus d'activités, ce sont les frais fixes et les salaires qui sont remis en question", a-t-il expliqué.
Manque de subvention pour les théatres privés
Le théâtre des Bouffes du Nord est un théâtre privé. Il est subventionné en partie par l'État et la Ville de Paris, mais fonctionne à 85% avec des ressources propres. "Si on compare au fonctionnement de l'Opéra-comique [dont Olivier Mantei est aussi le directeur], les deux théâtres perdent de l'argent, mais l'Opéra-comique est un théâtre dont la subvention couvre les frais de fonctionnement", explique-t-il.
Même constat pour Jean Robert-Charrier, directeur du théatre de la Porte Saint-Martin à Paris. "On est dans une situation très difficile, car nous n’avons pas de subventions et nous sommes tous en train de racler les fonds de tiroir pour essayer de trouver de quoi payer les charges qui continuent de tomber, les loyers et les salaires", a-t-il expliqué sur France Inter mardi.
Cette crise révèle des inégalités entre les lieux.
Olivier Mantei, directeur du théâtre des Bouffes du Nordà France Inter
En cette période, le fonds de soutien au théâtre privé ne peut pas aider, selon Jean-Robert Charrier : "Il est alimenté par les représentations théâtrales donc s’il n’y a pas de représentations théâtrales, il n’y a pas de fonds de soutien du théâtre privé." Olivier Mantei, de son côté, estime que "de toute manière, comme pour les artistes et les techniciens, il y a des lieux qui sont suffisamment subventionnés pour passer la tempête et il y a ceux qui sont réellement en danger".
Une tribune pour lancer "un cri d'appel désespéré"
Pour alerter sur cette situation, une tribune a été publiée dans le journal Le Monde, jeudi 30 avril. C'est "un cri d’appel désespéré, pour dire que c’est la création elle-même qui meurt. Et c’est les gens qui autour sont en train de basculer au RSA, les uns après les autres", a indiqué Jeanne Balibar, mardi sur France Inter.
"Nous on dit, monsieur le président de la République, Nous avons des oreilles pour entendre que vous n'avez rien fait et nous avons des yeux pour voir que tous ces gens-là vont crever", a indiqué la comédienne et réalisatrice, à l’origine de la tribune. Selon elle, c’est "la survie des gens" qui est en jeu.
On n’a rien entendu pour tous les gens qui travaillent comme nous les artistes, d'un projet et d'un contrat à l'autre. On était complètement paniqué.
Jeanne Balibar, comédienne et réalisatriceà France Inter
Olivier Mantei pense que "les mesures sanitaires ne permettront pas de rouvrir avec le programme qui était prévu initialement". Selon lui, "il est primordial que l'on restaure un lien physique entre le spectateur et l'artiste. Il ne faut pas apprendre à vivre sans le spectacle vivant, c’est totalement mortel. C'est comme de boire. Si vous apprenez à ne plus boire, à un moment donné, vous n'avez plus soif".
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