Rentrée scolaire : dans les coulisses du chantier pharaonique de la rénovation des écoles "passoires thermiques"

Un plan de rénovation thermique des écoles a été annoncé en avril par le chef de l'État. Des municipalités s'attaquent au problème, mais pour certains élus le soutien financier de l'exécutif n'est pas à la hauteur.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
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Des travaux de rénovation thermique ont été effectués dans l'école maternelle André dans le quartier Wazemmes, à Lille, au cours de l'été 2023. (ETIENNE MONIN / RADIOFRANCE)

Pour cette rentrée scolaire, certains élèves vont avoir la chance de mettre les pieds dans des écoles adaptées au réchauffement climatique. En France, le grand chantier de la rénovation thermique des écoles a été annoncé en avril dernier par Emmanuel Macron. Le gouvernement a fixé un cap de 10 000 rénovations d’ici 2027, un chantier pharaonique.

>> "On a vraiment besoin de ce soutien, c'est absolument indispensable" : face à la rénovation énergétique des écoles, les mairies attendent l'aide de l'Etat

À Lille (Nord), plusieurs écoles ont été rénovées cet été. Cela ne se voit pas au premier coup d'œil, c'est le cas pour l'école maternelle André, dans le quartier Wazemmes. Le bâtiment est en brique rouge avec d’épaisses fenêtres blanches. Il y a huit classes en rez-de-chaussée. Il faut en fait s'approcher pour voir le changement.

Comme un décor, l’isolation a été intégrée dans une nouvelle façade faite de grands panneaux préfabriqués. C’est une technique hollandaise. Tout a été réalisé en Belgique. "On construit en amont tous les panneaux, en atelier, en temps masqué, pendant le fonctionnement de l'école. Et ensuite, on a huit semaines pour venir les poser et finaliser complètement l'enveloppe. On a des panneaux qui font l'intégralité de la hauteur du bâtiment donc quatre mètres, trois mètres de large et entre 40 et 50 cm d'épaisseur. La stratégie adoptée, c'est celle de la préfabrication", décrit Clément Bisiaux, architecte du Bureau FaceB.

La nouvelle façade de l'école est faite de panneaux préfabriqués isolants. (ETIENNE MONIN / RADIOFRANCE)

Les élèves ne verront peut-être donc pas la différence. C’était l’un des enjeux de cette rénovation : lancer une course contre-la-montre, pendant les grandes vacances, pour ne pas avoir à déménager les classes. "On ne peut pas faire une rénovation environnementale lourde avec des enfants et des enseignants dans les classes, indique Audrey Linkenheld, adjointe à la transition écologique à la mairie de Lille. Il nous reste donc les grandes vacances et quelques petites vacances pour le faire. On a trouvé une méthode qui nous permet, pendant un été, de traiter complètement la façade d'un bâtiment. 

"On ne dérange pas les élèves et les profs. Et l'été suivant, c'est une autre école qu'on peut rénover. C'est comme ça qu'on va plus vite".

Audrey Linkenheld

à franceinfo

Avec cette isolation, l’école maternelle André devrait dépenser quatre fois moins d’énergie. Elle va être reliée au réseau de chaleur urbaine et des panneaux solaires vont être installés sur le toit. C’est la deuxième école à Lille, rénovée en express avec des éléments préfabriqués.   

Le "fonds vert" du gouvernement mis à contribution

La municipalité de Lille prévoit de rénover 25 écoles, pour un budget de 90 millions d’euros. À l’échelle du pays, la mission d’information du Sénat qui a remis un rapport en juin dernier estime qu’il faudrait cinq milliards d'euros par an sur dix ans pour diviser par deux la consommation énergétique des bâtiments.  

Le gouvernement a donc mis des moyens sur la table : deux milliards d'euros de prêt et notamment, un accès à la boîte à outils du développement durable, ce qu'on appelle "le Fonds vert". C’est un bon début, mais c’est insuffisant, selon Jean-Baptiste Hamonic. Il fait partie de l’association des petites villes de France. Il est maire de Villepreux, dans les Yvelines, qui rénove quatre écoles : "On va mettre trois millions d'euros sur la table pour rénover quatre écoles en trois ans. Mais si on devait faire tous nos travaux de rénovation énergétique prévus, il faudrait pouvoir investir dix millions d'euros. Or, dix millions d'euros dans le département des Yvelines, c'était le montant de l'enveloppe du Fonds vert pour un peu plus de 260 communes"

"Il y a donc un soutien qui existe, mais au regard de l'enjeu, je dirais que l'accompagnement est encore aujourd'hui insuffisant"

Jean-Baptiste Hamonic, maire de Villepreux, dans les Yvelines

à franceinfo

Il y a une vraie incertitude sur le fait que le calendrier du gouvernement, qui prévoit 10 000 rénovations d'ici 2027, puisse être tenu. En plus des moyens financiers, il faut des bras et des compétences pour monter une fillière quasi-industrielle de la rénovation thermique. 

On en est au tout début, dit la sénatrice Nadège Havet, rapporteure du rapport de juin dernier : "Je pense qu'on est au niveau de la prise de conscience qui a été actée en plusieurs phases. Notamment, quand il y a eu les épisodes de canicules et que les élèves ont eu du mal à passer leurs examens. La crise énergétique aussi, qui fait que tout le monde se dit qu'il faut faire des économies d'énergie et qu'il va falloir accélérer. Je pense que les objectifs 2040-2050 vont être possiblement difficiles à atteindre si on ne met pas le paquet tout de suite"

>> INFOGRAPHIES. Crise énergétique : où se trouvent les passoires thermiques en France ?

En France, on compte un peu plus de 50 000 écoles, collèges et lycées. Beaucoup de bâtiments datent des années 1960-1970 et contrairement aux logements, il n’y a pas d’état des lieux. On ne sait pas précisément combien il y a d’écoles passoires thermiques.

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