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Témoignages
Inégalités hommes - femmes : "Si j'étais un homme, je n'aurais pas le même salaire actuellement", dénonce une cadre de l'industrie pharmaceutique
À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, franceinfo se penche sur la persistance des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. "Une anecdote qui serait inadmissible aujourd'hui, je sors fraîchement diplômée, je candidate pour un poste de cheffe de produit internationale, je vais en sélection finale, je n'ai pas le poste, j'appelle et je demande à ce qu'on m'explique pourquoi, on me répond : 'Parce que vous êtes une femme'", témoigne mercredi 8 mars sur franceinfo, Corinne Hardy, responsable des opérations chez Sanofi dans l'industrie pharmaceutique, sur son vécu des inégalités hommes/femmes.
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Le sujet qui cristallise ces inégalités, c'est que les femmes continuent de toucher des salaires inférieurs aux hommes. Il y a une différence de 24 % de moins en moyenne dans le secteur privé selon les derniers chiffres de l'Insee datant de 2021. Et même à poste comparable, même profession, même employeur, la différence est de 4 %.
"Très sincèrement, avec ce que je suis, mes compétences, si j'étais un homme, je n'aurais pas le même salaire actuellement. Et je suis persuadée que c'est le cas pour mes collègues."
Corinne Hardyà franceinfo
A 60 ans, Corinne Hardy est bien informée : elle a fondé l’alliance pour la mixité en entreprise qui rassemble les grandes entreprises françaises sur cette question de l’égalité. "Si on prend le pourcentage de femmes qui dans les 120 plus grandes entreprises françaises sont dans des postes opérationnels, c'est-à-dire responsables d'une filiale, de la fabrication, des produits, elles ne sont que 3%. Les écarts salariaux sont une partie de ce problème qui est plus un indicateur de problème de gouvernance", argumente-t-elle.
L'accès aux postes les mieux rémunérés est une question-clé
Et cette question se pose dans tous les secteurs, notamment dans le métier d’avocat. Là aussi, les obstacles pour les femmes sont nombreux avec souvent pas mal de préjugés. "Elle est enceinte, elle va moins s’investir...", voilà le genre de phrases qu'Olivia Heilpern, avocate à Lyon, a pu entendre à propos de jeunes consœurs. L’arrivée des enfants peut freiner les carrières, et, en particulier, lorsque les postes d’associés sont en jeu, note-t-elle. C'est le cas "notamment au sein de gros cabinets, assure Olivia Heilpern. Très souvent, on va avoir beaucoup plus de collaboratrices que de collaborateurs. En revanche, quand on va arriver aux postes d'associés, la tendance va s'inverser, parfois 80% d'hommes et 20% de femmes, alors qu'on va avoir l'inverse au stade des collaborateurs : 80% de femmes et 20% d'hommes", dénonce-t-elle.
"Peut-être que ça se manifeste à des périodes de vie, entre 30 et 35 ans, ça va être l'âge où on va avoir les enfants en bas âge, peut-être que ça s'explique par ce biais. Finalement, une fois que les enfants ont grandi la femme va rester au stade de collaboratrice", regrette l'avocate lyonnaise. Pour avancer et répondre à ces aspirations, Olivia Heilpern a fini par monter son propre cabinet, avec une avocate trentenaire comme elle. Aux manettes de leur structure, elles sont sorties de cette logique de promotion ou plutôt de non-promotion.
Il y a un autre biais qui défavorise les femmes : le temps partiel. En 2020, elles étaient trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes et qui dit temps partiel dit carrière bloquée, d’après le témoignage, qu’elle a souhaité anonyme, de cette femme salariée dans le secteur bancaire. "Ça limite l'évolution de carrière, c'est certain surtout que c'est un temps partiel qui est imposé aux femmes", commente notre témoin. "Moi, j'ai la chance d'avoir un temps partiel choisi, mais on ne peut pas se dire qu'on va avoir une évolution de carrière qui peut correspondre à nos envies et à nos compétences également", poursuit-elle.
"On vous dit qu'il faut être à temps plein pour accéder à ces postes-là, ce que je peux comprendre par rapport à la réponse qu'on peut apporter à la clientèle, mais il suffirait d'une organisation de postes à mi-temps qui se complète, on pourrait répondre à la situation", avance-t-elle. Cette salariée dans le secteur bancaire, reconnaît toutefois, avoir eu droit à deux rattrapages au cours de sa carrière au titre des écarts de rémunération hommes - femmes. Il y a de l’évolution, avoue-t-elle.
La maternité "défavorise" les femmes
Les écarts se sont réduits, mais tout de même. D'après l’Insee le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 24 % à celui des hommes et de 4% à poste égal. Et les femmes sont souvent défavorisées après une grossesse. C'est le cas très concret d’une banque, le Crédit Agricole centre-est que prend Isabelle Chaduc qui est élue au CSE comité social et économique. Pour elle, "C'est flagrant au niveau des promotions. Souvent, quand les femmes rentrent de maternité, au moment de la notation, il y en a certaines qui ont été défavorisées en leur disant qu'elles étaient inférieures au niveau requis parce qu'elles n'avaient pas eu le temps de se remettre à niveau", détaille-t-elle. "C'est un axe à travailler. Sur les deux plus hautes classes, au niveau des salaires moyens, on a quand même un écart de 4% en faveur des hommes. Il y a eu des rattrapages, c'est indéniable, par contre, il y a encore des écarts", fustige-t-elle.
Un DRH avance à franceinfo une autre raison, encore, pour expliquer ces écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Selon ce dernier, dès l’embauche, les femmes ont tendance à se sous-évaluer, donc à moins bien négocier leur rémunération. C'est un autre facteur – et ils sont multiples on l’a vu - pour expliquer ces inégalités salariales persistantes.
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