Françoise Fabian incarne dans le film "Rose" une veuve qui croque la vie à pleines dents : "Ce film, c'est tout à fait moi"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne, Françoise Fabian. Elle est à l’affiche du film "Rose", d'Aurélie Saada.
Françoise Fabian est une actrice indissociable du théâtre comme du cinéma de par la diversité de ses rôles dans ces deux domaines. Elle est à l'affiche, dès mercredi 8 décembre, du premier film, d'Aurélie Saada, Rose. Elle y incarne une veuve qui décide de croquer la vie à pleines dents.
franceinfo : Rose est un film qui montre l'importance d'être libre. Êtes-vous libre ?
Françoise Fabian : Complètement et je le revendique. Toujours, oui.
Ça vous a toujours accompagné. Étiez-vous déjà comme ça enfant ?
Oui. Mon père m'appelait 'le petit général' parce que je voulais tout régenter dans la maison. J'étais insupportable, mais j'aimais beaucoup la littérature et j'aimais beaucoup travailler. Je faisais du piano. Je faisais beaucoup de choses.
Vous avez commencé par le Conservatoire d'Alger. Vous jouiez des instruments de musique et c'est ce que vous souhaitiez vraiment faire au départ.
Oui. Au départ, je voulais être architecte parce que j'aimais beaucoup l'architecture, mais à cette époque, il fallait faire des maths pour être architecte et moi, j'étais très mauvaise. J'aimais beaucoup la littérature et mon père avait une bibliothèque très importante. J'ai donc connu Molière, Shakespeare, tous les auteurs vers l'âge de 12, 13 ans.
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'être actrice alors ?
À Alger, où je suis née, les leçons de comédie se donnaient au même étage que les leçons de piano. Mon premier flirt était un comédien qui m'a amenée dans son cours avec une professeure, madame Gragné, dont j'ai encore la photo chez moi. Elle me dit : "Vous connaissez des textes ? Vous aimez les textes ?" Je lui réponds : Oui, j'aime beaucoup. "Est-ce que vous pourriez nous dire quelque chose ?" Non. Il y a tous les élèves, je ne vais pas monter sur scène, "Mais si, montez en scène et dites-nous ce que vous voulez" et je lui ai dit un poème de Baudelaire. Elle a trouvé que j'avais une bonne voix. Elle a dit à mon père : "Je suis prête à lui donner des leçons de comédie sans que vous ayez à payer parce qu'elle est douée et j'aimerais beaucoup avoir cette fille dans ma classe". J'ai fait un an avec elle et puis elle a voulu me présenter au Conservatoire de Paris et elle a demandé à mon père de faire le sacrifice de se séparer de moi. J'avais 18 ans et j'ai été reçue.
Dans ce film d'Aurélie Saada, Rose, vous incarnez une femme qui perd son mari qu'elle adorait et vous-même avez été très touchée par les hommes de votre vie, vous les avez perdus très jeune.
Oui. J'ai eu la chance dans ma vie de connaître trois hommes exceptionnels. Mon père : exceptionnel. Jacques Becker : exceptionnel, avec lequel malheureusement, je n'ai jamais travaillé. On n'a pas eu le temps parce qu'il est mort quatre ans après notre mariage. Et ensuite, j'ai vécu 25 ans avec un homme que j'aimais beaucoup, Marcel Bozzuffi, que j'ai eu la malchance de perdre il y a trente ans et que je n'ai jamais remplacé.
C'est vraiment l'homme de votre vie ?
Oui. Toujours. De ma vie, de mes rêves, de mon quotidien, de mes nuits.
Justement, cela a-t-il été dur de jouer ce rôle par rapport à ce passé que vous avez, parce qu'il y a beaucoup de vous dans cette femme ?
Beaucoup, mais justement, il y a toute cette énergie que j'ai aussi de devoir surmonter toutes les épreuves et de devoir continuer et avancer.
"J'ai l’énergie de surmonter les épreuves parce que je suis quelqu'un qui ne se plaint pas, je fais avec."
Françoise Fabianà franceinfo
Aurélie Saada, la réalisatrice du film, dit que ce film donne envie de vieillir. Vous vous dites que ça donne surtout envie de vivre.
Ça me ressemble. C'est extraordinaire ce film qu'a écrit Aurélie, c'est tout à fait moi. J'ai sombré quelque fois dans ma vie. J'ai sombré, mais comme j'avais un travail que j'aimais beaucoup, ma passion m'a sauvée. Vraiment. Parce que j'étais très mal. D'ailleurs, je milite et je le dis à la radio, je milite pour l'euthanasie choisie. Parce que c'est affreux, j'ai vu mon père mourir dans un état épouvantable, vivant, mort-vivant. Et ça, je ne veux en aucun cas le subir ni le faire subir aux gens que j'aime.
Cette femme combat aussi les injustices, ne les supportent pas. Vous êtes comme ça et d'ailleurs, dès qu'on parle de vous, on pense évidemment à cette signature du Manifeste des 343 que vous connaissez bien et qui prônaient le droit à l'avortement.
Il faut bien le dire : "343 salopes" ! On nous a traité de 'salopes'. J'ai bien connu Gisèle Halimi, Simone Veil, j'ai aussi travaillé avec elles. Quand on a abrogé la loi sur l'avortement, j'ai fait un discours comme ça pour raconter ma propre histoire. Pour dire que, quand même, l'avortement, c'était indispensable.
J'ai l'impression que votre regard est un regard transparent. Qu'il vous est difficile de cacher les choses.
Je suis juste, je suis bienveillante. Mon père m'a appris la bienveillance. C'est peut-être ça qui fait que je regarde les choses avec bienveillance, avec une critique bienveillante.
"Ce que je revendique complètement, c'est la bienveillance."
Françoise Fabianà franceinfo
Pour terminer, quel regard avez-vous sur ce parcours ?
Je veux continuer. Il n'est pas fermé mon regard, il est ouvert sur le reste.
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