Sénégal : la société civile appelle à une grande manifestation pour sauver l'élection présidentielle

Une manifestation aura lieu mardi 13 février à Dakar, contre le report de l'élection présidentielle, initialement prévue le 25 février. Les opposants au président Macky Sall, qui a reporté le calendrier au 15 décembre, se mobilisent alors qu'il y a des tensions depuis dix jours et que trois manifestants ont déjà trouvé la mort.
Article rédigé par Nathanaël Charbonnier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des manifestants affichent une banderole qui demande le retour du calendrier des élections prévues le 25 février. (JEROME FAVRE / MAXPPP)

C'est une journée à haut risque qui s'annonce, mardi 13 février, car elle arrive après 10 jours de tension dans le pays. Le 3 février 2024, le président Macky Sall a annoncé le report de l'élection présidentielle, qui était fixée initialement le 25 février. Cette annonce a pris tout le monde de court et a été depuis entérinée par l'Assemblée nationale, qui l'a reportée au 15 décembre 2024. L'Assemblée a aussi voté le maintien au pouvoir de Macky Sall jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Son deuxième mandat expirait officiellement le 2 avril.

Depuis, la contestation ne s'est pas arrêtée. Vendredi dernier, l'ensemble du pays a été secoué par une contestation d'ampleur, réprimée par les forces de sécurité. Celles-ci ont dispersé le moindre rassemblement en tirant des gaz lacrymogènes. Ce week-end un drame est venu s'ajouter aux tensions, avec la mort d'un lycéen qui manifestait dans le sud du Sénégal, portant à trois le nombre de tués depuis le début de la crise.

Une tension qui ne faiblit pas depuis 2021

Un nouveau temps fort est attendu mardi avec cette manifestation lancée par un collectif de la société civile, Aar Sunu Election, qui signifie "Protégeons notre élection". Le pays est très tendu depuis de nombreuses années. La question de la présidentielle est au cœur des débats depuis des années. Déjà en 2021, lors des émeutes, la question était sur les lèvres de nombreux Sénégalais. L'année dernière, à nouveau, le pays s'est enflammé sur le même sujet.

L'inquiétude étreint tout le monde, les Sénégalais, l'opposition et également la diaspora, avec des manifestations qui ont drainé quelques milliers de personnes à Paris et Berlin. Les partenaires internationaux du Sénégal sont également très attentifs. Dimanche, l'Union européenne a présenté ses condoléances aux proches des défunts morts dans les manifestations et elle a appelé les autorités à "garantir les libertés fondamentales".

Pour mémoire, il faut savoir que depuis le début de la contestation le pouvoir a coupé par moments l'internet mobile. Elle a aussi coupé le signal de chaînes de télévision et limité la liberté de la presse si bien que la coordination des associations de presse a appelé au boycott systématique de toutes les activités gouvernementales. Une veillée sur le thème de la liberté de la presse doit avoir lieu également ce lundi 12 février au soir devant la maison de la presse de Dakar.

Un fossé entre les générations

Au Sénégal, 75% de la population a moins de 35 ans et une majorité de ces jeunes sont prêts à en découdre dans la rue pour dire leur colère. En 2021, c'est elle qui était déjà descendue dans les rues, c'est elle qui s'en était prise aux symboles français et c'est elle qui avait fait trembler le pouvoir.

L'attitude de la jeunesse sera d'autant plus observée qu'elle ne répond plus aux codes de ses parents et grands-parents. Quand vous êtes au Sénégal, vous pouvez parler à de vieux Sénégalais, qui vous expliquent qu'ils sont Français, car ils sont nés avant l'indépendance de 1960. Ils vous le disent dans un français impeccable. Ils sont à l'opposé de cette jeunesse qui n'a aucune considération pour la France, qui ne parle plus le français et qui n'a qu'une envie, celle de passer à autre chose.

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