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Mali : l'Allemagne, la Suède et l'UE s'interrogent sur la poursuite de l'intervention militaire

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui nous partons à Bruxelles, Berlin et Stokholm où la coopération avec la France au Sahel est remise en cause.

Radio France
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Un soldat français arbore l'écussion de la force spéciale européenne Takuba sur la base de Menaka, au Mali, le 7 décembre 2021.
 (THOMAS COEX / AFP)

Alors qu'Emmanuel Macron présente ses vœux aux armées, mercredi 19 janvier, dans le camp d’Oberhoffen, près de Haguenau (Bas-Rhin), tout près de la frontière allemande, le club des correspondants se demande comment ses alliés européens perçoivent leur engagement aux côtés de la France au Mali, dans le cadre de l'opération Takuba. Direction Berlin, Stockholm et Bruxelles.

L'Allemagne réfléchit à réduire son contingent

Cela fera bientôt neuf ans que l'Allemagne est engagée sur le terrain malien. Le 27 juin 2013, le Bundestag, approuve cette participation allemande. Nous sommes alors au tout début de la MINUSMA, la mission onusienne de stabilisation du Mali. L’Allemagne a donc été aux côtés de Bamako et de la France dès le départ et depuis, le mandat des forces armées est renouvelé chaque année par les députés. Le mandat actuel s’achève bientôt, au 31 mai. Cela veut dire qu’on entre dans une période d’incertitude, en tout cas de discussions et de débats.

Les Allemands envisagent-ils de se désengager ? Le sujet n’est peut-être pas encore celui du retrait total mais plutôt d’un déploiement moins important. Le contingent de 1 100 soldats allemands, pour la plupart basés à Gao au Mali, pourrait être revu à la baisse. Sa mission essentielle de formation des militaires maliens fait encore sens, selon Paris, qui veut essayer de convaincre son partenaire allemand qu’il est encore pertinent de rester.

Ce qui pose question et problème à Berlin et aux Européens, c’est de continuer à former et équiper des militaires maliens qui sont pour certains passés au préalable entre les mains des Russes et du groupe Wagner, ce groupe de mercenaires affiliés à Moscou. Mais partir c’est aussi laisser le champ libre, et ce n’est sans doute pas le point de vue majoritaire en Europe et en Allemagne.

Les Suédois se désengagent

En Suède, on a passé le stade des interrogations. Le gouvernement a annoncé le 14 janvier sa volonté de mettre fin à sa participation à la force antiterroriste Takuba, basée au Mali. Le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, affirme que ce départ était prévu, qu'il ne s'agit pas d'une surprise. Si on s’en tient à ce qui a été signé, ce n’est effectivement pas un départ précipité. La Suède a envoyé en février 2020 une force de 150 hommes, avec des hélicoptères, qui devait rester un an. Et puis une centaine de militaires danois viennent d’arriver au Mali, pour les remplacer.

Il n'empêche, cela reste quand même une déception pour la France. La Suède avait la possibilité d’envoyer 100 hommes supplémentaires, option qui n’a pas été utilisée. Et surtout, elle a décidé de ne pas renouveler ce mandat. C’est un coup dur car Stockholm était de loin le plus grand contributeur de la force Takuba derrière la France.

Pourquoi ce départ suédois ? La Suède renonce à soutenir la junte militaire au pouvoir à Bamako, qui repousse sans cesse les élections. Mais dans la presse suédoise on a surtout l’impression que c’est la présence des mercenaires russes du groupe Wagner qui a emportée la décision. La Suède est en ce moment dans une phase de tension avec la Russie, qui ne veut pas que le royaume nordique rejoigne l’Otan. Alors un accrochage entre Russes et Suédois, au Mali, ce serait le scénario-catastrophe pour Stockholm. D’ailleurs le désengagement suédois pourrait ne pas s’arrêter là. Le pays s’interroge aussi sur sa participation à la MINUSMA, où il compte 220 autres soldats.

À Bruxelles, le groupe Wagner inquiète

L’Allemagne et la Suède ne sont pas seules à s’interroger sur la poursuite du mandat de leurs troupes, l’Union européenne elle-même est désormais, dans son ensemble, en porte-à-faux quant à son engagement au Sahel. La question a été longuement débattue lors des réunions des ministres de la Défense puis des Affaires étrangères la semaine dernière à Brest. La présence des mercenaires du Groupe Wagner constitue un véritable repoussoir pour les 27 mais le Mali n’est qu’un théâtre parmi d’autres où ces mercenaires russes entre en collision avec l’UE.

Le terrain malien constitue la dernière collision en date avec le groue Wagner pour les Européens et elle est lourde en conséquences potentielles car c’est la région où l’UE est le plus impliquée. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, indique que l’Union souhaite, pour l’instant, maintenir sa présence militaire, c’est-à-dire la mission EUTM de formation de l’armée malienne présente depuis huit ans. Mais pas à n’importe quel prix.

>>>Au Mali et en Centrafrique, le message politique de la France ne passe plus

C’est surtout en Centrafrique que le groupe Wagner pose un problème sans commune mesure à l’Union européenne. Un rapport européen démontrait il y a deux mois la présence d’environ 2 600 mercenaires de cette société privée qui ont aussi pris en main la formation de certaines unités militaires centrafricaines. Il y aussi l’intensification de la présence russe "dans presque tous les domaines du gouvernement", la conduite de campagnes de désinformation et enfin son implication économique dans les douanes, les mines et plus généralement "l’exploitation des ressources naturelles".

Pire encore, un bataillon centrafricain formé par l’UE est passé sous le contrôle des mercenaires russes. La crainte des Européens est que la situation en Centrafrique se reproduise au Mali. La confrontation avec Wagner en est d’ailleurs arrivée à un tel point que l’Union a enclenché des sanctions sans précédent contre le groupe russe pour les exactions commises à travers le monde par ses mercenaires. D’autres pays sont expressément mentionnés : la Syrie, la Libye et l’Ukraine.

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