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Coronavirus : dans les hôpitaux franciliens sous-équipés, on craint des "dégâts psychologiques" chez les soignants

L'impact psychologique des nombreux décès liés au Covid-19 et le stress dû aux mauvaises conditions de travail inquiètent beaucoup de soignants franciliens.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Du personnel soignant prend en charge un patient Covid-19 à l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne), le 3 avril 2020.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Les dégâts psychologiques après vont être importants" : dans les hôpitaux d'Ile-de-France, où la vague de Covid-19 n'est pas encore retombée, le manque de matériel et la surmortalité des patients pèsent sur le moral des soignants, qui combattent l'épidémie tant bien que mal, s'est inquiété auprès de l'AFP le professeur Yves Cohen, chef du service réanimation de l'hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis), dimanche 5 avril. 

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Il redoute déjà "la fin de la crise", quand "les soignants risquent de décompresser", après s'être sur-investis. Dans son département, la Seine-Saint-Denis, la mortalité a bondi de 63% entre le 21 et le 27 mars par rapport à la semaine précédente. Même si tous ne sont pas morts à l'hôpital, l'impact psychologique des nombreux décès liés au Covid-19 inquiète beaucoup de soignants franciliens.

"Vous en avez beaucoup qui craquent"

Sébastien Point, secrétaire Sud-santé à l'hôpital de Versailles, évoque "la détresse psychologique des collègues qui doivent fermer les blouses mortuaires quand le patient s'en va". "Même en réa, ils ont beau être préparés, c'est dur", confie-t-il.

"Vous en avez beaucoup qui craquent, beaucoup qui sont en larmes", décrit Nathalie (prénom modifié), infirmière au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Depuis le déclenchement de la crise, elle dort mal la nuit et souffre de brûlures d'estomac. Dans son équipe, neuf de ses collègues ont contracté le coronavirus. Pour elle, "les dégâts psy vont être importants". "Les étudiants, j'en parle même pas", ajoute-t-elle. "Je pense qu'il va y avoir des abandons de formation. On les balance dans la gueule du loup, ils ont 19 ans, ils ne sont pas préparés", dit craindre cette infirmière.

Un stress dû aussi aux conditions matérielles

Le manque de matériel, partout rationné, accentue le stress ressenti par les personnels soignants. Ils assurent manquer de tout, et en particulier de sur-blouses, indispensables pour prendre en charge les patients. "Dans mon service, on arrive au bout du stock dans un ou deux jours peut-être", estime Cathy Le Gac, infirmière en réanimation à l'hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine). Au-delà, aucune visibilité, donc "on nous demande de les réutiliser" alors qu'elles sont à usage unique, raconte-t-elle. A Versailles, certains soignants se sont confectionnés des protections artisanales avec des sacs poubelles. "Tout est fait de bric et de broc, tout est sur du flux tendu", s'énerve Cathy Le Gac.

"On n'est pas des militaires, on est des soignants, on n'a pas signé pour ça, pour risquer notre vie", surenchérit Sébastien Point.

Dans ce contexte, les hôpitaux d'Ile-de-France continuent de faire face. L'arrivée de 400 médecins et infirmiers d'autres régions pour venir prêter main forte à leurs collègues franciliens a fait du bien. Tout comme les évacuations de patients vers d'autres régions moins touchées.

Pour autant, les personnels hospitaliers s'attendent encore à de longues semaines de combat. "Je ne comprends même pas qu'on parle du déconfinement, ça continue d'arriver constamment", insiste Nathalie, qui se demande toujours "quand tout ça va s'arrêter".

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