Risques avant 30 ans, différence avec les UV naturels... On répond à 5 questions sur les effets des cabines de bronzage
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a demandé mercredi "aux pouvoirs publics de prendre toute mesure de nature à faire cesser l'exposition de la population aux UV artificiels", devant le risque de cancer "avéré".
Les cabines de bronzage une nouvelle fois priées de rester à l'ombre. Dans un communiqué diffusé mercredi 10 octobre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire recommande "aux pouvoirs publics de prendre toute mesure de nature à faire cesser l'exposition de la population aux UV artificiels", devant le risque de cancer "avéré". L'Anses va même plus loin, en demandant aussi l'arrêt de la vente de ce type d'appareils à des particuliers. Une annonce qui vous a fait réagir sur franceinfo. Nous avons répondu à vos questions.
Mais on connaissait déjà les risques liés aux UV artificiels, non ?
Vous avez raison, les risques de cancer de la peau sont établis de longue date en cas d'exposition aux ultraviolets (UV). Selon les chiffres publiés cet été par l'Institut national du cancer, le nombre de nouveaux cas de cancers cutanés "a plus que triplé entre 1980 et 2005". Près de 80 000 cancers de la peau sont diagnostiqués chaque année en France. Depuis 2009, l'ensemble des spectres des rayons UV et les appareils de bronzage sont classés comme "cancérogènes certains" par le Centre international de recherche sur le cancer (qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé). L'Anses a fait le calcul : en 2015, "382 cas de mélanomes pouvaient être attribués à l'exposition aux appareils de bronzage" chez les adultes de plus de 30 ans en France.
Les ultraviolets présentent également des risques pour l'œil, tels que la dégénérescence maculaire ou la cataracte précoce. L'exposition répétée aux UV (et particulièrement aux UVA, ceux émis par les cabines de bronzage) s'accompagne, après dix à vingt ans, de l'apparition de taches, de rides et d'un amincissement de la peau, souligne l'Anses.
Voilà pourquoi "on recommande l'arrêt de l'activité liée au bronzage artificiel, et aussi l'arrêt de la vente d'appareils délivrant des UV à visée esthétique, notamment aux particuliers", explique Olivier Merckel, le chef de l'unité d'évaluation des risques aux agents physiques à l'Anses, qui a suivi cette expertise.
Dois-je vraiment avoir peur si j'ai testé une cabine de bronzage, une fois, avant mes 35 ans ?
Selon l'agence, "les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l'âge de 35 ans augmentent de 59% le risque de développer un mélanome cutané". Beaucoup plus rare que le carcinome, le mélanome est le cancer de la peau le plus grave, en raison de sa capacité à se propager rapidement à d'autres parties du corps.
Pour autant, "inutile de vous inquiéter si vous avez testé une fois une cabine de bronzage avant 35 ans, rassure le photobiologiste Jean-Pierre Césarini, interrogé par franceinfo. Il n'y a rien d'alarmant, à condition de ne pas avoir pris de coup de soleil dessous." En clair, ce qui est dangereux, "c'est l'accumulation", car "les rayons artificiels ne remplacent pas le soleil naturel, ils s'additionnent." Et contrairement aux idées reçues, "l'exposition aux UV artificiels ne prépare pas la peau à l'exposition solaire et ne protège pas des coups de soleil ", avertit l'agence sanitaire.
Les gens ont un peu oublié, ils foncent dans les cabines sans connaître les risques.
Jean-Pierre Césarini, photobiologisteà franceinfo
Il me semblait que les UV servaient à soigner la jaunisse. Qu'en est-il ?
Attention à ne pas confondre UV et photothérapie. Lorsqu'un enfant a la jaunisse, également appelée "ictère du nouveau-né", son taux de bilirubine, un colorant, est trop élevé et peut devenir dangereux. Pour le faire baisser ou disparaître, le bébé peut être traité à l'aide d'une lumière bleue intense. Mais elle ne contient pas de rayons ultraviolets. Il existe différents appareils de photothérapie qui varient en intensité de lumière, donc en rapidité d'action, précise le Centre national de référence en hémobiologie périnatale. Jean-Pierre Césarini ne dit pas autre chose : "Dans cette lumière bleue, les UV ont été coupés."
Pourquoi les UV artificiels sont-ils pires que les rayons du soleil ?
Là aussi, il y a méprise. "Ce n'est pas que les rayons artificiels soient plus dangereux, corrige Jean-Pierre Césarini, mais c'est qu'ils viennent s'ajouter aux rayons naturels."
Une séance de dix minutes dans une cabine de bronzage correspond à une exposition de même durée, sans protection solaire, sur une plage du sud de l'Espagne.
Jean-Pierre Césarinià franceinfo
D'ailleurs, "contrairement à ce que beaucoup pensent, les rayons artificiels pénètrent aussi loin dans la peau que les rayons naturels, prévient le médecin. Tous les deux sont reconnus comme cancérogènes." En revanche, l'exposition à ces UV provoque des lésions sur l'ADN à des doses inférieures à celles déclenchant le coup de soleil, alors que l'utilisateur peut ressentir, à tort, un sentiment de sécurité dû à l'absence de véritables rayons.
Pourquoi les cabines de bronzage ne sont-elles pas déjà supprimées ?
Pas si facile... "Il y aurait une conséquence économique terrible", a réagi sur franceinfo Régine Ferrère, présidente de la Confédération nationale de l'esthétique et de la parfumerie (CNEP), dont dépend le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine.
Il n'y a aucune preuve. Tout le monde sait que l'excès de bronzage, l'accumulation de bronzage naturel et du bronzage artificiel peut être à l'origine de cancers de la peau, mais il faut arrêter de taper sur le bronzage en cabine, qui a un effet positif.
Régine Ferrère, du CNEPà franceinfo
Régine Ferrère ne donne donc aucun crédit aux nombreuses études scientifiques qui prouvent, au contraire, que les rayons ultraviolets artificiels sont, comme les UV naturels, cancérogènes. Le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine est sur la même longueur d'onde : il estime que l'étude de l'Anses "ne repose sur aucune donnée scientifique fiable". Il met surtout en avant l'enjeu économique. Et rappelle dans un communiqué que le secteur du bronzage en cabines génère 10 500 emplois directs et indirects en France. C'est donc autant de personnes qui pourraient se retrouver au chômage –ou qu'il faudrait reconvertir en cas d'interdiction.
Interdiction dont nous sommes encore loin. En 2014, l'Anses recommandait déjà l'arrêt de "de tout usage commercial du bronzage par UV artificiels". Mais son avis n'avait pas été suivi par le gouvernement. "La nocivité de l'exposition aux rayons UV est avérée et l'augmentation des mélanomes doit nous conduire à agir. Mais faut-il interdire ?" se demandait Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, devant le Sénat. A l'époque, elle s'était contentée de rappeler le cadre légal qui encadre la pratique, tout en s'opposant à l'interdiction "complète" des cabines de bronzage. Des pays ont toutefois déjà franchi ce pas : c'est le cas du Brésil et de l'Australie.
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