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"Dans Proust, il y a des solutions, des clés ", Oxmo Puccino rend hommage à l’écrivain dans la pièce de théâtre "Marcel"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le rappeur, écrivain et comédien, Oxmo Puccino. À partir du jeudi 26 janvier 2023, il sera aux côtés de Françoise Fabian, sur la scène du théâtre 13ème Art à Paris dans "Marcel" adaptée de son livre, "D’après Marcel"
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 272 min
Le rappeur français Oxmo Puccino aux Solidays, le 27 juin 2010 à Paris.  (JULIEN MUGUET / MAXPPP)

Oxmo Puccino est un artiste rappeur attiré par les vers. C'est le titre Mama Lova, devenu un intemporel, qui l'a révélé au public en 1997. Et puis il y a eu Alice au pays des merveilles, réadaptée, en collaboration avec le trompettiste Ibrahim Maalouf. Il est également l'auteur d'un premier roman, Les réveilleurs de soleil, sorti en 2021, qui a séduit le public et la critique. En 2022, il a publié D'après Marcel, un autoportrait à partir du questionnaire de Marcel Proust et un hommage rendu au célèbre écrivain français, père de l'œuvre À la recherche du temps perduD'après Marcel se transforme à partir du jeudi 26 janvier 2023 en pièce de théâtre, Marcel. Aux côtés d'Oxmo Puccino, Françoise Fabian et ça se passe au théâtre le 13ème Art à Paris.

franceinfo : Marcel ou comment s'approprier les mots de Proust. C'est une création sonore et visuelle de Jérémie Lippmann. Un voyage inédit. Est-ce que c'est un challenge pour vous de vous approprier des mots de Proust.

Oxmo Puccino : Bien sûr que c'est un challenge parce que je n'ai jamais passé autant de temps sur scène, au théâtre. Et puis, c'est vrai que le texte de Proust est extrêmement exigeant. Donc avec la mise en scène de Jérémie, je pense qu'on va pouvoir faire un peu de diversion en cas d'erreur. Il y aura des rideaux de lumière, des voiles, de la fumée, des projections et de la musique. C'est tout un univers complet.

Est-ce que vous êtes justement à la recherche de ce temps qui passe finalement de ce temps "perdu" selon Proust ?

C'est du temps perdu parce qu'il est passé, mais il lui donne tellement vie. Et je pense que notre notion du temps ne se passe pas comme sur une frise chronologique. Parce que notre enfance est tout près de nous, le temps passe extrêmement vite. Le temps n'est qu'une espèce d'instant très compressé que l'on vit de manière allongée. C'est ce que je ressens.

Marcel Proust parle beaucoup de rêve. Il rêvait beaucoup, il a passé beaucoup de temps dans son lit, d'ailleurs, vous le dites ! C'est quand même assez incroyable de vivre comme une autruche et de terminer sa vie en condor sur le monde de la littérature ! C'est comme ça que vous le décrivez dans votre ouvrage D'après Marcel. Vous rêviez à quoi enfant ?

Je rêvais d'être heureux parce que ce n'est pas quelque chose que les parents transmettent à leur enfant et c'en est devenu le but de ma vie. Et je pense que c'est dû à l'anxiété qui fait partie de ma nature.

Vous vous racontez pour la première fois dans cet ouvrage, à travers ce questionnaire de Proust. Vous abordez même les relations que vous aviez avec votre mère. Relations difficiles. Vous en gardez une force de tout ça ?

Oui. Bien sûr. J'avais écrit qu’il y a des choses qui prennent 40 ans pour être comprises et c'est pour ça que ça vaut le temps d'attendre. Et donc, à travers les rapports qu'on a avec nos parents, on comprend l'arbre généalogique qu'il faut grimper et celui qu'on est en train de construire avec les racines à travers nos enfants. C'est une espèce de réflexion transgénérationnelle dans laquelle il y a des clés, des solutions pour beaucoup de vies.

Vous avez grandi dans le 19ᵉ arrondissement, dans un quartier très difficile, à Paris. Vous auriez pu tomber dans la violence, mais vous détestez la violence. Qu'est-ce qui fait que vous ayez eu envie très vite, vous aussi, de vous approprier l'écriture, d'utiliser l'écriture, les mots pour proposer autre chose.

Pour proposer des réponses parce que dans l'ensemble, on ne communique pas assez, on ne se parle pas assez. Et aujourd'hui encore plus que jamais, on ne fait que manifester son insatisfaction sans échanger des solutions qui pourraient améliorer nos liens. Je suis parti d'une espèce de mécanique de démarche qui fait qu'à chaque fois que quelque chose me frappe, je le fais remarquer d'une manière qui adoucit la nouvelle en essayant de proposer une alternative, une solution même quelquefois avec prétention. Ça fait des points de discussion qui font avancer les choses même lorsqu'on n'est pas d'accord, ça.

Ça veut dire que les mots vous ont sauvé ?

Oui. Bien sûr. Les mots ont sauvé.

Les mots sont salvateurs, les mots qu'on entend, des mots qui nous délivrent d'une douleur qu'on n'arrive pas à exprimer. Les mots, c'est ce qui nous relie vraiment.

Oxmo Puccino

à franceinfo

Vous êtes donc un obsédé textuel et vous l'assumer ! Il y a une chose qui vous affecte, que vous rejetez, c'est l'ignorance.

Oui, parce que dans l'ignorance, il y a une paresse grave. Je pense que les pires choses qu'un homme peut accomplir se font par ignorance, parce qu'il ne savait pas. Et je trouve que ce n'est pas une bonne excuse de n'avoir pas su et d'en être victime parce qu'il suffit de chercher, de questionner, de se confronter à cette ignorance, de l'admettre pour mieux réagir, avancer et devenir meilleur, tout simplement.

Jérémie Lippmann vous fait confiance. Il y a un vrai parti-pris dans la mise en exergue des mots de Proust avec Françoise Fabian à vos côtés. Il est devenu très vite un ami pour vous, un confident.

C'est vrai que dans Proust, il y a des solutions, il y a des clés.

Marcel Proust a creusé l'intime avec une sincérité et une exigence littéraire tellement forte que c'est presque religieux. Quand on rentre dans Proust, c'est religieux.

Oxmo Puccino

à franceinfo

On a le sentiment qu'au fil du temps, vous vous trouvez de plus en plus.

Oui, tout à fait. Disons que j'arrive à rester en accord avec moi-même, je suis ma propre évolution et je profite du voyage. C'est formidable parce qu'un artiste pour évoluer, doit se remettre en question. Et c'est vrai qu'il y a des questions qui effraient.

Lesquelles ?

Prendre de l'âge. Par exemple, si j'étais un danseur, je ne danserais pas de la même manière à l'âge que j'ai aujourd'hui qu'il y a 20 ans. Donc ce sont des choses qu'il faut accepter pour mieux embrasser le futur.

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