Coronavirus : comment le bilan des morts en Ehpad est-il effectué ?
La première estimation officielle a été donnée jeudi. Au moins "884 décès de personnes âgées" liées au Covid-19 ont été recensés en Ehpad, selon le directeur général de la santé, Jérôme Salomon.
Ces chiffres étaient guettés depuis longtemps. Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a fourni, jeudi 2 avril, un premier bilan, provisoire et partiel, des morts liés à l'épidémie de coronavirus dans les établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad).
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Au moins "884 décès" y ont été recensés et 14 638 cas "confirmés ou possibles" y sont enregistrés. Mais ce chiffre est encore "provisoire", "partiel" et "non consolidé", selon le ministère de la Santé. Explications.
D'où vient ce bilan ?
Zone grise depuis le début de l'épidémie, les morts dans les Ehpad étaient jusqu'à présent exclus du décompte officiel, qui ne prend en compte que les victimes décédées à l'hôpital. Mais la réalité a contraint le ministère de la Santé à revoir ses indicateurs, tant les nouvelles catastrophiques s'accumulent. Ainsi, 24 personnes sont mortes à l'Ehpad La Riviera de Mougins (Alpes-Maritimes), selon un bilan établi jeudi 2 avril.
Pour mieux cerner l'avancée de la maladie dans ces établissements, la direction générale de la santé (DGS) leur a demandé, depuis le 28 mars, de faire remonter les informations via le portail de signalement des événements indésirables. De quelle façon les directeurs d'Ehpad s'y prennent-ils ? Ils doivent "remplir un questionnaire en déclarant les cas et l'état de santé des personnes touchées, puis l'agence Santé publique France centralise les données", explique la DGS.
Pourquoi est-il partiel ?
"L'ensemble des établissements de type Ehpad n'a pas remonté la totalité des cas et des décès (…) Les données sont donc toujours en consolidation", a prévenu le directeur général de la santé lors de son point quotidien du jeudi 2 avril. "Il s'agit d'un premier chiffre partiel, avec de grandes inégalités dans le recueil entre régions, et un travail important est en cours pour regrouper l'ensemble de ces données", a-t-il souligné.
Mais elles fournissent néanmoins un premier tableau. L'agence régionale de santé du Grand Est, la région la plus touchée avec l'Ile-de-France, estime ainsi que "570 personnes âgées décédées sont en lien possible avec le Covid-19. Il s'agit de données cumulées depuis le début de l'épidémie sur la base des déclarations des Ehpad." Le Haut-Rhin, un des premiers foyers de contamination en France, comptabilise à lui seul 314 de ces décès.
Ce nombre est-il agrégé aux autres morts ?
Non, ces données "non consolidées" restent moins fiables que celles remontant des hôpitaux, où les patients déclarés morts des suites de l'épidémie ont tous été testés. Tel n'est pas le cas dans les Ehpad. La consigne du ministère de la Santé est toujours de ne tester que les deux premiers malades avec symptômes dans un établissement, les autres étant ensuite présumés contaminés s'ils présentent les signes de la maladie.
Aussi le nombre de décès déclarés dans les Ehpad est-il "un chiffre qu'il faut manier avec précaution car [seules] deux personnes sont testées dans ces établissements. Tous les décès ne sont donc pas forcément liés au Covid", observe l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, interrogée par franceinfo. Elle avait déjà fait la même remarque le 27 mars : "On ne peut pas dire si les personnes âgées décédées dans un Ehpad sont réellement mortes de la maladie, puisqu'elles n'ont pas été testées, hormis les deux premières."
Existe-t-il des données fiables et consolidées ?
"Seules les données agrégées, redressées et consolidées par Santé publique France font foi", explique encore l'agence régionale de santé d'Ile-de-France. "Santé publique France dispose d'une surveillance de la mortalité toutes causes, s'appuyant sur les déclarations de décès transmises à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui permet, en comparaison avec les données historiques, de détecter un excès de mortalité et, le cas échéant, d'en estimer l'ampleur."
Encore faut-il être patient : "Les circuits de transmission de ces données, liés essentiellement au délai de déclaration du décès et de saisie des informations par le bureau de l'état-civil, nécessitent d'attendre au moins deux semaines pour estimer l'excès de mortalité survenu une semaine donnée."
Que ressort-il, à cette aune, du dernier bulletin épidémiologique publié le 2 avril par Santé publique France ? L'agence note qu'"en semaine 12 (du 16 au 22 mars 2020), la mortalité toutes causes confondues au niveau national est significativement supérieure à la mortalité attendue sur cette période (...) et particulièrement marquée dans la région Grand Est, notamment dans le département du Haut-Rhin."
Les personnes âgées de 65 ans ou plus sont majoritairement concernées par cette hausse de la mortalité, ainsi que les adultes de 15-64 ans dans la région Ile-de-France.
Santé publique Francedans un communiqué
Mais il est encore trop tôt pour savoir quelle part en revient à la pandémie : "Du fait des délais habituels de transmission des décès par les bureaux d'état-civil, les données sont encore incomplètes et seront consolidées dans les prochaines semaines, précise Santé publique France dans son bulletin. Les estimations d'excès de mortalité observées sont donc des valeurs minimales ayant vocation à augmenter dans les semaines à venir. La hausse de la mortalité observée dans ces régions est probablement liée à l'épidémie de Covid-19, sans qu'il soit possible d'en estimer la part attribuable à cette date."
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