Taiwan : un mouvement #MeToo émerge, la culture du silence recule

Depuis fin mai, l’île est secouée par des scandales de harcèlements et d’agressions sexuelles. Politiciens, artistes, acteurs et autres personnalités influentes sont mises en cause par des victimes qui ont décidé de rompre le silence.
Article rédigé par Aurélien Colly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Chen Chien-Jiou a publié fin mai sur Facebook le récit de l'agression sexuelle par un réalisateur de télé à Taiwan. (SAM YEH / AFP)

C’est une jeune femme de 22 ans qui est à l’origine de ce vaste mouvement de libération de la parole. Collaboratrice du parti au pouvoir, le Parti démocrate progressiste (DPP), Chen Chien-Jiou a publié fin mai sur Facebook le récit de l'agression sexuelle qu'elle a subi au sein même du DPP par un réalisateur de télé employé aussi par le parti. Devenu viral sur les réseaux sociaux, son témoignage a secoué la société taiwanaise et tout le parti au pouvoir, jusqu'à la présidente de Taiwan qui s'est excusée publiquement.

Culture du silence

Dans la foulée, des centaines d’accusations de violences sexuelles ont émergé, mettant en cause des acteurs, artistes, hommes d’affaires, politiciens ou professeurs. Un #MeToo made in Taiwan qui submerge l’île, réputée pour être l'une des démocraties les plus progressistes d'Asie, régulièrement mise en avant pour ses avancées en matière d'égalité hommes-femmes.  

Dans les faits, Taïwan reste largement dominé par les hommes. Si la présidente est une femme, le monde politique est composé à 80% par des hommes. Idem dans le monde du travail, où quatre victimes sur cinq n'osent d’ailleurs pas porter plainte, selon une étude du ministère taiwanais du travail. Cette omerta serait due à la "culture traditionnelle chinoise" qui imprègne encore la société, selon des militantes des droits des femmes. Culture très stricte, conservatrice, où la priorité est de ne pas créer de problèmes et de ne pas faire de vagues, plutôt d’endurer en silence.

Enjeux politique et géopolitique

Grâce au témoignage de Chen Chien-Jiou, à l’intervention de la présidente elle-même, à la réaction rapide de son parti, la parole s’est libérée. Cette semaine, la législation a été renforcée avec notamment des peines plus lourdes pour les auteurs, une prescription plus longues pour les victimes et des procédures spécifiques dans le monde travail où il y a rapport hiérarchique. 

À quelques mois de l’élection présidentielle, le DPP, par qui est arrivé le scandale, a aussi tout intérêt à être proactif car la jeune génération est beaucoup plus sensible sur ces sujets. Sans oublier une dimension géopolitique : Taïwan veut cultiver son image de démocratie progressiste, face à la Chine voisine, autoritaire et conservatrice.

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