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Les 30 ans du SMS : "Un des grands enjeux, c'est de démocratiser et de sécuriser le monde du numérique" souligne Jean Viard

Qu'a changé le SMS dans nos vies ? Le premier "Short Message Service", en anglais, a été envoyé il y a 30 ans, le 3 décembre 1992.

Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le texto "Merry Christmas" avait été envoyé le 3 décembre 1992.  (AGUTTES.COM)

Nous sommes aujourd'hui le samedi 3 décembre 2022, 30e anniversaire du premier SMS (short message service). Le premier message écrit a en effet été envoyé le 3 décembre 1992 par un ingénieur en informatique, à l'un de ses collègues, et ça a changé notre vie. Ce premier SMS de l'Histoire a été estimé à 200 000 euros et mis aux enchères mardi 21 décembre à Paris, à travers un "NFT", un certificat d'authenticité numérique. On en parle avec le sociologue Jean Viard.

franceinfo : Ces SMS, même s'ils sont aujourd'hui petit à petit remplacés par des applications de messagerie, c'est un vrai moment clé dans notre communication ?

Jean Viard : Oui, ça fait penser à la société de l'essence qu'on a mis en place après 1945. La question est : comment les hommes communiquent avec les hommes, dès qu'on s'est tous mis à se déplacer avec de l'essence, que ce soit la mobylette, la voiture, l'avion, etc. Et puis effectivement l'invention du SMS il y a 30 ans, Twitter en 2006, et la grande pandémie. La grande pandémie, c'est le triomphe du numérique sur toute la planète, du triomphe du lien numérique sur les autres liens, et notamment évidemment sur le pétrole. C'est aussi la concurrence lien numérique, pétrole, pollution, etc. 

C'est vraiment une révolution ce SMS, et puis ensuite Internet, on s'y est mis assez vite, presque tous ?  C'est une révolution qui s'est fait très vite...

Oui, et c'est pour ça que je cite toujours la date de création de Twitter, parce que 2006, c'était hier, on était déjà là, et on s'y est adapté. Et d'ailleurs, il faut faire attention, les gens âgés souvent ont fait de gros efforts et utilisent aussi beaucoup le numérique. Mais après les jeunes, ils sont nés avec. Ils lisent un livre, et après ils vont sur le numérique parce que le numérique a aussi remis la lecture au cœur du lien. Et ça, c'est très important parce qu'on était dans des sociétés où on était un peu perplexe sur le rapport des jeunes à la lecture.

Donc, les jeunes vivent dans un monde numérique, tous leurs liens sont numériques, et c'est ça qu'il faut comprendre. L'autre jour, j'étais dans une réunion avec le patron de la Comédie-Française et je lui disais oui, vous avez vu depuis que vous avez mis vos spectacles sur le numérique, peut-être qu'il y a des jeunes qui vont venir dans la salle. 

Ces communications permanentes, est-ce qu'elles ne risquent pas de détruire nos communications physiques ? 

Alors deux choses, d'abord, les études qu'on a disent le contraire. Il y a des gens très intégrés dans la société, qui sont très numériques et qui rencontrent beaucoup de monde. Et puis, il y a des gens très marginalisés, qui rencontrent peu de monde et qui sont peu numériques. Un des grands enjeux, c'est de démocratiser le numérique.

On l'a bien vu pendant la pandémie : quand on disait au gamin : fais tes devoirs sur ton ordinateur, c'est bien mignon mais dans plein de quartiers populaires, il n'y a pas d'ordinateur. Donc, il y a un grand problème, c'est de démocratiser le numérique parce qu'en réalité, le danger pour l'instant, c'est la séparation entre les gens qui sont dans le monde numérique et les gens qui n'y sont pas.

La majorité des gens ont déjà un téléphone portable, presque 80% je crois, il faut dire ça. Après, sur le lien numérique, ce qui est original, c'est qu'on est égaux. Quand j'échange avec quelqu'un, on est égaux. Si je discute avec un patron ou si un patron discute avec moi, nous sommes égaux. Donc c'est une société du lien horizontal qui prime sur le lien vertical hiérarchique de la politique, de l'Église, et bien sûr du travail. Et ça, c'est fondamentalement un changement.

Par exemple actuellement, il y a 25% des gens qui sont en télétravail, donc ça veut dire qu'ils échangent par le lien numérique dans leur entreprise. Quand ensuite ils se rencontrent dans l'entreprise, les liens hiérarchiques anciens sont devenus des liens d'égalité. Et là, il y a un bouleversement absolument gigantesque. Le monde du travail est complètement transformé par cette recherche de lien horizontal, le lien d'égalité, et les entreprises qui n'y arrivent pas perdent leurs salariés.

Donc, on est là dans un bouleversement du lien qui est un respect de la personne, avec le danger de la crise profonde de la démocratie, parce que la question de la confiance dans l'information va être le grand sujet du numérique. Regardez ce qui se passe avec Twitter, regardez comme les Américains risquent de casser les GAFAM. Une des grandes questions du XXᵉ siècle, c'est de sécuriser le monde du numérique, comme on a sécurisé la presse écrite déjà.

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