Nouveau tir de missile de la Corée du Nord : un message de Pyongyang à la communauté internationale, mais aussi à usage interne
La Corée du Nord a procédé à un troisième tir de missile ce mois-ci, au large de la côte est. La France et les États-Unis condamnent, tandis que Séoul s’inquiète et tente de décrypter les signaux contradictoires envoyés par son voisin du nord.
Une fois de plus le chef suprême de la Corée du Nord montre sa propension à jouer de l’ambiguïté. Ce tir de missile de courte portée qui a fini sa course en mer tôt mardi 28 septembre au matin intervient en effet après des propos d’ouverture tenus par la sœur de l'homme fort de Pyongyang : Kim Yo-jong. Cette conseillère que l'on dit influente avait en effet déclaré durant le week-end qu'une "compréhension fluide" entre le Nord et le Sud de la péninsule était à portée, évoquant même un sommet intercoréen, voire une déclaration mettant fin à la guerre.
L’alliance Aukus comme prétexte
Les deux Corées sont en effet "techniquement" toujours en guerre. Le conflit intercoréen s'est certes achevé en 1953, mais par une trêve. Aucun traité de paix n'a depuis été signé. Cela fait donc plus d’un demi-siècle que les deux parties de la péninsule coexistent dans cet environnement volatile et fragile et que la Corée du Sud rêve que la hache de guerre soit officiellement enterrée. Le Nord le sait bien et joue sur les nerfs du Sud en soufflant le chaud et le froid. De fait, peu après cette petite main tendue, les missiles sont venus rappeler la nature belliqueuse du régime nord-coréen. Dans la foulée, son ambassadeur à l'ONU expliquait devant l'assemblée générale que son pays avait le droit "légitime" de tester des armes et de renforcer ses capacités de défense.
En fait, la Corée du Nord joue sur du velours depuis l'annonce d'une alliance stratégique entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume uni (Aukus) dans la région et surtout cette vente de sous-marins à propulsion nucléaire à Canberra. Pyongyang n'a pas hésité à agiter le risque de prolifération nucléaire dans la région indopacifique et y voit une justification pour renforcer son arsenal face à ce que le représentant nord-coréen à l'ONU qualifie de "volonté hostile" des États-Unis qui ont 28 000 soldats basés au sud et de "politique hostile" de la Corée du Sud. Ce tir est d'ailleurs le troisième effectué par la Corée du Nord ce mois-ci, après, notamment, le tir de missiles de croisière à longue portée.
La fierté nationale
Mais la stratégie affichée par les États-Unis qui ont fait de cette région la priorité en matière de politique étrangère ne saurait être la seule raison de ces nouveaux tirs. Elle peut même faire figure de confortable prétexte. Bien sûr, la présence américaine inquiète toujours un régime paranoïaque mais, quoi qu’il arrive, Pyongyang n'arrêtera pas ses tirs de missiles de sitôt. D'abord, parce que Kim Jong-un a considérablement développé son arsenal et qu'il lui faut procéder à des tests pour s'assurer de la fiabilité de ses armes. Ensuite, parce qu'il estime qu'il vaut mieux arriver à la table des négociations, quand elles auront lieu, en position de force afin d’être pris au sérieux. D’autant que si la Corée du Sud n'a pas l'arme nucléaire, son allié américain en dispose.
Enfin, c'est un point à ne pas négliger, parce que ces tirs permettent aussi à Kim Jong-un d'affirmer en interne la puissance de l'Etat. On sait que la pandémie a encore accru les difficultés de sa population très pauvre, toujours au bord de la famine. Le régime est isolé encore davantage par la fermeture de sa frontière avec la Chine en raison de la pandémie et par l'échec des pourparlers avec les Etats-Unis. Pyongyang joue ainsi sur la corde de la fierté nationale. Ces tirs de missiles qui inquiètent légitimement la communauté internationale sont donc à usage également domestique.
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