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"Ils ne sont pas dans la nature" : deux semaines après leur débarquement à Toulon, la délicate gestion des migrants de l'"Ocean Viking"

Deux semaines après leur arrivée à Toulon (Var) que sont devenus les 234 exilés du navire humanitaire de l'Ocean Viking ? franceinfo dresse un état des lieux.

Article rédigé par franceinfo - Hugo Charpentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un enfant, secouru par le navire de sauvetage Ocean Viking après son arrivée au centre de vacances "Giens Cap Levant" à Hyères, dans le sud de la France, le 11 novembre 2022. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Depuis le jeudi 24 novembre, le centre de vacances sur la presque'île de Giens à Hyères est vide. Transformé en "zone d'attente internationale", le camp de vacances est resté longtemps bouclé avec interdiction d'entrer. Jusqu'à 200 policiers et gendarmes ont été mobilisés. Mais désormais le dispositif est levé. Il n'y a plus aucun rescapé de l'Ocean Viking présent sur place depuis jeudi. Ils étaient 190 il y a quinze jours ; les autres, étant mineurs, ont été pris en charge par le département du Var.

>> Ocean Viking : "180 dossiers à statuer en 24 heures, c'est radicalement impossible" pour la justice, estime le bâtonnier du barreau de Toulon


Pendant ces quinze jours, l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a d'abord mené des auditions. 66 migrants sont alors admis sur le territoire pour y déposer une demande d'asile. Pour tous les autres, c'est un refus d'entrée. Sauf que leur maintien dans cette zone d'attente doit d'être décidé par la justice dans les 24 heures.

Imbroglio juridique   

Un délai impossible à tenir pour les juges et les avocats, compte tenu des conditions d'exercice difficiles. "L'absence de traducteur a été un facteur aggravant, affirme Me Sophie Cais, bâtonnier du barreau de Toulon, qui a manifestement contribué au fait que le délai de 24 heures n'a pas pu être respecté." "J'étais dans une audience qui concernait des Pakistanais et des Bangladais, raconte-t-elle. Il y avait deux traducteurs à l'audience mais des traducteurs en langue anglaise, précise l'avocate, et aucun des ressortissants bangladais ou pakistanais ne parlaient anglais."

"On a eu recours à Google Trad sur nos téléphones pour pouvoir expliquer qui nous étions, nous les avocats, qui était le juge et quelle procédure était en train de se dérouler, parce qu'ils ne savaient absolument pas ce qu'il se passait."

Me Sophie Cais, bâtonnier du barreau de Toulon

à franceinfo

Conséquence de cet imbroglio juridique : une centaine de migrants est autorisée à quitter le centre de vacances. Toutes ces personnes sont-elles pour autant dans la nature, comme le dénoncent certains responsables politiques ? Non, répond Laure Palun, présidente de l'Anafe, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers. "Elles sont, elles ont été ou elles doivent être prises en charge par les services de l'État dans le cadre de leur demande d'asile, explique-t-elle, et dans un système d'hébergement en Paca, notamment autour de Marseille. Donc à notre connaissance, ces personnes ne sont pas dans la nature."

Les deux dernières personnes de nationalité bangladaise qui étaient encore jeudi dans la zone d'attente ont été conduites dans une autre zone d'attente au centre de rétention administrative  de Marseille en vue de leur expulsion. Deux autre rescapés d'origine malienne sont déjà repartis par avion en début de semaine. Mais la perspective du gouvernement qui était d'expulser rapidement plusieurs dizaines de migrants paraît donc bien loin.

26 mineurs sont partis

Après leur débarquement, 44 mineurs isolés ont été pris en charge par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance. Conduits dans un hôtel de Toulon, ouvert pour l'occasion, ils y étaient libres de leurs mouvements.
Beaucoup ont d'ailleurs décidé de partir. "On a 26 jeunes qui sont partis, estime Christophe Paquette, le directeur-général adjoint chargé des solidarités au conseil départemental du Var. "Je rappelle que le département a pour mission la protection de l'enfance", dit-il. "Dans cette phase de mise à l'abri, nous n'avons aucune possibilité juridique de les retenir, rappelle-t-il, ces jeunes sont libres."

"On est là pour les protéger, pour les nourrir, pour les chausser, d'ailleurs beaucoup n'avaient pas de chaussures. On a fait pour tous un bilan de santé, les vaccinations. Mais ceux qui ont choisi de partir sont partis de leur plein gré."

Christophe Paquette, directeur général adjoint chargé des solidarités au conseil départemental du Var

à franceinfo

"Il se trouve que dans ce groupe, il y avait une majorité de jeunes Erythréens", observe Christophe Paquette. "D'après ce que nous avons compris dans les discussions que nous avons eu avec eux, poursuit le directeur général adjoint, ils avaient des destinations vers la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l'Allemagne ou les pays d'Europe du Nord. Donc ils ont sans doute pris le chemin pour rejoindre de la famille ou des connaissances qui les attendent dans ces destinations." 

Quant aux autres mineurs isolés qui ont décidé de rester, "Je pense que d'ici ce soir, ils seront tous répartis vers d'autres départements." Pour l'essentiel dans des départements bretons et des départements de la région Auvergne Rhône-Alpes.

Modification de la loi     

Sous le feu des critiques de l'opposition comme des défenseurs des exilés, le gouvernement veut durcir la loi. L'exécutif explique vouloir tirer les "conclusions" de cet épisode. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a évoqué cette semaine devant l'Assemblée nationale la mise en place d'un "système d'entrée et sortie qui n'a, dit-il, jamais existé auparavant". Certains craignent une atteinte au droit. "On le craint toujours, souligne Me Sophie Cais, bâtonnier de Toulon, et on le craint d'autant plus quand c'est l'actualité qui fait l'évolution législative." 

"À chaque fois qu'un fait-divers survient, on remet en cause la question de la prescription et la responsabilité pénale. Je pense qu'il faut prendre du recul avant de modifier les lois. Essayer de regarder froidement et objectivement les causes de l'échec, avant les effets d'annonce."

Me Sophie Cais, bâtonnier de Toulon

à franceinfo

Mais le ministre de l'Intérieur veut aller vite avec une mise en place de ce nouveau système dès juin 2023. Il doit figurer dans le future projet de loi immigration qui sera présenté en janvier.

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