La Belgique et l'Espagne face à l'épineuse question du rapatriement des femmes et des enfants de jihadistes retenus en Syrie
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Belgique et l'Espagne, deux pays européens aux antipodes sur la question du retour des femmes et des enfants de jihadistes.
La formation suprême de la Cour européenne des droits de l'Homme examine mercredi 29 septembre les requêtes de deux familles qui demandent à la France de rapatrier des femmes de jihadistes ainsi que leurs enfants actuellement retenus par les forces kurdes dans des camps de réfugiés du nord-est de la Syrie. Saisis dans un premier temps, le juge administratif, puis le Conseil d’État s’étaient déclarés incompétents, estimant que la mise en œuvre d’une opération de rapatriement sur un territoire étranger n’était pas de leur ressort mais dépendait "de la conduite des relations internationales de la France". Voyons comment ces dossiers sont traités ailleurs en Europe. Illustrations en Belgique et en Espagne.
La Belgique, l’un des pays européens les plus engagés dans ces rapatriements
L'opération a été réalisée en toute discrétion. Au cœur du mois de juillet dernier, les autorités belges ont rapatrié dix enfants âgés de 9 à 10 ans, et six mères. Ils étaient tous détenus dans le camp de Roj au nord de la Syrie. Ce nouveau retour s'inscrit dans le cadre de la décision prise en mars dernier par le conseil national de sécurité. La Belgique assume ce choix, d’abord pour des raisons humanitaires. "La Belgique a défendu dès le début la convention des droits de l'enfant, a expliqué à la chaine LN24 le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw. Chez nous, les enfants sont la priorité et il faut ramener les mamans pour pouvoir protéger l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est un choix dont on peut être fiers parce que d'autres États européens ne l'ont pas fait ou hésitent encore à le faire."
La Belgique a opté en faveur d'un rapatriement pour des raisons humanitaires mais aussi sécuritaires. Cela permet de juger ces femmes par un tribunal ce qui n'est pas toujours le cas en Syrie note le procureur. D'ailleurs, à leur arrivée ces 6 mamans ont été conduites en prison. Leurs enfants sont pris en charge au cas par cas. Certains confiés aux grands-parents mais tous font l’objet d’un suivi.
Dans ces camps où les familles sont retenues en Syrie, "il y a les terroristes de demain" a averti le premier ministre belge Alexander de Croo au printemps dernier quand il a pris l’engagement de tout faire pour rapatrier tous les enfants âgées de moins de 12 ans. L’association Child Focus qui se rend régulièrement sur place y décrit des enfants de plus en plus radicalisés avec des fillettes de 3 ou 4 ans en Nikab et des femmes qui montent des écoles islamiques.
Au total une quarantaine d’enfants belges sont déjà rentrés de Syrie ces dernières années. La plupart évoluent positivement, selon le centre national d’analyse de la menace.
En Espagne, le gouvernement n’a pas encore pris de décision
Peu de femmes espagnoles sont parties faire le jihad et seules quelques-unes ont demandé à être rapatriées ces dernières années. Ce fut le cas, en octobre 2019, quelques mois seulement avant le début de la pandémie. Les médias espagnols ont longuement parlé de l’histoire de quatre femmes : Yolanda Martínez, Luna Fernández, Lubna Mohamed Miludi et Lubna Fares. La dernière étant de nationalité marocaine, mais ayant vécu en Espagne.
Accompagnées de leurs 15 enfants, les quatre femmes disaient regretter leur engagement et souhaitaient fuir la Syrie afin de regagner l’Espagne. Pour l’heure, ils n’ont toujours pas été rapatriés. Cette histoire très médiatique n’a fait que relancer le débat dans ce pays: faut-il oui ou non accueillir les femmes et enfants de jihadistes ? Les avis sont partagés même si le discours n’a fait que se durcir de l'autre côté des Pyrénées.
Pour l’instant, le gouvernement espagnol n’a pas pris de décision, tandis que le ministère de l’Intérieur examine de près la dangerosité de ces femmes, le bureau du procureur de l’Audience nationale déconseille leur rapatriement. Selon les experts espagnols en matière de sécurité, ces femmes possèdent une grande capacité d’endoctriner, surtout les enfants. Par ailleurs, elles ont souvent été entraînées dans les camps et représentent donc potentiellement une menace terroriste.
Si certaines ont quitté l’Espagne inconsciemment et ont été enrôlées de force dans les rangs des organisations terroristes, les spécialistes rappellent que la plupart d’entre elles savaient ce qu’elles faisaient et sont parties de leur propre gré. Il ne faut donc pas sous-estimer leur rôle. En somme, selon le rapport de l’Institut de Sécurité et Culture, les femmes et les enfants de djihadistes sont aussi potentiellement des terroristes.
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