Elections de mi-mandat aux Etats-Unis : en Arizona, les soutiens de Donald Trump surveillent, parfois armés, un scrutin qu'ils jugent déjà "truqué"
Malgré toutes les enquêtes qui ont conclu à l'absence de fraude, ces électeurs républicains sont persuadés que la dernière présidentielle leur a été volée. Alors que l'élection du 8 novembre s'annonce une nouvelle fois serrée, ils répandent l'idée que les démocrates vont tricher.
C'est dans un paysage de montagnes désertiques, en plein territoire cowboy, à Camp Verde, deux heures de route au nord de Phoenix, que nous débusquons un repère de soutiens de Donald Trump. À l'entrée d'un terrain de rodéo, des casquettes "Make America great again", le slogan de l'ancien président, sont en vente. À la veille des élections de mi-mandat, ces électeurs républicains espèrent tenir leur revanche ici en Arizona. Joe Biden a remporté cet état du sud-ouest des États-Unis en 2020 avec seulement 10 500 voix d'avance.
Ces électeurs républicains pour qui l'immigration est un enjeu majeur – ils souhaitent notamment que le chantier du mur promis par Donald Trump le long de la frontière avec le Mexique et stoppé par son successeur soit terminé – annoncent une vague rouge en Arizona. Ils disent ne pas faire confiance au processus électoral.
Malgré toutes les enquêtes qui ont conclu à l'absence de fraude, ils sont persuadés que la dernière présidentielle leur a été volée. "C'était truqué", nous affirme un spectateur. Son épouse confesse une perte de confiance ces dernières années.
Des "watchers" pour surveiller les urnes
À la radio, cette théorie du scrutin illégitime tourne en boucle. Les journalistes parlent des "deniers", ceux qui nient le résultat de la présidentielle de 2020 et qui alimentent la suspicion pour les élections de 2022 durant lequel les électeurs américains sont appelés à renouveler l'ensemble de la Chambre des représentants, plus d'un tiers du Sénat mais aussi une partie des gouverneurs. Parmi ces "deniers" figurent notamment les principaux candidats républicains en Arizona adoubés par Donald Trump. Et leurs soutiens ont décidé de les prendre au mot. Entre eux ils s'appellent les "watchers", les observateurs, des guetteurs d'une démocratie sous surveillance.
Mitch, 56 ans, pro-Trump, ne perd pas de vue une grand boîte métallique sur un parking, non loin de Phoenix, une dropbox, dans laquelle les électeurs viennent déposer leurs bulletins de vote.
"Je surveille les urnes tous les jours de 17 heures à minuit. C'est tellement important de ne pas tricher quand vous votez et c'est ce qu'il se passe..."
Mitchà franceinfo
"Je ne suis pas armé mais d'autres guetteurs sont venus ici avec des armes, affirme-t-il, il les gardaient dans leur sacs, elles n'étaient pas visibles". Mitch n'a finalement rien vu d'anormal. Un électeur vient déposer son bulletin sous nos yeux. Lui aussi est républicain mais il ne tolère pas ces méthodes de surveillance : "Ils sont paranoïaques, les théories complotistes, ce n'est pas pour moi."
"Ce sera une révolution"
Ces théories complotistes, certains candidats en font commerce ouvertement pendant cette campagne. Comme lors de cette réunion publique à Mesa, en banlieue de Phoenix, durant laquelle la républicaine Liz Harris, qui brigue un siège à la Chambre des représentants de l'Arizona, affirme que si son camp perdait les élections, une seule explication serait valable, selon elle, "la triche". Et elle imagine déjà les conséquences : "Ce ne sera pas une guerre civile, promet-elle, mais une révolution."
Liz Harris, qui porte fièrement un T-shirt Trump 2020, défend publiquement la thèse d'une présidentielle truquée, véhiculée par le documentaire 2 000 Mules qui trouve un écho grandissant au sein des réseaux conspirationnistes. Le film, dit-elle, "montre très clairement qu'ici en Arizona, il y a eu des milliers de bulletins de vote déposés dans les urnes en 2020 par les mêmes personnes encore et encore. Oui, les élections sont truquées aux États-Unis. Mais ils ne peuvent plus faire ça. Le peuple américain ne l'acceptera pas. Maintenant les gens surveillent. Les gens font attention".
Face à ces discours de suspicion, le département des élections de Phoenix se barricade. Ses locaux sont cernés de clôtures, coiffées de barbelées. À l'intérieur, le dépouillement a commencé.
Des centaines de personnes, des équipes bi-partisanes, sont là pour assurer un scrutin équitable, insiste Matt Roberts, le porte-parole du département des élections de Maricopa County. Il confirme les menaces, les pressions sur les travailleurs électoraux : "Je pense que cela a augmenté au cours des dernières années. Est-ce qu'on a peur de ça ? Non. Prenons-nous des mesures pour assurer la sécurité de nos travailleurs électoraux ? Bien sûr. Nous travaillons en étroite collaboration avec les forces de l'ordre. Nous n'acceptons aucune intimidation des électeurs. Mais nous n'aurons pas de policiers dans nos bureaux de vote." Matt Roberts précise toutefois que le shérif est alerté et que ses équipes "seront au complet et capables de répondre à toute crise si elle devait se produire".
Des élections sous tensions donc et extrêmement serrées, selon les derniers sondages. Si les candidats républicains l'emportaient dans l'Arizona, la route se dégagerait un peu plus pour Donald Trump qui flirte déjà avec l'idée de se remettre en selle pour la présidentielle de 2024.
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