La difficile gestion des futures commandes de médicaments anti Covid-19
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, on s'intéresse à la nouvelle course aux traitements et aux commandes de médicaments anti Covid-19 aux États-Unis et en Suisse, où siège l'OMS.
Après les vaccins, la course aux pilules pour soigner les malades du Covid-19 est lancée. Au Royaume-Uni, les autorités - confrontées à une forte hausse des contaminations - ont assuré avoir pré-commandé des médicaments encore expérimentaux contre la maladie. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques sont d'ores et déjà à l'œuvre notamment aux États-Unis. De son côté l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève en Suisse, espère acheter les traitements avant les États.
Aux États-Unis, deux géants pharmaceutiques sur les rangs
D’un côté Pfizer, plus de deux milliards de doses de vaccin anti-Covid déjà vendues cette année. De l’autre, Merck qui compte bien être présent sur le marché des traitements (hors vaccin) contre la maladie. C’est d’ailleurs ce laboratoire qui en la matière fait la course en tête. D’une courte tête, avec un traitement le molnupiravir pour lequel la demande d’autorisation a été déposée début octobre. Il s’agit d’un médicament anti-viral, c’est-à-dire qu’il permet de diminuer la capacité d’un virus à se répliquer. Les derniers essais sont prometteurs, puisque cette pilule permettrait de réduire par deux les risques d’hospitalisation et de décès chez des patients présentant au moins un facteur de risque. Jusque-là, les anticorps monoclonaux avaient, eux aussi démontré leur efficacité mais ils sont chers et compliqués à administrer. La pilule de Merck, en attendant celle de Pfizer, elle peut-être prise avec un verre d’eau sur prescription d’un médecin.
Une demande d’autorisation d’urgence a été déposée par Merck. Elle sera étudiée le 30 novembre par la Food and Drug Administration, l’une des deux principales agences de santé aux États-Unis.
À priori, cela laisse la porte ouverte à une distribution du traitement avant la fin de l’année. Par anticipation, le groupe a déjà commencé la production à grande échelle. Dix millions de traitements seront mis en boîte d’ici décembre. Des accords ont été passés avec certains États comme le Royaume-Uni, mais aussi les États-Unis. Le prix, en revanche, n’est pas connu.
Pfizer qui poursuit ses essais n’est pas loin derrière. Les deux groupes pourraient se tailler la part du lion - à condition évidemment de parvenir jusqu’à la mise sur le marché. Et ce n’est pas une mince affaire : une autre société américaine, Atea, en partenariat avec le Suisse Roche vient d’annoncer l’échec de ses derniers essais cliniques.
L'OMS veut gérer les livraisons
Du côté de l'OMS, on regarde de près les annonces des labos pharmaceutiques. Avec l'espoir de voir arriver un médicament aussi efficace que simple d'utilisation pour traiter le Covid-19. Mais aussi la crainte de voir se répéter le scénario du chacun pour soi. Faut-il encore le rappeler : le nationalisme vaccinal a été plus fort que la solidarité internationale dans la crise. Les pays riches n'ont expédié qu'une infime fraction des doses qu'ils ont promises aux pays pauvres. Quant au mécanisme de partage de vaccins COVAX, il n'a pas atteint ses objectifs. Parce que les fabricants et les États ont préféré passer des contrats bilatéraux plutôt que de laisser l'OMS gérer les livraisons. L'OMS a donc perdu la bataille des vaccins. Mais elle espère ne pas commettre la même mésaventure avec les médicaments. Un document interne, consulté par Reuters, montre que l'agence espère acheter des traitements à 10 dollars. Il s'agit vraisemblablement du molnupiravir de Merck. Quand on sait que la pilule devrait se vendre aux alentours de 700 dollars pour un traitement de cinq jours aux États-Unis, ce serait bien évidement, un succès majeur dans la lutte contre le virus. Si le molnupiravir confirmait son efficacité.
La fondation Bill et Melinda Gates a d'ailleurs annoncé qu'elle allait investir 120 millions de dollars pour faciliter l'accès des pays pauvres à des médicaments comme le molnupiravir. Mais l'argent est une condition nécessaire mais pas suffisante. On en revient aux vaccins. Si les pays africains n'arrivent pas à avoir de doses, ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent pas les payer. C'est juste que les vaccins ont déjà été vendus. Et la même chose risque de se reproduire avec les traitements. En 2020, les États-Unis s'étaient rués sur les stocks de remdesivir, avant que le médicament soit finalement déconseillé par l'OMS. Rebelote avec le molnupiravir. Washington a déjà commandé 1,7 million de traitements à Merck. C'est 20% de ce que le laboratoire peut produire cette année. Alors c'est vrai, Merck a accordé des licences volontaires à des entreprises de génériques en Inde pour pouvoir proposer son médicament dans les pays les plus pauvres. Mais tout miser sur l'Inde peut s'avérer dangereux. On l'a vu quand le pays a subitement arrêté d'exporter des vaccins parce qu'il était submergé par les contaminations. C'est pour cela que l'OMS et de nombreuses ONG demandent une levée des brevets sur les vaccins et les traitements anti-covid. Pour que des pays durement touchés comme le Brésil et la Russie puissent eux aussi produire des génériques pour les donner à leur population, mais aussi, les exporter.
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