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Comment le nucléaire est pour certains passé du statut d'indésirable à celui de champion de l'avenir énergétique français

Emmanuel Macron présente mardi le plan "France 2030", un plan d’investissements consacrés aux technologies de l’avenir. Et le nucléaire comptera parmi les bénéficiaires.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes), le 10 mai 2017. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Accélération de calendrier en vue pour le nucléaire : le président de la République détaille mardi 12 octobre le plan "France 2030", entre 20 et 30 milliards d'euros consacrés aux technologies de l'avenir parmi lesquelles le nucléaire figure désormais en bonne place. 

Malgré le fiasco du chantier de l'EPR de Flamanville, le nucléaire est présentée par le gouvernement comme l'énergie du futur. "Oui, l'énergie nucléaire est une énergie sûre", déclarait Emmanuel Macron devant les salariés de Framatome en décembre 2020. "Elle émet peu de CO2, elle est l'un des instruments pour lutter contre le réchauffement climatique", abondait de son côté le ministre de l'économie Bruno Le Maire, il y a quelques semaines lors d'un sommet européen en Slovénie.  Et il a aussi la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui verrait bien la France brûler une étape jusqu'ici considérée comme indispensable : pas forcément la peine, dit-elle, d'attendre que le réacteur EPR de Flamanville soit enfin mis en service en 2023 pour réengager la France sur un programme de construction de plusieurs nouveaux réacteurs.

Des besoins croissants en électricité 

Cette doctrine pro-nucléaire est justifiée par deux arguments. D'abord, la lutte contre le réchauffement climatique exige de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre, et donc de se séparer des énergies fossiles. Exit le pétrole et le gaz, l'électricité devient la reine des énergies. Ensuite, les besoins en électricité vont nécessairement augmenter. La France envisage de produire au moins 35% d'électricité en plus d'ici 2050 pour couvrir les nouveaux besoins. "Nos usages vont s'électrifier", estime Xavier Piechaczyk, le président de RTE, le gestionnaire du réseau électrique.

"Avec le développement de la voiture électrique, nous prévoyons que le secteur des transports devrait augmenter sa consommation d'électricité de 600%. Pour l'industrie, c'est une augmentation de 60%."

Xavier Piechaczyk, président de RTE

à franceinfo

Produire plus va donc devenir une nécessité, la question est de savoir la place que doit prendre le nucléaire. Aujourd'hui, sans les 56 réacteurs du parc nucléaire français, c'est la panne assurée : ils produisent 70% de notre électricité. Mais ces centrales vont finir par fermer les unes après les autres à l'horizon 2030-2040. 

Les énergies renouvelables ne pourront assurer le relais seules que s'il l'on découvre comment stocker à grande échelle l'électricité produite par le solaire ou l'éolien, ce qui n'est pas encore le cas. Valérie Faudon est déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire (Sfen), une association qui défend la filière. Elle conclut qu'on ne peut pas se passer d'une nouvelle génération de centrales. "On n'a pas de degré de certitude sur notre capacité à déployer à grande échelle des systèmes de stockage, estime-t-elle. On ne connait pas non plus quelle attitude vont avoir les citoyens face à ces nouvelles technologies. Nous estimons que c'est trop hasardeux et trop risqué pour notre avenir". 

Des investissements sur le long terme

EDF travaille donc en ce moment sur un projet de six réacteurs EPR de nouvelle génération. Cela représenterait des chantiers d'une dizaine d'années, avec un coût de 46 milliards d'euros. Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire, objecte que ce montant serait bien plus utile investi dans les énergies renouvelables : les progrès technologiques y sont bien plus rapides, assure-t-elle. "C'est EDF qui finalement fait le forcing, regrette Charlotte Mijeon. Il ne faut pas perdre de vue l'existence d'un lobby nucléaire extrêmement organisé. Il faut bien employer ce mot. Et par ailleurs, poser les choses dès maintenant, c'est aussi un moyen pour Emmanuel Macron de squeezer le débat, en prétendant, si jamais il est réélu : 'Vous avez voté pour moi donc vous avez voté pour ce projet, cela n'a pas à faire débat'."

Un débat pourtant d'autant plus indispensable, juge l'économiste François Lévêque, auteur du livre Nucléaire On/Off, que la décision de se relancer dans un nouveau programme nucléaire implique plusieurs générations. "C'est une décision exceptionnelle. Vous construisez quelque chose qui va avoir une durée de vie d'une centaine d'années. On a construit la tour Eiffel, on a construit des autoroutes... Mais il n'y a pas beaucoup de décisions politiques dont les effets se produisent sur un laps de temps aussi long."

Cette question du nucléaire polarise déjà la campagne pour l'élection présidentielle de 2022. Pourtant sur ce sujet, c'est peut-être l'Union européenne qui aura le dernier mot, puisqu'elle doit inscrire ou non le nucléaire sur la liste des énergies "vertes". Si ce n'est pas le cas, il risque d'être privé d'investissements et de subventions. 

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