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L'Italie et la République tchèque face à la réforme de la Politique agricole commune

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, comment les italiens et les tchèques se préparent à la réforme de la Politique agricole commune.

Article rédigé par franceinfo, Bruce de Galzain - Alexis Rosenzweig
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Un agriculteur sème du riz dans une plantation près de Robbio en Lombardie, le 8 mai 2020. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Les eurodéputés doivent adopter mardi 23 novembre en séance plénière à Strasbourg les règlements de la Politique agricole commune (PAC). Disposant d'un budget de 387 milliards d'euros sur sept ans, dont 270 milliards d'aides directes aux agriculteurs, cette réforme de la PAC doit entrer en vigueur en 2023. Même si des ONG dénoncent un manque d'ambition, elle se veut plus verte en conditionnant une partie des aides directes, 25%, à des pratiques plus environnementales:  les éco-régimes. Cette réforme a des répercussions importantes dans les différents pays d'Europe. Coup de projecteur en Italie et République tchèque.

En Italie, des syndicats de salariés enthousiastes

Les syndicats italiens sont très favorables à la nouvelle PAC. Ils viennent même d'écrire aux députés européens italiens pour qu'ils votent comme un seul homme la Politique agricole commune. Il s’agit bien des syndicats de travailleurs qui apprécient surtout les nouveaux critères qui conditionnent les aides agricoles. Les entreprises, les exploitations qui ne respectent pas les contrats et la législation sur les conditions de travail ne pourront plus prétendre aux aides publiques directes. C'est un grand pas vers une PAC plus sociale, durable écrivent à l'unisson les trois principaux syndicats italiens. Un bémol tout de même il faudra contrôler a posteriori les exploitations pour savoir si elles respectent les règles. Et les contrôles ne sont pas répandus en Italie. Les inspecteurs manquent cruellement, alors que l'agromafia -la mafia agricole- est bien présente et que nombre de travailleurs, souvent étrangers, sont exploités ! Les sanctions seront proportionnées à la gravité des faits et le système entrera en vigueur d'abord sur une base volontaire dès 2023 mais sera obligatoire en 2025.     

Les organisations patronales, elles, sont moins emballées par cette nouvelle PAC.  Les agriculteurs vont perdre des aides selon le syndicat patronal Confagricoltura qui dénonce une réduction globale de 15% en prenant en compte les aides nationales. Les seuls fonds européens baissent de 10% selon les calculs de l'organisation. Dans les Pouilles par exemple la région qui emploie le plus grand nombre de personnes dans le secteur agricole, le représentant du syndicat patronal estime que les emplois sont gravement menacés. L'autre aspect qui inquiète les entreprises, c'est la conditionnalité sociale des aides mais aussi la conditionnalité environnementale avec la création des éco-régimes : 25% de la totalité des aides seront accordées aux seuls agriculteurs qui adoptent des programmes environnementaux exigeants. Toutes ces conditions pour le patronat c'est beaucoup de bureaucratie supplémentaire dit-il. Enfin ce qui est aussi essentiel dans cette nouvelle PAC c'est que les états - et donc l'Italie - reprennent en partie la main : ils doivent eux-mêmes décliner cette PAC dans des plans stratégiques !

En République tchèque, l’objectif de plafonner les subventions européennes accordées aux plus grands groupes 

Les partis qui ont formé une coalition pour battre Andrej Babis, le Premier ministre sortant, aux récentes législatives ont promis pendant la campagne électorale de s’attaquer au système de distribution des fonds de la Politique agricole commune. "Le plafonnement des subventions pour les plus grandes entreprises" est spécifié en toutes lettres dans l’accord de coalition gouvernementale signé récemment par ces cinq partis de centre-droit. Dans le viseur se trouve principalement l’empire agro-chimique, le groupe Agrofert, fondé par Andrej Babis. C’est un des plus gros du pays. Il perçoit jusqu’à maintenant des dizaines de millions d’euros de subventions par an.  Andrej Babis, pour se mettre en conformité avec la loi tchèque, a placé ce conglomérat dans des fonds fiduciaires, mais ce tour de passe-passe financier n’a pas suffit. Les juristes de la Commission européenne ont eux-mêmes estimé que le milliardaire entré en politique restait le bénéficiaire direct d’Agrofert. Ce conflit d’intérêts du Premier ministre sortant a également mis dans l’embarras ses partenaires au sein du groupe Renew au parlement européen, dont les eurodéputés français de La République en Marche.

Avec les puissants lobbies dans le domaine agricole et des groupes comme Agrofert qui emploie des dizaines milliers de personnes, ce ne sera pas une tâche facile pour cette nouvelle coalition. Par ailleurs, Andrej Babis ne se retire pas de la politique, loin de là. Il devrait certes rejoindre les rangs de l’opposition dans quelques jours mais il envisage désormais publiquement aussi de se présenter à la présidence de la République dans environ un an. Ses chances sont pour l’instant plus que bonnes. Même si les prérogatives présidentielles sont surtout protocolaires en Tchéquie, cela lui permettrait de conserver une réelle influence sur les décisions prises à Prague.

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