L'info de l'histoire. Rwanda : le 6 avril 1994, l'attentat qui a déclenché le génocide

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Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un soldat français participant à l'opération Turquoise surveille des Hutus au Rwanda le 26 juin 1994 (PASCAL GUYOT / AFP)

Cette semaine, le président Macron a enregistré une vidéo pour la commémoration du génocide rwandais, qui aura lieu dimanche 7 avril. Vidéo dans laquelle il déclare que "la France aurait pu arrêter le génocide" avec ses alliés mais qu’elle "n’en a pas eu la volonté". Une allusion a une histoire qui a commencé le 6 avril 1994, à Kigali.

Il y a 30 ans jour pour jour, en effet, l’avion présidentiel rwandais s’apprêtait à atterrir à Kigali de retour d’un voyage en Tanzanie. À son bord, le président Juvénal Habyarimana et le chef d’État du Burundi, Cyprien Ntaryamira. Aussi à bord, quelques ministres et les trois membres d’équipages français. Soudain, deux missiles frappent l’appareil, un Falcon 50, qui s’écrase quelques secondes plus tard non loin de l’aéroport. Il est 20h22. Aucun des passagers n’a survécu.

Dès cette époque on se demande qui a effectué cet attentat. Des rumeurs circulent, ce serait des blancs, des Belges qui auraient mené l’attaque. Puis on dira que ce sont des militaires français. On évoquera même des thèses selon lesquelles des mercenaires sud-africains ou israéliens aurait agi. Toujours est-il que ce 6 avril 1994 deux présidents sont morts et que la nouvelle plonge le Rwanda dans un climat de violence inouï.

Quelques heures plus tard, le début du génocide

Le 7 au matin, la Première ministre Agathe Uwilingiyimana est assassinée avec son mari. Puis l’escorte de casques bleus belges comprenant dix hommes est à son tour massacrée. La Première ministre aurait pu constituer une alternative modérée, alors que les extrémistes hutus veulent massacrer les Tutsis et ceux qui les aident.

De fait, le soir du 6, dès l’annonce de la mort du président Habyarimana, la radio des extrémistes hutus, radio mille collines, lance des appels au meurtre de personnalités tutsies et exige un massacre général. L’armée rwandaise commence à effectuer des exécutons sommaires, notamment la garde présidentielle.

Tout le pays plonge dans l’horreur. Hommes, femmes enfants, tous les Tutsis qui sont pris sont tués sans distinction, comme certains Hutus jugés proches d’eux. On a calculé le rythme des exécutions : 447 morts par heure. Ce n’est pas une guerre civile comme on l’a dit à l’époque, mais bien un génocide : le massacre coordonné et systématique d’une population à raison de son existence et non de ses actes.

Jusqu’en juillet ces crimes sont perpétrés sans relâche. Au total 800 000 morts. Parfois laissés tels quels dans les villages où ils sont assassinés, dans des cimetières à ciel ouvert. Un génocide avec des assassinats à l’arme blanche, considéré comme le dernier des génocides du XXe siècle, après les Namas et les Hereros, les Arméniens, la Shoah, le Cambodge…

Les auteurs de l'attentat toujours inconnus

Mais encore aujourd’hui, trente ans après, malgré plusieurs procédures judiciaires, nul ne sait qui est à l’origine de l’attentat du 6 avril 1994. Cet événement reste un mystère. On a accusé les extrémistes hutus d’avoir voulu tuer un président jugé trop modéré. Puis les rebelles tutsis du FPR d’en être les responsables. Et d’autres encore. Cet acte qui a déclenché un génocide n’a pas livré ses coupables.

Ce n’est pas là-dessus que porte la déclaration du président Macron, mais sur les longs mois pendant lesquels les tueries se sont déroulées. Le monde voyait, savait, mais n’est pas intervenu comme il aurait dû, dit aujourd’hui le président français. Une reconnaissance qui aidera peut-être à faire avancer la mémoire de cette tragédie.

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