Tensions Taïwan-Chine : qui est Tsai Ing-wen, la présidente taïwanaise qui tient tête au régime de Pékin ?
Mercredi 5 avril, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a défié Pékin en allant rencontrer en Californie le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy. Au nom du principe de la "Chine Unique", instauré par Pékin, Taiwan et la Chine ne sont pas censés entretenir de relations diplomatiques puisque les Américains ont reconnu la Chine de Pékin en 1979. Voilà donc ce qui a déclenché les opérations militaires chinoises que Pékin dit avoir achevé avec succès lundi 10 avril, l’objectif étant de simuler un bouclage complet de l’île.
Une femme en politique, en Chine comme à Taïwan; est tout sauf commun. Lorsqu’elle est élue en 2016 avec plus de 56% des voix, Tsai Ing-wen est non seulement la première femme chef d’État de l'île, mais aussi la première femme élue démocratiquement présidente d'un pays asiatique.
Thatcher et Merkel pour modèles
Elle a 66 ans, avocate, est la fille d'un garagiste. Ces origines modestes expliquent d’ailleurs en grande partie son admiration pour deux femmes qui ont été des modèles pour elle : Margareth Thatcher, fille d’un épicier et d’une couturière qui fût Première ministre en Grande-Bretagne pendant onze ans, et Angela Merkel, en Allemagne, père pasteur et mère au foyer, quatre fois chancelière.
Tsai Ing-wen, elle, a la chance d’avoir un père suffisamment économe pour lui payer les meilleures universités : elle est diplômée en droit de l'université de Taïwan, mais aussi de l'université Cornell à New York. En 1984, elle obtient même à 28 ans un doctorat en économie et sciences politiques à la London School of Economics.
La politique ? Pas prévu non plus au départ. Mais pour Stéphane Corcuff, l’un des spécialistes de Taïwan en France, professeur à Sciences Po Lyon, elle a assez vite été rattrapée par le mouvement démocratique dans son pays. "Elle avait peut-être prévu au départ de rester dans les affaires, mais en fait, sa maturité politique est arrivée à un moment d'un grand tournant pour Taïwan, la démocratisation, qu'a lancée son mentor, le président Lee Teng-hui, à partir de 1990."
Une apparente discrétion
De conseillère du président, Tsai-Ing wen devient ministre des Affaires continentales en 2000, vice-Première ministre en 2006. Pour sa première tentative à la présidentielle en 2012, elle porte des revendications sociales et une volonté d’indépendance vis-à-vis de Pékin. Mais le pays n’est prêt et elle est battue par le candidat nationaliste du Kuomintang. En 2016, elle est finalement élue à un moment où Donald Trump arrive au pouvoir aux Etats-Unis. Les deux chefs d’Etat auront un échange téléphonique qui provoquera l’ire des Chinois et des mesures de rétorsion de Pékin vis-à-vis de Taipei. Ça ne l’empêche pas d'être réélue en 2020.
Partout où elle passe, cette petite femme timide intrigue. Elle est très discrète sur sa vie privée, les gens la connaissent peu. On sait juste qu'elle est célibataire sans enfants, qu’elle a adopté trois chiens et, surtout, deux chats. "Think Think" et "Ah Tsai" figuraient sur toutes ses affiches de campagne. Personnage très timide, mais pas sans charisme selon Stéphane Corcuff qui l'a rencontrée en petit comité. "Sans faire de parallèle osé avec notre pays, des gens qui sont sur leurs dossiers peuvent parfois manquer d'humour ou de rondeur. C'est ce qu'on lui a beaucoup reproché. Je l'ai rencontrée plusieurs fois, dans des cercles plus privés, elle a beaucoup d'humour. Elle est simplement très pince-sans-rire. C'est une forme d'humour très intellectuel qui lui correspond très bien. En public, elle est tout sauf l'exemple du populiste aux blagues faciles ou aux formules lâchées pour les médias ou pour les électeurs." Tout cela ne l'empêche pas de tenir tête aujourd'hui à Pékin au point que certains la qualifient de "bête noire" de Xi Jinping.
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