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Édito
Les actions d'éclat de militants écologistes dans les musées servent-elles à quelque chose ?

Jeudi 27 octobre, trois militants écologistes ont pris pour cible le tableau "La jeune fille à la perle" de Vermeer, dans le musée de La Haye (Pays-Bas). Faut-il choquer pour faire bouger les choses ? 

Article rédigé par Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Deux militantes écologistes de "Just stop oil" lors de leur action contre la toile "Les tournesols" de Vincent Van Gogh, à la National Gallery de Londres (Royaume-Uni), le 14 octobre 2022 (HANDOUT / JUST STOP OIL)

La répétition de ces actions interroge maiseces actions militantes sont une impasse politique. Elles parlent avant tout à un noyau militant. Dans le reste de la population elles choquent, elles offusquent, elles désolent... et c’est le but. Mais qui pense sérieusement que des décideurs publics ou des citoyens vont changer de pratiques parce qu’un type s’est collé le crâne sur un tableau à La Haye ?

Dénoncer l’urgence est utile mais ce n’est pas suffisant. Il y a évidemment un problème de récit : alors que le réchauffement climatique est là, que nous en vivons des effets concrets et parfois dramatiques tous les jours, il y a chez ces activistes un décalage entre la noblesse de leur cause et la concrétisation politique qui devrait en suivre. Sans cette étape, il ne se passe rien dans une société démocratique.

Choquer c’est bien, mais cela peut être confortable : cela ne permet pas de se confronter à la réalité des enjeux. À l’inverse, définir et assumer une politique publique, c’est probablement moins douloureux que de se coller les mains mais croyez-le cela demande aussi du courage.

La balle est dans le camp du politique

Le réel problème est là : en Europe, les écologistes ont gagné la bataille culturelle mais ils ont perdu la bataille politique. Qui propose un cadre et une vision, capables d’embarquer toute la population vers une société décarbonée ? Pas uniquement l'électorat EELV, ces CSP+ urbains qui sont les derniers à pouvoir se payer du bio. Il faut parler aussi aux campagnes, à ceux qui ont besoin de leur voiture… Il faut regarder les plus précaires dans les yeux et leur dire comment on va les aider à rénover leur maison ou à laisser un vieux diesel.

Au moment de prendre ses responsabilités, qui est à la hauteur du défi climatique ? Emmanuel Macron, pro-business, aurait pu être bien placé pour embarquer avec lui le monde des affaires dans une réelle transition écologique. Il manque manifestement encore de réalisme. À gauche, ne serait-il pas temps de sortir des postures ? Quand les élus écologistes votent à Bruxelles le paquet climat, pourquoi ne parviennent-ils pas à négocier des accords climatiques ambitieux en France ? Dans les deux cas, les négociations se font avec les centristes, les libéraux et les macronistes. Pourquoi est-ce trop difficile à Paris alors qu’ils y arrivent au niveau européen ? Cela n’a aucun sens.

Gouverner c’est faire des choix entre des solutions mauvaises et d’autres encore pires ! C’est plus difficile que de faire des happenings ou un édito. On ne peut pas dire que l’urgence est là et refuser de se mettre autour d’une table. Une loi n’est jamais parfaite, mais le projet de loi ENR est sur la table. La qualité des débats montrera qui se bat pour le climat, et qui se bat pour sa chapelle politique…

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